Rénovation du parc tertiaire, vers une mobilisation générale ?

Un exemple détaillé et des ROI inférieurs à 3 ans / Situation : Espace Gaymard - Place d’Arvieux - 13002 Marseille

La rénovation énergétique du parc tertiaire a bel et bien commencé, et ce n’est pas un feu de paille car, avec la loi de transition énergétique, le sujet est désormais porté jusqu’en 2050. Une situation complexe avec 850 millions de m2, des consommations très hétérogènes, mais certains acteurs s’y sont engagés de façon forte, avec des retours d’expérience positifs.

 

En attendant le décret, la charte de rénovation énergétique …
… Courant 2013, le constat est fait que l’absence de sortie du décret sur la rénovation du parc tertiaire freine la dynamique de rénovation du parc. S’ensuit donc le lancement, par le Plan Bâtiment durable, en novembre 2013, de la charte d’engagement pour la rénovation énergétique, chaque signataire s’engageant à améliorer ses usages, à réduire ses consommations par des actions d’efficacité énergétique, et à témoigner des actions engagées pour constituer un premier référentiel de retour d’expérience.
D’une trentaine d’acteurs au départ de l’initiative, la charte fédère aujourd’hui une mobilisation volontaire d’une centaine d’acteurs du tertiaire, privés ou publics. Un point d’étape en juin dernier a permis de mettre en évidence la pertinence de cette démarche avec des témoignages concrets sur les actions engagées par les signataires les plus avancés dans la voie de l’amélioration de l’efficacité énergétique.
Par ailleurs, la loi Grenelle II de 2010 prévoit l’obligation de rénovation des bâtiments tertiaires avant 2020 et la loi de transition énergétique prolonge cette obligation par périodes de 10 ans, de 2020 jusqu’en 2050. Mais le décret tant attendu par certains, tant craint par d’autres, reste d’annonce en attente, et va de report en report.
Cela n’empêche pas le mouvement de s’amplifier avec un panel significatif de plus de 22 millions de mètres carrés.

Rénovation du parc tertiaire, les pionniers ont des résultats tangibles
22 millions de mètres carrés, c’est, certes, très peu en regard des plus de 850 millions de mètres carrés qui composent la totalité du parc.
Cependant, les données recueillies sont suffisamment importantes pour que le comité de suivi de la charte piloté par le Plan Bâtiment durable avec l’appui du CSTB, présente une première analyse qualitative cohérente, tant des engagements des acteurs que des stratégies de rénovation mises en place.
Du point de vue des engagements, la quasi-totalité des signataires du panel étudié s’est doté d’objectifs précis, atteignables à court et moyen terme, entre 3 et 10 ans, et avec une moyenne de réduction de consommation de l’ordre de 15 % en 5 ans et de 20 % en 7 ans. Moins de la moitié des sociétés analysées s’engage à des objectifs de 35 à 40 %. Les objectifs sont plutôt exprimés en fonction de la consommation en énergie finale (kWhEF/ m2) et le niveau d’ambition est croissant en fonction du délai de mise en œuvre.
Les économies mesurées sont le plus souvent corrigées des variations climatiques, et seulement un quart des répondants prend en compte les modifications d’usage. Les ROI s’échelonnent entre 2 et 5 ans pour la majorité des actions réalisées.

Les principales actions d’efficacité énergétique :

  • Plus de la moitié des répondants, par ailleurs adhérents à la charte, ont mis en place des guides de sensibilisation des utilisateurs… et des exploitants.
  • La majorité a pris en compte la consommation d’énergie du matériel bureautique dans leur choix.
  • Les actions d’amélioration de l’exploitation sont largement plébiscitées, car faciles à mettre en œuvre et avec un ROI rapide. Pour exemple, le remplacement de l’éclairage, le réglage des équipements et de la GTB. L’installation de compteurs progresse, mais n’est pas encore une pratique générale et systématique.
  • Enfin, les contrats d’exploitation et de fourniture d’énergie sont très régulièrement revus et font l’objet d’un suivi précis.

Par contre, les travaux plus conséquents, concernant l’amélioration ou le renouvellement d’équipement ou de l’enveloppe, sont moins répandus et le plus souvent liés à un cycle de maintenance lourde de l’actif immobilier. La notion de rénovation globale est plutôt davantage considérée que la rénovation élément par élément.
Enfin, signalons que le recours aux énergies renouvelables est peu répandu avec seulement quelques cas singuliers. Une situation qui pourrait changer avec la baisse du coût des systèmes de stockage et production photovoltaïque et l’émergence de solutions hybrides notamment.

Rénovation tertiaire privé, l’exemple du Groupe Perial : « Ce qui a lancé notre mobilisation, c’est la conviction que nous devions agir de façon concomitante, aux niveaux de la construction, de la mise en exploitation et de la gestion du patrimoine. » – Benjamin Mercuriali, directeur du Développement durable et valorisation des actifs.   

Dès 2007, le groupe Perial, spécialiste de la gestion d’actifs immobiliers, a ainsi initié sa réflexion et lancé une campagne d’audit dès 2009 sur un échantillon représentatif de son patrimoine, soit un peu plus de 50 bâtiments. « Avec pour objectifs de mieux connaître les différentes typologies de bâtiment et appréhender ce qu’il serait possible de faire pour atteindre 60 % d’économie d’énergie sur les consommations tous usages. Ensuite, une fois la cartographie effectuée,  nous avons défini un objectif de diminution de 40 % des consommations d’énergie primaire, mais également de 30 % sur la consommation d’eau », précise Benjamin Mercuriali.
Sur la base de cette campagne d’audit et de nos retours d’expérience, ont été identifiés les caractéristiques à prendre en compte pour définir dès l’acquisition les immeubles qui ne seraient pas à rénover car ayant de bonnes caractéristiques intrinsèques, et qui ne feraient donc l’objet que de réglages, d’optimisation des systèmes et de mise en place des bonnes pratiques. « Et, en parallèle, nous avons aussi rédigé un guide de sensibilisation pour donner envie et informer de façon régulière les occupants. » (http://bonnespratiques.perial.info/)
Plus d’une centaine de critères ont été définis autour de trois leviers d’efficacité énergétique : la sensibilisation des occupants, l’optimisation de l’exploitation et de l’entretien et les travaux d’amélioration de la performance énergétique.
Le suivi est clé : tous les ans, nous remettons en question le plan d’amélioration prévu sur la base de l’analyse des consommations, souligne Benjamin Mercuriali.
L’immeuble de bureaux Le Gaymard (Marseille 13002) d’une surface d’environ 10 000 m², conforme à la RT 2012 et loué à plusieurs locataires, a fait l’objet d’un audit réglementaire par le précédent propriétaire puis d’un audit de type Diag-flash visant à la recherche des optimisations de gestion et d’usage. Des améliorations ont été menées suite à ces audits, avec un ROI inférieur à 3 ans et le plus souvent inférieur à un an.
Ces actions, ainsi que celles mises en place précédemment par notre gestionnaire, ont permis d’obtenir des gains conséquents sur les consommations des parties communes en un délai court. Ces gains sont de l’ordre de 30 % en consommation et de 39 % en euros entre 2010 et 2014.

Parmi les actions menées par Perial, on retrouve :

  • Optimisation du contrat de fourniture électrique.
  • Optimisation de l’éclairage des parkings.
  • La mise en place d’horloges sur les convecteurs électriques pour limiter les consommations inutiles la nuit et les week-ends.
  • La mise en cascade des groupes froid et le réglage de la température afin de garantir une durée de vie optimale des équipements et de garantir le confort des utilisateurs.
  • La programmation des températures de consigne chaudes et froides ainsi que les plages horaires de fonctionnement  des équipements.
  • La coupure de la CTA entre 21 heures et 6 heures ainsi que le dimanche.
  • La mise en place de l’extinction automatique de l’éclairage des communs via leur contrôle par la GTB.
  • Une sensibilisation continue des usagers.


    « Sur ce bâtiment assez récent de 2004 (conforme RT 2000) (2012 ??), l’opération principale d’amélioration des caractéristiques intrinsèques est planifiée pour 2019 et concerne l’amélioration des groupes qui arriveront en fin de vie. Avant cela, la GTB sera étendue à l’éclairage ainsi qu’à la gestion complète du lot CVC. Parallèlement, un travail de sensibilisation des occupants est mené depuis l’acquisition, notamment en expliquant le rôle de l’exploitant, celui du gestionnaire… Le résultat a été : la mobilisation de toutes les parties prenantes autour d’un objectif commun, l’amélioration énergétique de l’immeuble, mais aussi des économies substantielles de charges », illustre Benjamin Mercuriali.

L’impulsion est donnée, et le tertiaire privé n’est pas seul dans le mouvement. Le bâti public est également impliqué, nous y reviendrons dans un prochain article.

« La charte de rénovation énergétique va encore accueillir de nouveaux participants pour enraciner le mouvement et renforcer la présence de la sphère publique » – Anne-Lise Deloron-Rocard, directrice adjointe, Plan Bâtiment durable.

Anne-Lise Deloron-Rocard, directrice adjointe, Plan Bâtiment durable. (c) BERNARD SUARD
Anne-Lise Deloron-Rocard, directrice adjointe, Plan Bâtiment durable.
(c) BERNARD SUARD

j3e – Quelles ambitions à venir pour la charte de rénovation ?
ALDR – Nous poursuivons l’accueil de nouveaux acteurs en renforçant la présence de la sphère publique. Plusieurs régions, universités, sont déjà adhérentes et bientôt plusieurs villes devraient nous rejoindre.
Nous continuons l’observation des actions et projets pour mettre en place les mesures des consommations énergétiques et le reporting à y associer. Chaque acteur a des process de mesure et des projets différents, le partage des retours d’expérience est clé pour que le sujet de la rénovation énergétique tertiaire soit porté et enrichi en continu. N’oublions pas que, au travers de la loi de transition énergétique, l’obligation de rénovation est prolongée jusqu’en 2050, avec un objectif d’au moins 60 % de diminution des consommations.

j3e – Compte tenu du mouvement engagé par la charte, la sortie du décret est-elle nécessaire ?
ALDR – Si le décret était publié, il permettrait d’entraîner le plus grand nombre sur le chemin de la rénovation, notamment les plus petits propriétaires, pour qui la démarche volontaire est méconnue ou apparaît difficile à mettre en œuvre.

j3e – Quelles solutions de financement ?
ALDR – Le CPE est opérationnel et le tiers financement est appelé à se développer fortement grâce aux ajustements successifs opérés par la loi Alur et par la loi pour la transition énergétique. De plus, la loi du marché et l’existence certaine d’une valeur verte sont des leviers puissants : les locaux peu ou pas rénovés perdent de la valeur, de l’attractivité à l’égard des investisseurs, comme des utilisateurs.

j3e – Les régions sont-elles bien impliquées ?
ALDR – Oui, elles sont, comme l’ensemble des collectivités locales, un maillon essentiel du Plan Bâtiment durable car ce sont elles qui portent l’action. Du point de vue du parc tertiaire, cela constitue un gisement de mètres carrés considérable, avec notamment tout le patrimoine scolaire. La charte pour l’efficacité énergétique du parc tertiaire portée par le Plan Bâtiment est un outil à disposition de ces territoires et les Plans Bâtiments durables régionaux le portent fortement : la région Rhône-Alpes et la région Centre-Val de Loire sont signataires pour leur patrimoines. Plusieurs universités sont également engagées et d’autres sont appelées à nous rejoindre. Le mouvement est en marche !

 

 

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