Stockage électrochimique : Clé de l’équilibre demande-production d’énergie

Batteries et accumulateurs ont envahi notre quotidien avec l’avènement du portable et des nouveaux équipements électriques. Mais les batteries sont aussi clés au niveau du bâtiment pour participer à l’équilibre demande-production d’électricité et à l’autoconsommation. Alors, plomb, lithium ion, batteries hautes températures, quelles sont les tendances, les points clés et l’évolution des coûts ?

Le principe des piles et batteries électrochimiques

Une pile est un dispositif qui transforme une énergie chimique en énergie électrique grâce aux réactifs qui y sont inclus. L’électricité est produite entre deux électrodes baignant dans un électrolyte, un transfert d’électrons se produit depuis la borne négative (anode) vers la borne positive (cathode). Les accumulateurs ou batteries peuvent, après décharge, subir les réactions inverses si on leur fournit de l’extérieur de l’énergie électrique et faire l’objet de plusieurs centaines de cycles charge-décharge pour peu que la procédure de charge soit respectée.

Les technologies de batteries électrochimiques sont multiples et possèdent des caractéristiques très variables. On les retrouve dans trois grands domaines : démarrage et applications industrielles (systèmes de tractions, véhicules électriques…), la sécurisation (UPS, onduleurs…) et enfin les applications stationnaires de cyclage (stockage associé aux systèmes photovoltaïques, sites isolés sans réseau…).

On en distingue plusieurs types, dont les plus courantes sont : au plomb ; Ni-Cd ; Ni-MH ; lithium-ion… Chaque technologie a ses avantages, mais des investissements massifs ont été réalisés sur la technologie lithium-ion. « Il y a dix-huit mois, la part des batteries lithium-ion pour le domestique en Allemagne était de 30 %, aujourd’hui elle est de 70 % », illustre Marion Perrin, chef de service au département des Technologies solaires, service Stockage et Systèmes électriques.

D’autres technologies, telles les batteries hautes températures, font l’objet de développement, par exemple la technologie Sodium-Soufre adaptée à un stockage stationnaire massif et la technologie Sodium-Chlorure de nickel bien adaptée au fonctionnement intensif (bus et flottes utilitaires électriques par exemple).

La batterie plomb, a-t-elle du plomb dans l’aile ?

Pas vraiment, son coût et sa disponibilité font que les batteries au plomb répondent à 90 % des usages industriels et de démarrage et également à l’alimentation pour les systèmes sécurisés, précise Marion Perrin. Par ailleurs, pour les installations photovoltaïques, les batteries plomb ont démontré des longévités intéressantes, jusqu’à 24 ans sur un site que nous avons récemment évalué où la capacité de stockage était encore à 85 % de la capacité nominale.

Les coûts diminuent de 15 à 25 % par an

Le marché global des batteries explose car le stockage de l’électricité est bien évidemment une des réponses à la raréfaction des énergies fossiles et au développement massif des énergies renouvelables intermittentes. Et cela, aussi bien à l’échelon du bâtiment, car, très bientôt, d’ici 2018-2020, tous les bâtiments construits en France seront producteurs d’énergie, qu’à celui d’un quartier où l’optimisation énergétique locale va faire appel au stockage par batteries.

 Un prix de 100 $/kWh quand 1 TWh de batteries Li-ion installé qui pourrait être atteint en 2030 si le marché maintient sa croissance annuelle de 31 % – Marion Perrin d’après Wilfried Hoffmann.

Une batterie ne meurt pas, elle est assassinée

« Pour ne pas assassiner une batterie, il est nécessaire de bien dimensionner sa capacité d’usage, mais aussi d’utiliser des algorithmes de gestion qui vont optimiser le bon fonctionnement de l’accumulateur : température, amplitude du cycle, courant d’usage et limites haute et basse tension sont des variables très importantes à considérer », explique Marion Perrin.

L’efficacité d’une batterie est en particulier altérée lorsque le courant débité augmente. C’est ce qu’on appelle l’effet « Peukert », qui montre que la capacité d’une batterie dépend du courant débité et donc de la rapidité de décharge.

Pour la température, les batteries s’autodéchargent naturellement et encore plus quand la température monte ; après 10 jours à 40 °C, on constate des pertes de capacité de l’ordre de 20 à 30 % pour certaines technologies.

Les vecteurs d’influence sur la durée de vie de la batterie sont différents suivant les fabricants mais aussi suivant les technologies. Pour exemple, les batteries Li-Ion détestent les recharges à des températures inférieures à 5° et vieillissent plus rapidement quand il fait chaud et à plein état de charge. Concernant l’état de charge, ce n’est pas le cas pour les batteries au plomb, illustre Marion Perrin.

Une batterie ne meurt pas, elle est le plus souvent assassinée.

La gestion des batteries et de l’énergie

Les batteries ne fonctionnent pas seules et sont reliées à un système de gestion ou Battery Management System (BMS). « Ce système évite que la batterie sorte de son fonctionnement normal et active la sécurité en cas de conditions hors normes. Pour le Li-Ion, c’est indispensable », souligne l’experte.

Les fonctions principales du Battery Management System. ( source INES)
Les fonctions principales du Battery Management System. ( source INES)

Le BMS communique également avec un éventuel Energy Management System (EMS) qui peut prendre en compte :

  • Les prévisions de consommation, de production, fonction des prévisions météo et des signaux réseaux.
  • Le niveau de flexibilité selon les types de charges (modulable, interruptible, possible à décaler, accumulables).
  • Et enfin les contraintes et objectifs (financier, environnementaux, confort),

afin de déterminer la solution optimale à la problématique.

Enfin, à un niveau supérieur, se situe le DEMS, District Energy Management System, qui va effectuer une optimisation sur un territoire donné, pour par exemple revendre à proximité l’énergie produite.

Du soleil, des batteries et… des voitures électriques

Mobilité solaire, on y est, et c’est l’exemple typique du circuit court de l’énergie. En associant un système de batterie justement dimensionnée à une ombrière photovoltaïque, l’EMS, qui prend en compte les prévisions de production et de consommation, planifie et fait « matcher » les recharges en maximisant l’usage de l’électricité photovoltaïque.

« Avec la batterie, on peut ainsi décaler la production photovoltaïque du week-end pour un usage la semaine, mais aussi faire collaborer les stations entre elles à un échelon territorial pour maximiser encore plus le taux de couverture solaire », complète Marion Perrin.

Piloté avec un système EMS, le taux de couverture de recharge solaire peut grimper de 40 à 60-70 %, voire plus, dans le cas d’une gestion d’énergie multi-stations.

Première station à Bastia. Étape du maillage de l’île de Beauté avec des ombrières parasol. (source CorsicaSole)
Première station à Bastia. Étape du maillage de l’île de Beauté avec des ombrières parasol. (source CorsicaSole)

Et en 2020, avec 3 millions de véhicules électriques globalement en France, pour environ 9 GW de puissance de charge, la mobilité solaire peut permettre de faire s’équilibrer la recharge des véhicules avec la production photovoltaïque sans nécessiter des renforcements importants d’infrastructure réseau et des centrales supplémentaires.

Et le recyclage ? Des solutions sont déjà au rendez-vous

Eh oui, le recyclage est en place et pas seulement pour les batteries de téléphone et les batteries au plomb. « Avec le recyclage, on considère que l’on a une batterie gratuite à partir de 3 batteries au plomb », indique Marion Perrin.

Mais le développement du marché des véhicules électriques et hybrides appelle aussi à une forte croissance à venir des volumes de batteries Nickel-Métal hydrure et Lithium-ion. Ainsi, pour ces types de batteries, la société SNAM a annoncé atteindre 80 % d’efficacité des masses recyclées alors que la limite minimale est fixée à 50 % par la réglementation européenne. SNAM a conclu depuis 2014 un partenariat avec le CEA afin d’optimiser la récupération des métaux tels que les terres rares (La, Ce, Nd, Pr), le cobalt, le nickel, le cuivre, l’aluminium, le manganèse.

Le stockage électrochimique est en mouvement, des acteurs français, tels Saft ou Bolloré, y sont au cœur avec chaque jour des études et des découvertes prometteuses. Certains fabricants de batteries envisagent même dans le futur une autonomie des voitures électriques de 800 km, en passant d’une densité énergétique de 200 Wh/kg aujourd’hui, vers les 2 000 Wh/kg dans quelques années. À suivre donc.


Réutiliser les batteries Li-Ion des véhicules électriques dans le bâtiment, c’est opérationnel

Concevoir un système de stockage stationnaire pour les bâtiments grâce à la réutilisation de batteries de véhicules électriques… c’est possible, cela fonctionne et, qui plus est, avec une garantie de puissance constante dans le temps.

Explications avec Éric Portalès, directeur de Projet au sein de la direction Innovations & Technologies Bouygues Énergies & Services, qui a conduit le projet avec Renault et Nissan.

Une capacité de stockage garantie de 11 kWh par batterie.
Une capacité de stockage garantie de 11 kWh par batterie.

Pourquoi le projet B4B (Batteries for Building) ?

Le projet est issu d’un travail commun entre Bouygues ES, Nissan et Renault. Il s’agit de constituer un système de stockage multi-batteries qui réutilisent des batteries Li-ion des véhicules électriques et qui ont encore 70 % à 75 % de leur capacité. Les batteries sont ensuite utilisées sur une partie du cycle de charge/décharge avec une puissance plafonnée à 12 kW.

Les batteries ne sont pas démantelées et sont réutilisées en l’état sans modification. Leur mise en place est flexible à partir de 24 kW et jusqu’à 1 MW en combinant plusieurs systèmes.

D’autres constructeurs mènent également ce type de réflexion, BMW et Mercedes, mais aussi Mitsubishi font des essais pour stocker de l’Enr éolienne ou photovoltaïque. L’avantage majeur, c’est que le coût des batteries est donc amorti sur deux applications et deux usages différents.

Quels retours d’expérience ? La durée de vie est-elle importante ?

Deux projets sont opérationnels, tout d’abord le siège de Bouygues Construction : Challenger à Saint-Quentin depuis 3 ans et demi. Le second, depuis septembre 2015, est intégré au projet Issy Grid, dans un poste de distribution ERDF à proximité d’une zone de production photovoltaïque. Le stockage permet d’alléger les pointes de consommation sur le réseau et d’éviter de renvoyer l’électricité vers le réseau de transport lors des pointes de production solaire.

La durée de vie de la batterie est peu affectée par l’usage car les cycles de charge/décharge gérés par le BMS (Battery Management System) ne sont jamais complets, la batterie n’est ainsi jamais déchargée complètement. La puissance fournie par les batteries a une variation douce dans le temps. La durée de vie du stockage est prévue pour 12 ans (avec un changement de batterie vers 5/6 ans pour les plus usagées).

Pour quels usages ?

Nous avons actuellement 6 installations en cours de mise en place en Europe. Un des sites de production de Nissan en Espagne va utiliser le système B4B pour stocker 1 MWh, ce qui permet de récupérer l’ensemble de la production photovoltaïque et éclairer l’usine la nuit.

Les applications et usages sont nombreux et vont encore se développer, principalement : stockage du surplus d’électricité verte produite localement pour réutilisation au moment opportun (écrêtage de la pointe de consommation), stockage d’électricité à bas coût en période creuse pour restitution en période de pointe.

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Écrêtage de pointe et baisse de la puissance souscrite (peak shaving). (source Bouygues ES)

Enfin, ce type d’application peut aussi trouver place comme alimentation secourue pour reprise rapide de charges critiques ou encore pour l’alimentation d’un site isolé.

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L’intégralité de la production photovoltaïque est consommée localement grâce au stockage. (source Bouygues ES)

 

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