Les enjeux d’une solution à fort potentiel

La cogénération est la production simultanée de deux énergies différentes à partir d’un seul système : production d’électricité et de chaleur, le plus souvent ; la chaleur étant issue de la production électrique ou l’inverse. Cette solution a de nombreux atouts pour répondre aux enjeux de la transition énergétique, d’autant qu’elle est de plus en plus modulable pour s’adapter aux besoins de l’utilisateur. Le marché français est encore embryonnaire, mais l’évolution du coût de l’énergie pourrait bien changer la donne.

Olivier Camp, président de Novotek, l’affirme : « Si 30 % des besoins de chauffage étaient assurés par des cogénérateurs, la production électrique serait de 15 TWh, soit l’équiva- lent annuel de 2 réacteurs nucléaires. » La cogénération est une piste à considérer pour lisser les pics de consommation : à la différence de certaines énergies in- termittentes, ce principe est en plein fonctionnement lors des pointes, quand les besoins de chauffage atteignent leur maximum. « La cogénération en petites installations, à une échelle conséquente, pourrait être un atout majeur pour répondre aux pointes de consommation électrique, faire baisser les coûts de renforcement des réseaux électriques et remplacer le parc thermique primaire d’appoint des centrales à flamme. Notamment dans des régions comme Paca ou la Bretagne », confirme le président de Novotek. Autre atout remarquable de ce concept : son empreinte écologique plus faible par rapport à une production électrique issue d’un site d’appoint de production central fuel ou gaz, avec 1 tCO2/an par kW installé, selon le Club Cogénération de l’ATEE (1).

Un concept initialement développé pour le tertiaire

Couvrir les besoins thermiques de chauffage, d’eau chaude et produire de l’électricité, tel est le principe de base des systèmes de cogénération des bâtiments résidentiels ou tertiaires, explique Pascal Guyon, responsable Produits de la gamme cogénération de Viessmann. « Le système cogénération est donc une source de chaleur alimentée par une énergie primaire (gaz, biogaz ou bois) couplée à un générateur qui va produire l’électri- cité. » Le principe n’est pas nouveau, il a initialement été développé pour de grands ensembles de bâtiments publics ou ter- tiaires consommant beaucoup d’énergie. Pour des bâtiments moins gourmands, on parle de « micro-cogénération », qui est « l’entrée de gamme » en termes de puissance des solutions de cogénération, ajoute Jean-Louis Rasmus, directeur Produits De Dietrich : « C’est tout simplement l’application de la cogénération aux bâtiments de taille plus réduite avec une puissance maximale de production électrique de 36 kW. » « Elle se présente dans un ensemble compact, simple à installer, quelles que soient les énergies utilisées et les gammes de produit », ajoute Pascal Guyon. 

Couvrir les besoins thermiques de chauffage et d’eau chaude tout en produisant de l’électricité, tel est le principe de base des systèmes de cogénération. Une solution encore trop peu implantée en France comparé à ses voisins européens alors qu’elle présente des atouts économiques et écologiques.
Couvrir les besoins thermiques de chauffage et d’eau chaude tout en produisant de l’électricité, tel est le principe de base des systèmes de cogénération. Une solution encore trop peu implantée en France comparé à ses voisins européens alors qu’elle présente des atouts économiques et écologiques.

Pour des besoins de chaleur et d’électricité constants et permanents

La cogénération adresse le marché du chauffage individuel dans le résidentiel ou en logements collectifs, mais elle est particulièrement adaptée partout où les besoins de chaleur et d’électricité sont constants et permanents tout au long de l’année : complexes sportifs avec piscine, hôpitaux et écoles, hôtellerie, restauration… « Pour les bailleurs sociaux ou/et les syn- dics de copropriété, l’électricité produite pourra alimenter les parties communes des bâtiments, et servira d’appoint aux besoins de chauffage. Dans ce type de contexte, les puissances installées iront de 5 à 20 kW, et jusqu’à 50 kW dans certains cas », notent Pascal Guyon et Jean-Louis Rasmus. « L’important est de bien dimensionner les puissances installées par rap- port aux besoins du ou des bâtiments, conseille Pascal Guyon. La cogénération doit tourner à plein régime le plus longtemps possible, l’idéal est de couvrir environ 20 % de la puissance totale thermique. Avec les nouveaux produits prévus pour 2014, la puissance de cogénération pourra être modulée de 30 à 100 % tout en gardant un bon rendement. »

Différentes solutions selon les puissances requises


La plupart du temps, l’énergie primaire utilisée est le gaz, et ce pour les différentes gammes existantes de la micro-cogénération (jusqu’à 36 kW électriques). La chaudière micro-cogénération est en fait une chaudière à condensation classique, qui peut fonctionner au gaz naturel, biogaz ou bois. S’y ajoute un moteur pour produire une énergie mécanique ; cette énergie mécanique permet d’entraîner un alternateur pour produire de l’électricité. Habituellement perdue, l’énergie thermique obtenue par la production d’électricité est récupérée pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire. L’électricité ainsi produite est soit utilisée en autoconsommation avec revente du surplus d’énergie non consommé (injection sur le réseau), soit revendue en totalité.

énergieSuivant les puissances, la cogénération s’appuie sur différentes technologies. Deux d’entre elles sont particulièrement utilisées :
– solutions avec moteur Stirling : ce moteur à combustion externe repose sur le principe d’un gaz qui se dilate lorsqu’il reçoit de la chaleur et se contracte en refroidissant. Le moteur Stirling peut travailler avec différentes sources de chaleur : rayonnement solaire, chaleur rejetée. « Le fluide calo- porteur (de l’hélium, par exemple) est chauffé par une partie de la chaleur de la chaudière à condensation, il se dilate et active le mouvement d’un piston ; ce mouvement permet ensuite de faire fonctionner l’alternateur », explique Jean- Louis Rasmus. Avec ce type de solution il n’est guère possible de produire plus de 1 kW élec- trique, mais l’ensemble présente un rendement sur PCI (pouvoir calori- fique inférieur) souvent supérieur à 100 %. De quoi couvrir environ 50 à 70 % des besoins domestiques (soit une consommation électrique > 3 000 kWh/an) et des besoins de chauffage d’environ 20 kW.
– solutions avec moteur à combustion alternée : par rapport au moteur Stirling, les puissances fournies sont plus importantes. Un circuit récupère la chaleur à différents niveaux : les gaz de combustion, le moteur lui-même et l’huile de lubrification. Un échangeur permet ensuite de transmettre la chaleur récupérée au circuit de chauffage.
« Pour des systèmes de cogénération de moyenne puissance, par exemple, on peut utiliser un moteur fonctionnant au gaz naturel ou bien au biogaz, qui entraînera un générateur synchrone pour produire l’électricité, précise Pascal Guyon. Le rendement global est en moyenne de 85 à 90 % et peut, dans certains cas, atteindre 95 %. »

D’autres technologies existent, basées principalement sur le cycle de Rankine, avec des micro ou miniturbines (lire l’encadré page ci-contre).
Côté installation, une micro-cogénération est du même niveau technique qu’une chaudière à condensation. Ajoutons néanmoins que :
– chez Viessmann et De Dietrich, le moteur Stirling est encapsulé dans un module séparé, ce qui facilite la maintenance et l’entretien ; – pour les systèmes à moteur à combustion, il est nécessaire d’avoir des connaissances complémentaires en mécanique et en électricité ; – pour les cogénérations à énergie bois, c’est en général un chauffagiste avec l’expérience du granulé bois qui mettra la solution en place. « Principe de raccordement et compteur sont similaires à ceux d’une installation photovoltaïque, complète Olivier Camp. Quant à la maintenance, elle est limitée étant donné la robustesse de la solution. »
Une solution encore émergente sur le marché français Selon le représentant de Viessmann, les principaux marchés de la cogénération en Europe sont l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, la Pologne et le Royaume- Uni. La France a encore peu recours à cette solution ; la raison généralement avancée est celle du prix encore avantageux de l’électricité dans l’Hexagone comparé à ses voisins européens. « Ce manque de pertinence économique fait que la cogénération en France est encore un marché de niche, avec seulement quelques centaines d’installations par an», analyse l’expert de De Dietrich. Mais les choses pourraient bientôt changer : l’augmentation du coût de l’électricité pour- rait susciter un engouement pour la diversification des sources d’approvisionnement. Favorisant en même temps l’autoproduction/ autoconsommation dans le secteur distribué (résidentiel et petit tertiaire). »

Le souhait d’autonomie énergétique par la production d’électricité est une orien- tation de plus en plus considérée, selon Olivier Camp : « EDF prévoyant d’augmenter ses tarifs de rachat d’électricité issue de la cogénération d’origine renouvelable, nous sommes confiants sur les perspectives 2014, tant au niveau de la micro-cogénération que des systèmes de puissance supérieure, affirme le président de Novotek. D’autant plus que le marché est conséquent : il y a un parc installé qui totalise 1 million de chaudières fioul da- tant de plus de 25 ans et 4 millions de plus de 15 ans. » « Produire localement son énergie et de façon continue sur la période de chauffe est aussi une façon de limiter les pertes de distribution et de transport d’électricité. C’est un moyen de réduire les émis- sions de CO2 », souligne Jean-Louis Rasmus.
Intérêts financiers de la cogénération en France Reste que le prix d’une solution de cogénération est encore élevé ; son ROI n’est pas très attractif : entre 7 et 15 ans selon la situation initiale, la puissance électrique produite et les hypothèses sur les augmentations du prix de l’énergie. Plus la puissance électrique délivrée est importante, plus le prix du kW électrique devient intéressant : pour 70 kW, il est d’environ 1,8 k€ du kW. Pour les petites installations de micro- cogénération gaz, le tarif d’injection est celui de 2001, c’est-à-dire le tarif bleu, à environ 8,3 c€/kWh. « Un tarif insuffisant pour garantir un ROI correct », juge Patrick Canal, de l’ATEE. L’augmentation en volume des installations et l’entrée sur le marché français de nouveaux compétiteurs devraient donner davantage d’intérêt à cette solution. Les aides de l’État sont également un atout pour la micro-cogénération. Elle est en effet compatible avec la RT 2012 et, pour Patrick Canal, « à court terme, ce type de solution pourrait permettre de faire un pas conséquent vers le niveau Bepos ».

Il faut noter que les incitations fiscales sont limitées aux micro-cogénérations avec un crédit d’impôt (2013) proposé aux micro-cogénérations gaz de moins de 3 kW électriques : ce crédit d’impôt s’élève à 17 % (26 % dans le cadre d’un bouquet de travaux).
Quelles perspectives d’avenir ? Au-delà de l’intérêt purement financier, la cogénération représente potentielle- ment la création de 20 000 emplois, selon l’ATEE. Pour développer ce mar- ché, la France pourrait s’inspirer de ses voisins, plus volontaires dans ce domaine : « L’Allemagne, par exemple, propose un bonus de 5,41 c €/kWh pour  une durée de 30000 heures , illustre Patrick Canal. Pour un prix de marché aux environs de 27 c € / kWh , cela conduit à une rémunération dépassant 32 c €/kWh, soit quatre fois plus qu’en France. » Des propositions d’adaptation du tarif petites installations ont récemment été soumises au ministère du Développe- ment durable par l’ATEE ; le groupe de réflexion sur l’autoproduction/autocon- sommation lancé par le Medde et la direction générale Énergie Climat pour- rait s’emparer du sujet et relancer le débat. Selon la DGEC, le potentiel de la
cogénération en France est de 1,5 à 2 GW électriques à horizon 2018 (2). Alors, vers un smart grid de chaudières de cogénération interconnecté au ni- veau d’un quartier ? Non seulement les solutions sont d’ores et déjà disponibles, mais le prix de rachat de l’électricité en fonction du volume produit pourrait inciter à aller dans ce sens.

Jean-François Moreau

(1) Source 2010. ATEE : Association technique énergie environnement.
(2) Rapport de la DGEC « Analyse du potentiel de la cogénération haut rendement », d’octobre 2010. www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/101015_ Rapport_potentiel_coge_pour_UE-1.pdf

REA_Schéma-Rankine-ecometis

 

Les collectivités sont de plus en plus intéressées par le concept de cogénération bois. Ainsi, le français Novotek mène un projet pour un office d’HLM dans un éco-quartier (dans le nord de la France) qui va permettre de produire 36 kW électriques et environ 150 kW énergie thermique. Après plus de 5 ans de R&D, l’industriel a mis au point une chaudière granulés bois avec un rendement de 95 % ; cogénération incluse, le rendement global, est de 86 %. « La technologie basée sur le moteur Stirling ne permet pas vraiment de dépasser beaucoup plus de 1 kW de production électrique, avec une limitation sur la température de fonctionnement à 110 °C, explique Olivier Camp, président de Novotek. Raison pour la- quelle nous avons mis au point et breveté une solution ba- sée sur le cycle thermo- dynamique de Rankine ( ORC ) , principe utilisé dans la machine à vapeur. Le cogénérateur est une turbine scroll à cycle de Rankine , qui produit chaleur et électricité . Cette solution s’adresse au marché domestique , au petit tertiaire , aux collectivités et au petit industriel. » Pour illustrer l’intérêt de cette solution, il cite l’exemple d’une école, à Cholet (49) : « La facture fioul de cette école était de 15 000 €. Elle est pas- sée à 5 000 € avec le pel- let (granulés bois). Quant à la facture électrique , elle a été allégée grâce à la production électrique en cogénération. De manière générale , le ROI est d ’ autant plus rapide à atteindre que la taille de la chaudière est importante, analyse-t-il. Comparés à une chaudière au fioul, les ROI en micro-cogénération sont de 6 à 9 ans selon les configurations, et ce en intégrant les économies réalisées sur le coût d’approvisionnement et grâce à l’autoconsommation. »

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