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Objets communicants dans l’habitat : faire simple pour s’approprier la complexité

XAVIER DESMAISON

Le design des objets communicants et des solutions domotiques a jusqu’ alors visé essentiellement un objectif de simplicité de l’interface, les éléments de décision plus complexes étant reportés à des algorithmes. Dans sa conquête de l’eldorado de données que constitue le bâtiment, Google a choisi d’acheter le thermostat intelligent Nest, pour une raison majeure : sa simplicité, importée par le designer de l’Ipod, Tony Fadell. Pourquoi faire simple ? Selon Tony Fadell, « il y a un quart de milliard de thermostats aux États-Unis et 90 % d’entre eux ne sont pas programmés ». Si l’on veut que les thermostats, les dispositifs de domotique, de GTB ou d’efficacité énergétique active soient davantage utilisés, ils doivent faciliter les interactions avec l’utilisateur, en les simplifiant. En conséquence, nulle forêt de boutons désespérants et effrayants sur le boîtier du Nest, mais une molette circulaire assez identique à celle qui fit le succès de l’Ipod. Mais qui gère alors la complexité ? Qui décide de la température dans les différentes pièces ? Qui s’adapte aux comportements des utilisateurs ? Qui optimise la température en fonction de l’inertie thermique du bâtiment ? Les algorithmes : l’objet décide d’un certain nombre de paramètres pour limiter les interactions et les prises de décision complexes pour l’utilisateur.

Cette simplicité indispensable entre de plus en plus en contradiction avec une autre tendance : l’utilisateur va vouloir décider des algorithmes qui encadrent son comportement ; il va vouloir reprendre la main. Alexis Lloyd, directrice créative du « lab » du New York Times, notait il y a peu lors de la conférence Lift, l’un des hauts lieux de l’innovation numérique en Europe, que « trop souvent, ces systèmes font des choix implicites pour nous, mais ne font pas ce que l’on veut. Notre électronique est conçue comme des boîtes noires dont on ne peut ni voir les choix, ni les corriger ou les adapter… alors que les choix qui sont programmés ont des conséquences (…) » Les objets intelligents ne risquent-ils pas de nous rendre bêtes ? Pour le dire plus crûment : certains ménages peuvent avoir intérêt à faire fonctionner leur machine à laver en fin d’après-midi, dans un moment où l’énergie est chère et où le système de pilotage va les en dissuader. L’algorithme ne dispose pas de suffisamment d’informations pour décider des priorités.

Comment concilier simplicité et reprise du pouvoir pour les utilisateurs ? Trois pistes s’ouvrent aujourd’hui : le « responsive design », la « gamification » et le service.

Les concepteurs de systèmes domotiques et d’objets communicants devront, dans les années à venir, concevoir des interfaces à géométrie variable en fonction du degré de complexité recherché par l’utilisateur et des interfaces dont il dispose (boîtier mural, smartphone, télévision…). Les informaticiens parlent de « responsive design » pour décrire le fait qu’un même site Internet a une ergonomie et une richesse d’option différentes en fonction de l’interface de consultation. Chaque interface devra être capable de suggérer sa propre utilisation sans qu’il soit nécessaire d’adjoindre un mode d’emploi. Les méthodes de la « gamification », l’utilisation des mécanismes des jeux, sont évidemment l’une des pistes à explorer. Enfin, les métiers du bâtiment, en amont et en aval de la construction, devront pouvoir accompagner l’utilisateur à chaque étape : conception des différents degrés d’interface, formation, conseils pour la création d’algorithmes par l’utilisateur, etc.

Ainsi, si l’on veut accélérer l’adoption des technologies en faisant en sorte que les utilisateurs les prennent réellement en main, il convient certes de construire des dispositifs simples, mais aussi de plus en plus de permettre à l’utilisateur de comprendre et maîtriser la complexité sous-jacente.

XAVIER DESMAISON,
Partner du cabinet de conseil Antidox et président de l’Advisory Board de 3e Médias

Xavier Desmaison: Maître de conférences à Sciences-Po en stratégie de communication, d'influence et d'e-influence. Business angel, il siège au conseil d'administration d'une dizaine de start-ups, et du groupe 3e Médias. Amateur d'art, il est membre du comité de rédaction de la revue d'art Prussian Blue.
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