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Pierre Jarlier – Sénateur du Cantal

j3e – La rénovation du parc des bâtiments existants est un enjeu énergétique majeur, pour autant, la directive européenne récemment adoptée par le Parlement européen n’est pas aussi contraignante pour les collectivités que pour les bâtiments de l’État.

Comment faire en sorte que les collectivités territoriales s’engagent dans la rénovation de leurs bâtiments ?
Pierre Jarlier -En raison des difficultés financières que connaissent les collectivités territoriales, de nombreux pays européens comme la France se sont opposés à ce que de nouvelles contraintes leur soient imposées par cette récente directive européenne pour rénover le parc des bâtiments existants.
Ce n’est pas que la maîtrise de la consommation énergétique des bâtiments ne soit pas préoccupante. Bien au contraire, c’est un enjeu environnemental majeur et une source importante d’économies. Pour mémoire, la facture « énergie » des collectivités est d’environ 50 €/an et par habitant, et leur patrimoine représente 280 millions de m2.

Associer les élus aux démarches d’économies d’énergie

Les communes n’ont pas les moyens de mener tous les travaux nécessaires. Il n’était donc pas admissible de fixer, dans des délais toujours très contraints, des obligations nouvelles. D’ailleurs, la prochaine publication du décret sur la rénovation des bâtiments publics pour réduire leur consommation d’énergie est particulièrement inquiétante. Ce décret, qui oblige les collectivités à réaliser des travaux entre 2012 et 2020, va représenter un coût de près de 6 milliards d’euros par an jusqu’en 2020 ! Avant de publier un décret fixant de nouvelles obligations, il aurait d’abord fallu se pencher sur la question des moyens financiers. Dans le cadre du Plan Bâtiment Grenelle, en juillet 2010, j’avais notamment proposé que les collectivités puissent bénéficier d’outils financiers comme par exemple un PTZ (prêt à taux zéro) ou encore un fonds dédié pour les inciter à rénover leurs bâtiments.
Les collectivités s’engagent dans la gestion énergétique de leurs bâtiments car c’est leur intérêt, mais elles le font à leur rythme. Les objectifs doivent en effet être appréciés en prenant en compte les coûts des travaux à leur charge au regard de l’amélioration
effective des performances énergétiques, notamment en fonction des usages.

j3e – Les collectivités pourraient développer la production d’énergie solaire, notamment sur les toitures communales. Quelle est l’ambition de l’AMF dans ce domaine ?
P. J. – C’est la loi Pope et les lois Grenelle qui ont mis en évidence l’importance du rôle des collectivités sur ces enjeux. Très souvent, les communes ou intercommunalités dotées d’un Agenda 21 ont la volonté d’intégrer des installations photovoltaïques aux toitures de leurs bâtiments.
C’est souvent le cas pour les équipements collectifs neufs, comme les gymnases ou les établissements d’enseignement. Il faut néanmoins veiller à la qualité de leur intégration paysagère, notamment dans les quartiers historiques et dans les sites remarquables.

Cela dit, le décret du 9 décembre 2010 instituant un moratoire de la filière photovoltaïque et l’arrêté du 4 mars 2011 modifiant le dispositif de soutien par appels d’offres ont freiné de nouveaux projets photovoltaïques portés par les collectivités.
Cette question fait partie des grands sujets qui seront traités dans le cadre du débat national sur la transition énergétique. L’AMF espère que ces échanges permettront d’aboutir à un nouveau mécanisme plus favorable au développement des projets des collectivités.

« Le décret obligeant les collectivités à réaliser des travaux entre 2012 et 2020
va représenter près de 6 mds €/an jusqu’en 2020 ! Il aurait d’abord fallu se pencher
sur la question des moyens financiers. »

j3e – Les collectivités commencent à utiliser des flottes de véhicules électriques pour leurs services techniques et les transports en
commun. Des expériences actuellement en cours, quel premier bilan en tirez-vous ?
P. J. – Les transports représentent le quart de nos émissions de CO2 et près de 50 % de la facture pétrolière de la France. Les véhicules électriques et hybrides participent à la lutte contre la pollution de l’air en ville et, de manière générale, à la lutte contre le changement climatique.
C’est le Grenelle de l’environnement qui a souhaité confier aux communes le développement des infrastructures nécessaires à ces véhicules électriques.
À cette époque, l’AMF avait fait preuve d’une grande vigilance. Elle avait notamment rappelé que les communes et les intercommunalités étaient engagées en priorité dans le développement des transports collectifs et dans la recherche d’un espace public plus favorable aux mobilités douces et à la qualité de vie. Il avait également été proposé que l’investissement des collectivités en ce domaine ne soit que subsidiaire à l’initiative privée. La mise en circulation de ces véhicules électriques implique l’installation d’infrastructures de charge. De manière générale, ces installations sont réalisées au travers des contrats publics avec des opérateurs privés, comme Autolib en région parisienne. Pour mener à bien ces projets, l’égalité des citoyens devant les charges publiques doit être préservée et ils doivent s’inscrire dans une politique globale de mobilité. Il paraît souhaitable d’encourager ces démarches, mais il est encore trop tôt pour tirer un bilan des quelques initiatives engagées par les grandes agglomérations.

« La notion de coût global en construction ou réhabilitation devrait être mieux prise
en compte dans le code des marchés publics pour associer les économies d’énergie
aux dépenses d’investissement. »

j3e – Le concept de smart grid est en train de prendre de l’importance. Comment les communes s’inscrivent-elles dans ce nouveau schéma qui donne le pouvoir à des entreprises de gestion d’énergie ?
P. J. – La ville doit être conçue de manière durable et numérique. La ville de demain sera sans doute celle qui utilisera les opportunités technologiques pour apporter aux habitants les services les plus adaptés à leurs besoins et, surtout, qui consommera au plus juste les ressources naturelles.
Avec l’évolution du paysage énergétique, nos réseaux électriques doivent être modernisés en intégrant les nouvelles technologies de l’information. C’est l’objet même du smart grid.
Ces projets sont structurants pour nos territoires. Cependant, leur pilotage apparaît particulièrement complexe et échappe le plus souvent à la maîtrise d’ouvrage publique. Ce constat peut nous amener à nous interroger sur le contrôle des coûts de l’énergie à terme pour le particulier, malgré des économies de consommation avérées.
Néanmoins, les compteurs intelligents vont améliorer la qualité de service et aider les consommateurs à mieux évaluer leur consommation énergétique. Actuellement, la quasitotalité des compteurs électriques est installée dans un lieu ne permettant pas une consultation régulière. D’après une directive européenne, 80 % des consommateurs européens devront être équipés de compteurs intelligents d’ici à 2020.

L’un des enjeux majeurs du smart grid et de ses applications est de veiller à ce qu’il demeure au service d’une meilleure information des clients, de la maîtrise de leur consommation et du coût de l’énergie. Les élus doivent rester associés à ces démarches.

j3e – Certaines collectivités s’en sortiront mieux que d’autres parce qu’elles auront davantage de moyens, seront mieux conseillées…
Quelles difficultés pour les élus face à tous ces enjeux énergétiques ? Les systèmes de PPP, CPE et CEE sont-ils bien compris des élus ?
P. J. – En cette période de crise nationale et internationale exceptionnelle, les collectivités territoriales n’échappent pas aux difficultés budgétaires. Les dotations de l’État diminuent et elles ont davantage de difficultés à financer leurs projets. Une gestion rigoureuse des finances publiques est plus que jamais essentielle. En raison de ces contraintes, les élus disposent de marges de manœuvre limitées face aux enjeux énergétiques et, par ailleurs, la sensibilisation à l’amélioration de la gestion de l’énergie est encore nécessaire.

En France, les partenariats publics privés (PPP) financent, compte tenu de leur complexité, de grandes infrastructures publiques comme la construction d’un centre hospitalier, par exemple, ou de grands équipements sportifs. La grande majorité des collectivités n’y ont pas recours.

Le contrat de performance énergétique (CPE), qui fixe un objectif d’efficacité énergétique à atteindre dans la rénovation des bâtiments, est également complexe. Ce qui explique qu’il ne soit que relativement peu mis en oeuvre par les collectivités.

Quant aux certificats d’économies d’énergie (CEE), les collectivités pourront en bénéficier si elles réalisent des économies d’énergie ou incitent leurs administrés à le faire. Elles pourront également revendre leurs CEE aux fournisseurs d’énergie. Les collectivités s’engagent peu à peu dans cette démarche.

Ces dispositifs, au coeur des problématiques de la transition énergétique, sont donc insuffisamment utilisés car ils ne sont pas à la portée de toutes les collectivités. L’enjeu, aujourd’hui, est d’en clarifier et simplifier l’utilisation.
Enfin, la notion de coût global des opérations de construction ou de réhabilitation devrait être mieux prise en compte dans le code des marchés publics pour associer les économies d’énergie aux dépenses d’investissement.

Filière 3e:
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