Maquette numérique, accélérateur de décision et mémoire de la copropriété

Pour présenter un projet de surélévation... La maquette permet à tous les copropriétaires de prendre de la hauteur ! Et pas seulement, c’est aussi très efficace pour décider rapidement. (c) Pélegrin

Représentation numérique en trois dimensions accessible depuis une simple tablette, la maquette numérique ou BIM (pour « Building Information Modeling») est le recueil des données techniques et architecturales de l’immeuble. Un outil ad hoc pour une approche globale et pédagogique dans la rénovation des copropriétés. Le point sur les débuts de son usage.

En copropriété, une aide précieuse pour la compréhension par tous

« Numérique et pédagogique, la maquette en copropriété est un véritable élément de démocratie participative. Tout le monde peut ainsi comprendre le projet de rénovation car la visualisation 3D facilite le partage de la compréhension et la transparence pour tous les acteurs de la copropriété, mais aussi les acteurs externes comme la mairie et les Bâtiments de France », explique François Pelegrin, architecte DPLG et membre du comité stratégique du Plan Bâtiment durable.

Dans la maquette, on peut se balader virtuellement autour et à l’intérieur du bâtiment, ce qui permet à chaque copropriétaire de bien comprendre son patrimoine et les améliorations qui sont proposées.

L’architecte qui présente le projet, lors de réunions préparatoires, peut ainsi expliquer très précisément le déroulement des travaux, avec le conseil syndical et les copropriétaires intéressés. Ces derniers pourront ensuite plus facilement porter le projet s’ils l’ont bien compris et y adhèrent, et, au final, c’est un temps précieux qui peut être économisé pour arriver au lancement du projet.

« Les possibilités de simulation sont également très intéressantes pour échanger entre propriétaires sur des bases factuelles et visuelles. On peut par exemple très rapidement reconfigurer un rendu de façade avec ou sans panneaux photovoltaïques, de façon complète ou partielle », ajoute Emmanuel Poussard, directeur des activités au sein de l’Agence Parisienne du Climat (APC).

François Pelegrin souligne enfin que « l’efficacité énergétique et la lutte contre la précarité énergétique sont deux sujets très importants, mais il y a également d’autres points primordiaux : le confort d’été, l’acoustique, et la requalification architecturale qui doit apporter un vrai plaisir d’habiter ensemble. La maquette intègre tous ces éléments et fiabilise les résultats de l’audit global » pour constituer la maquette numérique, une phase préparatoire préalable, réalisée au niveau de l’audit global, est nécessaire et représente une charge de l’ordre d’une semaine. Sont effectués des relevés sur site, recoupements et analyses des documents archivés du bâtiment, avec éventuel scanning 3D sur certaines parties du bâti… Ces actions sont clés pour la réussite et la qualité de la future maquette numérique et le bon suivi du déroulement des travaux.

« La maquette joue aussi pleinement son rôle pour présenter la surélévation qui peut être un excellent moyen de financement de la requalification architecturale et thermique d’une copropriété vieillissante et dont les façades sont dégradées », ajoute Dominique Sevray, pilote du groupe de réflexion sur le carnet d’entretien numérique et président de Planète Surélévation.

La copropriété peut valoriser son droit à construire résiduel de différentes manières : soit en l’exploitant elle-même pour créer de nouveaux lots qu’elle revend, soit en le cédant à un tiers contre rémunération. Ce tiers prenant à sa charge la construction des nouveaux lots, poursuit l’expert.

Dans tous les cas, l’opération est génératrice de valeur. Pour exemple la copropriété Clavel (Paris 19e) qui équilibre complètement son investissement (700 000 € comprenant l’ajout d’une vêture double peau, la création de loggias et balcons, le remplacement des fenêtres et du système de ventilation, et enfin le changement de la chaudière). « On invente l’argent en créant des maisons sur le toit et avec au final une réhabilitation exemplaire à coût zéro », illustre François Pelegrin.

Tour Super Montparnasse, le numérique au service d’un projet d’ampleur

La copropriété devrait atteindre le niveau BBC rénovation, étiquette C (104 kWh/m2 SHON/an. À la clé, une économie annuelle totale estimée à 227 000 € TTC. (c) Architecture Pelegrin
La copropriété devrait atteindre le niveau BBC rénovation, étiquette C (104 kWh/m2 SHON/an. À la clé, une économie annuelle totale estimée à 227 000 € TTC. (c) Architecture Pelegrin

Second exemple avec la tour Super Montparnasse, construite en 1968 et dont les façades étaient fortement dégradées. « Après rénovation, le prix de vente d’un appartement pourrait être revalorisé de 500 à 1 000 € par m2. La revalorisation patrimoniale serait pour 15 500 m2 habitables de 7,5 à 15 M€, pour des montants de travaux inférieurs à 5 M€ », ajoute François Pelegrin.

Caractéristiques, usage de la maquette et travaux

Le choix des fenêtres à remplacer par les copropriétaires (16 types d’ensembles d’ouvrants) avec traçabilité au cas par cas des choix de chacun a été effectué dans la maquette. L’emplacement de chaque type de fenêtre choisi dans les 270 logements y a été intégré.

  • Montant total des travaux : 4 939 374 € TTC, soit une quote-part moyenne de 18 290 € TTC par logement.
  • Isolation thermique par l’extérieur (ITE) des façades avec 20 cm de laine de roche sous bardage ventilé à ossature métallique, pour une surface totale de 7 787 m2.
  • Remplacement des fenêtres communes et privatives (châssis aluminium 4-20-4 avec lame d’argon et rupteur de ponts thermiques).
  • Amélioration de la ventilation avec mise en place d’une ventilation mécanique contrôlée (VMC) hygro-réglable de type B ; mise en place de moteurs à basse consommation et remplacement des bouches d’extraction dans les logements.

Le « Trophée Écoresponsable du cadre de vie » a été attribué par l’association Qualitel pour ce projet de requalification architectural à Architecture Pelegrin & Lair et Roynette architectes.

D’autres copropriétés sont en cours de décision. François Pelegrin cite l’une d’entre elles en Ile-de-France de 450 logements. Le prix de vente moyen actuel ne cesse de diminuer et s’y établit autour de 1 100 € du m2. Un logement équivalent dans la résidence BBC située en face est vendu à plus de 3 000 €. Nous avons donc imaginé une solution qui permette de redonner de la valeur verte au bâtiment, pour, après rénovation, être à un niveau de prix de vente plutôt de 2 500 € m2. Et nous avons aussi mis l’accent sur l’amélioration du confort d’usage. Ainsi des balcons pluggés en façade donnant sur le vaste parc arboré ont été proposés. L’ensemble étant associé à un financement qui permettrait, par logement, de limiter l’effort d’investissement à un coût mensuel maîtrisable de 50 à 200 € par logement sur 15 ans… et ce grâce aux économies d’énergie réalisées.

Osons la maquette numérique pour mieux maintenir et pérenniser la connaissance de la copro

« Et c’est souvent très compliqué d’avoir la connaissance sur la copro, de recoller les morceaux, le patrimoine est souvent mal connu compte tenu du turn-over des propriétaires et du changement fréquent de syndic. Potentiellement, la maquette numérique c’est l’assurance traçabilité et mémoire de la copropriété. Il reste à installer l’usage de cet outil dans les habitudes d’un maître d’ouvrage non professionnel », commente Emmanuel Poussard.

La maquette numérique permet de montrer l’état initial du bâtiment mais aussi l’état d’avancement, car elle s’enrichit des informations techniques des différents systèmes de gestion du bâti et les composants techniques qui sont mis en œuvre, ce qui assure la traçabilité et prépare l’exploitation.

« La maquette numérique, c’est le cœur du futur carnet numérique de suivi et d’entretien pour les logements en copropriété prévue par la loi sur la transition énergétique », énonce Dominique Sevray, pilote du groupe de réflexion sur le carnet d’entretien numérique et président de Planète Surélévation.

Dans ce carnet, seront mentionnés « l’ensemble des informations utiles à la bonne utilisation, à l’entretien et à l’amélioration progressive de la performance énergétique du logement et des parties communes ».


Bâtiment collectif du conseil régional de Bourgogne, avec un zoom sur certains équipements du bâtiment (extincteur, radiateur, escalier, etc.). Source Active3D
Bâtiment collectif du conseil régional de Bourgogne, avec un zoom sur certains équipements du bâtiment (extincteur, radiateur, escalier, etc.). Source Active3D

« L’interopérabilité entre les logiciels métiers est nécessaire et le BIM est une réalité.»
Point de vue de Jérôme Gribonval d’Active3D, éditeur de logiciels BIM Exploitation

Vous avez dit IFC, ou interopérabilité, mais pour quoi faire ?

L’avenir du BIM passe par l’interopérabilité entre les logiciels qui alimentent la maquette numérique et donc par des normes d’échanges indépendantes des outils, comme c’est le cas de l’IFC (Industry Foundation Classes). La norme IFC4, à laquelle Active3D a participé au sein du groupe de travail de Mediaconstruct, a permis un certain nombre d’enrichissements, et désormais l’avènement du BIM n’est plus une question, mais une réalité.

Les limites encore constatées dans les outils sont davantage liés aux outils eux-mêmes qu’à la norme, notamment concernant les problématiques d’import-export IFC.


Enfin, n’oublions pas que la maquette de l’immeuble intéresse aussi les fournisseurs d’énergie, eau, gaz, électricité, le repérage des réseaux et des points d’arrivée, c’est également un vrai atout, précise-t-il.

« Qui plus est, la connaissance précise du patrimoine immobilier aboutit également à de meilleures négociations dans les contrats d’entretien et d’assurance, à de nouveaux services aux usagers (géolocalisation, suivi opérationnel de la maintenance, portail de suivi des consommations par lot ou par logement, simulation de DPE, etc.) », ajoute Jérôme Gribonval, responsable Marketing Création d’Active3D.

Plus qu’un simple progiciel ouvert, un outil d’hypergestion technique tel que BIMoperation d’Active3D, s’appuyant sur la maquette numérique, constitue un système d’information immobilier qui évite ainsi la dispersion des informations dans les outils des prestataires et améliore les services externalisés en donnant aux prestataires les moyens d’accéder aux données précises et à jour du patrimoine les concernant, poursuit-il.

Plus qu’un simple progiciel ouvert, la maquette numérique constitue un système d’information immobilier qui évite ainsi la dispersion des informations dans les outils des prestataires et améliore les services externalisés en donnant aux prestataires les moyens d’accéder aux données précises et à jour du patrimoine les concernant.

Et, pour les copropriétés, le sujet est pris très au sérieux dans beaucoup de régions, notamment au sein des Plates-formes territoriales de la rénovation énergétique. « Ces plates-formes ont vocation à prolonger les Points Rénovation Info Service, et ce pour aller plus loin dans l’accompagnement des particuliers et la collaboration avec les professionnels qui seront répertoriés en fonction de leur savoir-faire, notamment en copropriété. En parallèle, plusieurs chantiers de réflexion sont lancés au niveau de la plate-forme : BIM et carnet de santé de la copropriété, niveau d’acceptabilité en terme de coûts ou comment le monde de la copropriété peut-il s’emparer de la maquette numérique, ou encore influence de la taille des copropriétés sur la décision des projets », précise Emmanuel Poussard.

Même si on en est encore au tout début, la maquette numérique a donc une vraie pertinence et la mise en place des actions prévues en 2016 devrait confirmer l’entrée du numérique et du BIM au sein de la copro. « Gageons que dans 3 à 5 ans tous les architectes seront passés à la maquette 3D et que son usage se sera généralisé à tous les corps de métier du bâtiment », conclut François Pelegrin.


Celia Blauel, maire adjointe chargée de l’environnement, du développement durable, de l’eau et du plan Climat Énergie territorial (c) Patrick Sordoillet
Celia Blauel, maire adjointe chargée de l’environnement, du développement durable, de l’eau et du plan Climat Énergie territorial (c) Patrick Sordoillet

« 30 millions d’euros consacrés à l’opération, le plan 1000 Immeubles »
Le point de vue de Celia Blauel, maire adjointe chargée de l’environnement, du développement durable, de l’eau et du plan Climat Énergie territorial

Quel enseignement tirez-vous de l’usage de la maquette numérique lors du projet de rénovation énergétique de la tour Super Montparnasse ?

La maquette numérique qui a été expérimentée à cette occasion présente de nombreux avantages opérationnels. Cette innovation joue un rôle pédagogique auprès des copropriétaires en leur permettant d’avoir une vision globale du projet de rénovation, mais elle a également un rôle de carnet de santé du bâtiment, regroupant toutes les opérations ayant déjà été réalisées sur le bâti. Aujourd’hui, l’utilisation d’une maquette numérique pour la rénovation en copropriétés n’en est qu’à l’étape de l’expérimentation, mais, au regard des avantages en terme de suivi opérationnel qu’elle offre, je crois qu’elle a vocation à pouvoir se généraliser.

«Avec le plan « 1 000 Immeubles », la Ville de Paris donne un coup d’accélérateur important à la rénovation thermique des copropriétés. » 

Avec plus de 30 millions d’euros consacrés à l’opération, le plan 1 000 Immeubles, porté par la Ville de Paris en partenariat avec l’Agence Parisienne du Climat, offrira de façon opérationnelle, dès début 2016, un accompagnement personnalisé à toute copropriété désireuse de s’engager dans une démarche de rénovation énergétique. L’objectif est d’arriver à engager 300 rénovations d’ici à 2020, en offrant des aides financières conditionnées à des critères sociaux et modulées en fonction des gains énergétiques projetés. Cette approche apporte une réponse forte à de multiples impératifs : réduction des émissions de gaz à effet de serre et des consommations d’énergie, diminution des factures énergétiques, mais également un impératif de justice sociale, tout en améliorant le confort et la qualité de vie des habitants.

Un objectif de rénovation mais aussi de lutte contre la précarité énergétique ?

Oui, en effet, le logement est un bien de première nécessité et, alors que la précarité énergétique touche de plus en plus de nos concitoyens, plus de 50 000 ménages parisiens, il est nécessaire d’agir efficacement en faveur de la rénovation thermique du bâti. Pour ce faire, et dans l’optique de rénover l’ensemble du parc parisien d’ici à 2050, il est essentiel d’aller vers une massification des travaux de rénovation énergétique, et de démontrer ainsi que la rénovation énergétique est possible à réaliser à grande échelle.

 


 

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