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Financements Innovants : La France à la croisée des chemins

Une urgence à avancer signifiée de façon différente par beaucoup d’acteurs. Tout d’abord, il y a eu le Cler (réseau pour la transition énergétique) et France Nature Environnement qui ont déposé plainte auprès de la Commission européenne pour non-respect par la France de la directive « Performance énergétique des bâtiments ». Avec deux objectifs clairs : faire avancer le dépoussiérage nécessaire des réglementations thermiques pour le bâti existant, des réglementations qui sont à ce jour obsolètes car très éloignées par rapport aux objectifs de performance énergétique actuelle. Et, par ailleurs, relancer les réflexions sur la loi de transition énergétique, sans oublier le volet fondamental de la rénovation.

En premier lieu, la notion de tiers financement
Pour Olivier Ortega, avocat concourant régulièrement aux travaux du plan Bâtiment durable, « ce sujet est en progrès : en effet, la loi Alur a établi une définition du tiers financement (article 124), les collectivités territoriales se sont bien emparées du sujet, avec la Sem Energies Posit’if en Île-de-France, mais aussi les régions Bretagne, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Rhône-Alpes, qui ont des démarches similaires, mais sur des périmètres différents ».

« Des réflexions sont également en cours en régions Aquitaine, Alsace, Bourgogne, Franche-Comté, Paca et Poitou-Charentes », poursuit-il.

Pour le plan Bâtiment durable, il est à espérer que cette notion de tiers financement sera consolidée et orientée par le projet de loi de transition énergétique en cours de formalisation.

Et, surtout, le tiers financement ne doit plus faire l’objet de crispations et de conservatisme des acteurs existants, notamment de certaines banques qui y voient un système contrevenant au monopole bancaire, ce qui, du coup, disqualifie le dispositif. « Le tiers financement peut exister sans créer d’exception au monopole bancaire, c’est juridiquement possible, et le projet de loi de transition énergétique devrait aider en ce sens », affirme Olivier Ortega.

Il y a, par ailleurs, un vrai dynamisme des régions, qui fait paradoxalement apparaître… l’inertie de l’État central ; Joël Vormus, responsable projets au Cler, souligne que certains présidents de région se sont exprimés en ce sens, que ce soit à l’Assemblée ou bien directement auprès du ministre. En outre, un nombre significatif de candidats aux élections européennes se sont engagés au sein de l’initiative Renovate Europe portée en France par la CFEE (Coalition France pour l’efficacité énergétique) pour accélérer la prise en compte du caractère prioritaire de la rénovation énergétique. L’objectif étant de pousser les gouvernements nationaux à mettre en place de vrais plans stratégiques.

Il espère également qu’il n’y aura pas de revirement sur ce sujet, ni sur d’autres dispositifs comme le certificat d’économie d’énergie, et soutient, comme le Gimélec, l’extension de l’éligibilité du tiers financement aux sociétés publiques locales.

Quelle évolution pour les certificats d’économie d’énergie ?
Hugues Vérité, directeur des relations institutionnelles du Gimélec ajoute : « Dernièrement, nous avons adressé à la Direction générale de l’énergie et du climat une proposition sur ce sujet : les objectifs des deux premières périodes des CEE ont été remplis, et même dépassés de 230 TWh cumac : pour maintenir l’effort constant, nous avons suggéré une revalorisation à la hausse de l’objectif de la 3e période a minima en compensation de ce surplus. »

Propos qui vient en écho de la position de la Cour des comptes qui souhaite un objectif ambitieux qui « aura pour conséquence une plus grande concurrence entre les obligés ». Cette concurrence pourrait avoir un impact sur les types d’action donnant lieu à certificats d’économies d’énergie, sur leurs modalités d’obtention, ainsi que sur leurs prix, et par conséquent au final sur les prix de l’énergie, toujours selon la Cour.

Par ailleurs, les CEE doivent pouvoir être plus facilement modifiables avec des conditions de performance alignées avec les objectifs de performance du crédit d’impôt et de l’éco-prêt.

« Pourquoi ne pas évoquer des CEE non plus avec seulement des actions unitaires, mais privilégiant un bouquet de travaux », suggère encore Joël Vormus. Et l’on ne peut s’intéresser aux CEE sans tenter d’améliorer le processus de création et de révision des fiches d’opération standard. Pourquoi pas, par exemple, en s’appuyant, comme référence, sur les normes en vigueur (France et Europe) pour l’évaluation de la pertinence des technologies et nouvelles solutions proposées, ce qui pourrait faciliter la création des futures fiches ?

Enfin, la vérification de pièces justificatives dans les dossiers administratifs ne constitue pas une vérification de la performance réelle des opérations réalisées. Sur ce point, Hugues Vérité insiste également sur la mise en place d’un dispositif de vérification des travaux effectués, avec un contrôle in situ de la performance réelle atteinte, comme le suggère la Cour des comptes. Un système de mesure des consommations le permettrait et pourrait garantir également les dérives possibles à l’usage.

Il y a une opportunité que nous n’avons pas saisie. Les pays voisins pratiquent la surélévation de bâtiments avec succès. La Norvège, entre autres, a fait beaucoup sur ce sujet.

Les techniques existent et sont au point, alors ce sujet mériterait davantage d’attention, avec un double effet sur l’augmentation du nombre de logements et l’amélioration en parallèle de l’efficacité énergétique et du confort du bâtiment dans sa totalité, ajoute-t-il.

Un éco-prêt à taux zéro en questionnement
L’éco-prêt à taux zéro est aussi en questionnement, voire en stand-by si l’on regarde l’éco-prêt collectif pour la copropriété. Pourtant, le décret sur l’éco-PTZ copropriété est publié depuis le 1er janvier 2014, mais il ne suffit pas à lui seul pour lancer la mécanique : il manque encore des textes techniques pour rendre possible sa distribution effective sur le marché.

Une fois ce pas effectué, espérons que les banques soutiendront complètement ce dispositif dès qu’il sera opérationnel. Ce n’est pas complètement sûr car certains le jugent insuffisamment « rentable » ou trop complexe.

Pourtant, bon an, mal an, de son côté, l’éco-PTZ individuel a encore progressé en 2013 et démontre qu’il peut être un vecteur de massification de la rénovation.

Et puis pourquoi pas un éco-prêt simplifié pour ce qui est du suivi effectué par la banque, couplé à une durée éventuellement allongée à 20 ans, et même assorti d’un faible taux d’intérêt comme le suggère certains présidents de région ? Cela aurait un vrai sens pour envisager des travaux de rénovation ambitieux.

Un besoin de financement loin d’être évident
Alors, s’agit-il de frilosité ou bien la transition énergétique n’est-elle tout simplement encore qu’une priorité faible pour les banques en comparaison d’activités spéculatives bien plus rémunératrices ? « Pourtant, c’est bien du financement de l’économie réelle dont il s’agit et nombre de filières et d’industriels sont en attente de déclenchements de la massification de la rénovation énergétique, massification porteuse de croissance et d’emplois locaux, ainsi que de protection des ménages modestes face à la hausse des prix de l’énergie », précise Hugues Vérité.

Plusieurs de nos interlocuteurs font remarquer qu’en dehors de banques mutualistes comme le Crédit Mutuel, ou encore de la banque HSBC, peu de banques semblent s’impliquer dans la transition énergétique.

Un banquier parisien, très actif sur le financement du Développement durable et de ses différentes filières, nous confie être actuellement dans l’incertitude sur la meilleure utilisation des sources de financement possibles.

En effet, chacune des quatre grandes modalités envisageables : crédit bancaire classique, financement participatif ou « crowdfunding », financements de projets, émissions obligataires de type green bonds, semble en phase de transition, de lancement ou de remodelage.

À cet égard, côté cadre législatif et réglementaire, la loi de Programmation sur la transition énergétique et la Conférence bancaire et financière sur le financement de ladite transition énergétique devraient apporter des éléments de clarification qui seront très bienvenus.

La rénovation énergétique doit faire partie intégrante de la loi de transition énergétique.
Gageons alors que la loi sur la transition énergétique laissera place à une vraie vision, non pas à marche forcée et dans un calendrier vite fait avant l’été, mais bien avec le recul nécessaire pour établir un plan à long terme qui s’appuie d’une part sur des mécanismes existants, certes perfectibles, mais qui ne demandent qu’à être harmonisés et simplifiés, et qui d’autre part clarifie les directions prises pour que les régions puissent prendre le relais et enclencher la massification.

Saura-t-on aussi s’inspirer suffisamment de l’exemple allemand qui, au travers de sa banque nationale KFW, gère les fonds, organise et réglemente le financement de la transition énergétique ? Cela semble fonctionner plutôt bien avec des financements à faible taux sur des durées allant jusqu’à 30 ans et pour des montants jusqu’à 70 000 €.

« Après tout, la KFW n’enregistre pas un taux de sinistre ou de défaut pour les prêts à la rénovation énergétique supérieur à ceux pour le crédit auto ou le crédit d’équipement », note Olivier Ortega. « La rénovation est un investissement rationnel, les investisseurs doivent franchir le pas maintenant », conclut-il.

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LES CEE remis en cause ?

Les certificats d’économies d’énergie (CEE) fonctionnent et les objectifs ont été dépassés jusqu’à ce jour ; prolongés en décembre 2013, pour la 3e période 2015-2017, les CEE sont sujets malgré tout à remise en cause par certains énergéticiens qui aimeraient voir le dispositif aménagé, assoupli et non pas renforcé.

Des mécanismes exsitent

Le financement de la rénovation énergétique, c’est le financement de l’économie réelle, pour d’une part le financement des projets, et d’autre part pour les besoins propres de financement des entreprises des filières concernées. « Il y a des mécanismes et des dispositifs législatifs qui permettent ce financement, quoi de plus simple que de les appliquer tout en les améliorant avec une clarification de leur mise en oeuvre », affirme Hugues Vérité du Gimélec.

Jean-François MOREAU:
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