N°21 Dossier : Éclairage des musées

Exposition itinérante Wonder Lab (ci-dessus : galerie du Hyokeikan Tokyo National Museum, Japon). Initiée par l’agence Heart & Crafts et soutenue par la Fondation Bettencourt Schueller. Commissaire de l’exposition : Hélène Kelmachter - Scénographie : Lina Ghotmeh, architecte - Conception lumière : Philippe Collet, Abraxas Concepts - Matériel d’éclairage : Loupi. ©Loupi. Photo Philippe Chancel
Exposition itinérante Wonder Lab (ci-dessus : galerie du Hyokeikan Tokyo National Museum, Japon). Initiée par l’agence Heart & Crafts et soutenue par la Fondation Bettencourt Schueller. Commissaire de l’exposition : Hélène Kelmachter - Scénographie : Lina Ghotmeh, architecte - Conception lumière : Philippe Collet, Abraxas Concepts - Matériel d’éclairage : Loupi. ©Loupi. Photo Philippe Chancel

Entre protection et valorisation des œuvres, exposition et conservation, l’éclairage des musées est confronté depuis longtemps à ces enjeux parfois contradictoires, mais qui, aujourd’hui, trouvent des solutions adaptées grâce à la technologie LED, à des systèmes de pilotage de l’éclairage, mais aussi et surtout à des conceptions lumière réalisées par des spécialistes. Qu’ils soient conservateurs, architectes, éclairagistes, scénographes, ces maîtres de l’art et de la lumière travaillent de concert afin de donner à voir au visiteur des œuvres révélées par des mises en scène dramatiques, au sens étymologique du terme.

INTERVIEW : Marie Wacrenier

Scénographe et architecte d’intérieur de formation, Marie Wacrenier a travaillé dans le secteur de l’événementiel et de l’architecture avant de rejoindre le Muséum national d’Histoire naturelle. Passionnée de lumière, elle s’intéresse de près à la conception et aux techniques de l’éclairage. Aujourd’hui, elle dirige une équipe de 11 personnes au sein du service de la Régie muséographique ; des « travailleurs de l’ombre, tous impliqués pour mettre en lumière les expositions afin d’offrir aux visiteurs une expérience la plus qualitative possible ».

Marie Wacrenier Responsable du service Régie muséographique des Galeries du Jardin des Plantes Direction générale déléguée aux Musées et aux Jardins botaniques et zoologiques Muséum national d’Histoire naturelle © DR
Marie Wacrenier
Responsable du service Régie muséographique
des Galeries du Jardin des Plantes
Direction générale déléguée aux Musées
et aux Jardins botaniques et zoologiques
Muséum national d’Histoire naturelle. © DR

Lumières – Dans quelle mesure la lumière naturelle joue-t-elle aujourd’hui un rôle dans la scénographie muséale ?
Marie Wacrenier – Aujourd’hui, il devient plus facile de gérer la lumière du jour. Nous sommes malheureusement parfois contraints de l’occulter pour des raisons de conservation des collections, par exemple pour les vélins ou les animaux naturalisés. C’est le cas dans la Grande Galerie de l’Évolution, où nous avons fait appel à une programmation électronique DMX de l’éclairage artificiel qui reproduit le cycle nycthéméral. À l’inverse, il n’est pas rare que nos bâtiments soient classés monuments historiques et conçus pour laisser pénétrer largement la lumière du jour, qui participe directement à révéler la majesté des lieux. Les cas de figure sont variés et nous nous adaptons selon les besoins. Une autre possibilité consiste à associer les deux types d’éclairage grâce à des systèmes de gestion DALI ou DMX, qui permettent de détecter les apports de lumière naturelle et de contrôler l’éclairage artificiel afin de bénéficier d’un niveau d’éclairement quasi constant sur les objets exposés.

Comment abordez-vous le projet d’éclairage artificiel ?
La problématique de l’éclairage artificiel muséal est complexe : il faut savoir conjuguer les différentes contraintes liées à la fois au type d’établissement recevant du public et aux scénarios lumière dédiés à la scénographie et au parcours du visiteur. La réglementation nous impose un niveau d’éclairement maximal de 50 lux sur certaines collections, 100 lux au sol dans les circulations, sans oublier nos obligations en matière d’éclairage de sécurité. Et c’est la lumière qui donne vie aux expositions : la température de couleur et l’indice de rendu des couleurs sont des critères importants pour valoriser les collections. Les études se font au cas par cas, il n’y a pas de prérequis. Souvent, les projets sont élaborés en interne au sein de notre service composé de 11 personnes aguerries aux techniques de l’éclairage et fortes d’une longue expérience. Leur expertise nous permet de travailler en étroite collaboration avec les fabricants et les concepteurs lumière afin de mieux comprendre l’éclairage. L’exemple de la Grande Galerie de l’Évolution en est une parfaite illustration [voir page 35]. Si le projet se révèle trop complexe, nous confions l’étude à des bureaux d’études extérieurs avec, toujours, un suivi par notre équipe qui a une parfaite connaissance des lieux et de nos contraintes, ce qui est essentiel pour la maintenance des produits, même en LED.

Les solutions LED font-elles l’unanimité aujourd’hui ?
Oui, la technologie a beaucoup évolué et progressé. Elle permet un travail de précision et une grande modularité grâce aux systèmes de gestion. Les IRC atteignent 95 sans problème et nous pouvons faire varier la température de couleur et l’intensité. La durée de vie des produits, en moyenne 50 000 heures, ainsi que la réduction des consommations s’inscrivent dans notre démarche de développement durable. Ajoutons à cela la modularité et la flexibilité des LED qui offrent la possibilité aujourd’hui de contrôler l’intensité de l’éclairage via un smartphone. Seul bémol : la réglementation n’a pas suivi la technologie et l’imposition des 50 lux au maximum ne se justifie pas toujours avec la LED.

Comment qualifieriez-vous la lumière la mieux adaptée à la muséographie ?
Je citerais plutôt des caractéristiques indispensables… Elle doit accompagner le parcours du visiteur et orienter son regard vers les œuvres, tout en se faisant oublier matériellement : l’invisible qui rend visible. Les luminaires deviennent de plus en plus compacts et donc plus faciles à intégrer dans l’architecture ou le mobilier. La performance et l’esthétique s’allient pour laisser la place à l’effet lumineux. La lumière raconte une histoire au même titre que les cartels ou que la scénographie. À nous de faire comprendre et de convaincre qu’ en muséographie l’éclairage doit faire partie des priorités…

Muséum national d’histoire naturelle
57 Rue Cuvier, 75005 Paris
01 40 79 56 01
http://www.mnhn.fr/

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