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Réseaux fibre optique, déjà la fin du cuivre ?

Conformément à l’engagement du président de la République alors candidat, le Plan France Très Haut Débit est une stratégie d’investissement visant à couvrir intégralement le territoire en très haut débit d’ici 2022. Lancé au printemps 2013, il repose sur un investissement de 20 milliards d’euros en dix ans, partagé entre les opérateurs privés et les collectivités territoriales.
Le principe de la boucle locale
La boucle locale en France est la partie de la ligne téléphonique, aujourd’hui en cuivre, allant du répartiteur de l’opérateur jusqu’au point de terminaison chez le client. Le point de terminaison est le premier dispositif installé dans les locaux du client. Physiquement, il s’agit de tous les câbles aériens, des câbles souterrains et même de la paire de fils arrivant chez l’usager. La boucle locale comprend également des équipements passifs de raccordements (armoires, boîtiers) jouant le rôle de brasseurs. En France, la boucle locale « cuivre » est la propriété exclusive de l’entreprise Orange, ex-France Telecom. Contrôler la boucle locale permet la gestion totale du réseau qui le relie à ses clients. Ainsi, il a été décidé au niveau européen que l’opérateur historique doit fournir à ses concurrents un accès direct à sa boucle locale : c’est le dégroupage de la boucle locale.

La boucle locale peut être découpée en trois parties :

  • la partie transport, qui va du NRA (nœud de raccordement abonnés) jusqu’au SR (sous-répartiteur) ;
  • la partie distribution, qui va du SR jusqu’au PC (point de concentration) ;
  • La partie branchement, qui va du PC jusqu’à l’abonné.

Chiffres clés
La boucle locale cuivre en France, c’est :

  • 39 millions de lignes ;
  • 126 000 sous-répartiteurs ;
  • 13 000 répartiteurs téléphoniques ;
  • 18 millions de poteaux, dont 5 millions gérés par ERDF ;
  • un coût de mise en œuvre estimé à 28 milliards d’euros par l’Arcep.

 

A Cesson, cette armoire optique va amener le très haut débit aux usagers.

Les nœuds de raccordement d’abonnés : NRA
Au bout de la ligne de cuivre se trouve le nœud de raccordement d’abonnés, aussi appelé NRA ou central téléphonique. C’est un bâtiment qui peut aussi bien consister en un petit abri qu’être de grande taille. On peut parfois y voir un logo Orange, France Telecom, PTT, mais parfois rien ne semble indiquer la fonction du bâtiment. Il est courant qu’il n’y ait que des fenêtres de taille réduite, voire pas de fenêtres. Les NRA les plus récents (NRA-MeD), qui servent uniquement à contenir des DSLAM, afin de permettre une montée en débit, sont sous forme d’armoires. Le DSLAM, Digital Subscriber Line Access Multiplexer, est traduit en français par Multiplexeur d’accès à la ligne d’abonné numérique ou, plus simplement, Multiplexeur d’accès DSL.

Les lignes arrivent d’abord dans le répartiteur téléphonique, puis sont redirigées vers des filtres permettant de séparer les fréquences dédiées à la téléphonie classique, qui vont vers le CAA, pour Commutateur à autonomie d’acheminement, du signal DSL, qui va vers le DSLAM. Par confusion, les termes « commutateur » et « répartiteur » sont souvent utilisés pour désigner le NRA. On peut trouver les abréviations CL, pour Commutateur local, ou RE, pour Répartiteur. La majorité des NRA est reliée en fibre optique.

Le passage à la fibre
Depuis le 2 octobre dernier, Orange ne commercialise plus les offres cuivre grand public dans les immeubles neufs raccordés à la fois en cuivre et en fibre optique.
Laurent Benatar, le directeur technique de l’opérateur a ainsi annoncé qu’à partir du 1er décembre 2014, Orange ne participerait plus aux travaux de raccordement au réseau cuivre de certains immeubles neufs, notamment dans les quartiers pour lesquels l’opérateur dispose d’un réseau fibre accessible ou que la fibre d’un concurrent est disponible. La décision s’applique dans les zones de très dense haute densité pour les immeubles neufs résidentiels de 12 logements ou plus, et dans les zones moins denses et zone très dense basse densité pour les immeubles neufs et résidentiels de 4 logements ou plus. Orange précise également que dans les quartiers pour lesquels Orange est opérateur de zone ou d’immeuble : « Dans les communs non Numericâble, la pose de cuivre sera limitée à 30 % maximum du nombre de logements prévisionnels dans ces immeubles. » François Corrèze, fondateur d’Atrium Multimedia, est expert dans le domaine du résidentiel collectif et du petit tertiaire et intervient auprès d’entreprises de l’immobilier (promoteurs, bailleurs sociaux, entreprises générales, fabricants) pour la conception et la mise en œuvre de projets immotique et domotique. Il s’interroge : « Pourquoi Orange devrait passer à la fibre optique pour tous les nouveaux projets immobiliers et y associer le cuivre qui rend un service moindre, prend plus de place, coûte plus cher à installer et entretenir ? »

Orange n’installe plus de cuivre dans les bâtiments neufs.

Laurent Benatar Directeur technique Orange

L’objectif d’Orange est de pousser l’ensemble du secteur à investir dans le déploiement de la fibre optique. En faisant ce choix, Orange impose sa technologie auprès des utilisateurs y ayant accès et met hors-jeu son concurrent Free, qui ne propose que de l’ADSL en dehors des grandes villes. Avec l’ADSL, le client a le choix entre de nombreux opérateurs. En passant à la fibre, technologie qui coûte cher, le choix est réduit et le premier qui installe est souvent retenu par le consommateur. Plus d’ADSL ou de RTC possible, uniquement du FTTH. Cela représente plus de 110 000 logements neufs par an où l’ADSL ne sera plus disponible. Les autres opérateurs n’installeront des réseaux fibre optique que dans les zones de population dense. Les chiffres annoncés par Orange présentent un gain financier de 400 € par logement (prix de raccordement en cuivre d’un logement selon Orange).
Dans l’optique de toujours valoriser la fibre, Orange imagine le bâtiment de demain dans le projet Zlin (Zone locale immeuble neuf). L’opérateur prévoit des bâtiments qui seraient uniquement fibrés et réfléchit même à un label pour valoriser les logements fibrés. Ce label mentionnerait le débit disponible.
Mais il faut reconnaître que l’intérêt de mettre du cuivre, matière première dont le coût s’envole, est faible, car il sera peu utilisé. Sur les Hauts-de-Seine, la revente du cuivre du réseau téléphonique rapportera 50 millions d’euros au cours actuel du cuivre.

Il subsiste cependant un flou, car le promoteur immobilier est tenu légalement de mettre du cuivre dans la colonne alors que celui-ci ne sera pas utilisé par Orange. Cela pose un problème concurrentiel. David Dray, directeur de Casanova France, rapporte que des opérateurs se plaignent, car Orange affirme être capable d’amener le service universel sans cuivre. Pour eux, c’est un gros manque de chiffre d’affaires qui se dessine.
Pour les programmes neufs qui associent immeubles et maisons individuelles, le promoteur est obligé de mettre la fibre optique dans la colonne montante de l’immeuble. Par contre, pour les logements individuels, seule l’installation des fourreaux est obligatoire. Le promoteur n’est pas tenu d’amener un réseau de fibre ; mais Orange n’ayant pas amené de cuivre, tout se fera de fait en fibre.

L’Arcep annonce que seuls 21 % des foyers éligibles au très haut débit (THD) fixe possèdent un abonnement effectif. Aujourd’hui, le nombre de foyers éligibles est de 11,8 millions. Selon l’Arcep, cela signifie que 9,3 millions de foyers n’ont pas d’Internet à très haut débit, alors qu’ils pourraient l’être.

Et l’obligation du service universel ?
Tout permis de construire autorisé depuis le 1er avril 2012 oblige les promoteurs immobiliers à installer la fibre mais également le réseau cuivré au sein des immeubles. Avec la décision d’Orange, ce réseau privé ne sera pas raccordé au réseau public.
Mais Orange, en tant qu’ex-France Telecom, est régi par le code des postes et des communications électroniques qui lui impose, en tant qu’unique délégataire du service universel, le raccordement et la fourniture d’un service téléphonique à toute personne le demandant. Peu importe la technologie utilisée, rétorque Orange.
Or, depuis juillet dernier, l’opérateur rend exactement les prestations du service universel via la fibre.

Fibre : un potentiel de mobilisation de plus de 19 000 emplois d’ici à 2022.

C’est-à-dire que des offres tarifaires ont été commercialisées et proposent l’abonnement téléphonique traditionnel, au même tarif et dans les mêmes conditions en installant une box bridée par l’opérateur. Par contre, le client doit brancher son téléphone sur IP, comme pour le téléphone par Internet.
Qu’il est loin le bon vieux téléphone analogique qui fonctionnait par tout temps même sans courant !

Accroître les performances des entreprises

La fibre optique entreprise : des usages de communication de plus en plus intenses

  • Augmentation de la capacité des boîtes mails ;
  • poids croissant des fichiers échangés ;
  • mises à jour fréquentes de fichiers applicatifs ;
  • navigation sur Internet en haute définition ;
  • mise à disposition de postes de travail de plus en plus performants pour les collaborateurs où qu’ils se trouvent.

De nouveaux usages, source de productivité

Les besoins en débit sont proportionnels à l’accroissement des usages et nécessitent de plus en plus de bande passante en entreprise. Pour les entreprises, le très haut débit est incontestablement une source de productivité avec, notamment, l’accès à de nouveaux usages :

  • les nouveaux outils de travail collaboratif, avec notamment le partage de document ;
  • le stockage et la sauvegarde systématique des données du poste de travail et des serveurs ;
  • la visioconférence ainsi que les audioconférences de groupe ;
  • la téléphonie sur IP en qualité haute définition ;
  • le développement d’applicatifs très gourmands en bande passante comme les ERP (progiciels de gestion intégrés) ou la CAO (conception assistée par ordinateur) par exemple ;
  • le Cloud Computing et ses applications en mode SaaS (Software as a Service) hébergées à l’extérieur de l’entreprise ;
  • la vidéo pour la gestion de la relation client multicanal par exemple.

L’évolution vers la fibre optique est directement liée à l’accroissement de l’utilisation d’Internet et/ou de l’intranet dans les entreprises. C’est une course aux débits que les opérateurs, équipementiers et fournisseurs de services sont en train de mener pour satisfaire les besoins des entreprises.

Une opportunité à saisir pour l’électricien
Clairement, le business est là, mais pour en profiter, encore faut-il être capable de répondre techniquement et, donc, d’être formé.
Depuis le 1er avril 2012, le promoteur ou le propriétaire doit créer un réseau vertical en fibre optique pour du FTTH). « Même si on parle du 100 %, on parle de la partie qui incombe à Orange jusqu’à l’entrée de l’habitation. Dans l’appartement, le cuivre est de rigueur », précise François Correze. « Le tableau de communication à l’intérieur reste. La distribution du réseau cuivre avec des prises multiservice également », ajoute David Dray, directeur de Casanova France.
Aujourd’hui, les immeubles qui depuis avril 2012 ont déployé de la fibre dans la colonne verticale vont probablement avoir des difficultés à trouver un opérateur d’immeuble. À l’avenir, Orange se proposera systématiquement pour être opérateur d’immeuble. Charge aux autres opérateurs de raccorder leur fibre au pied de l’immeuble.
David Dray confirme que « la croissance de la fibre optique pour Casanova sur 2014 est de +55 % en ne vendant qu’à des installateurs ».
Avec la croissance attendue, les installateurs doivent très vite se former et se proposer comme sous-traitant auprès d’orange et des autres opérateurs. En 2014, il y a eu exactement 297 500 mises en chantier, mais tout de même plus de 381 000 permis de construire déposés, en grande partie des immeubles. C’est la preuve que, même si la conjoncture reste difficile, le bâtiment va reprendre un peu de croissance.
Et tous ces bâtiments vont devoir être fibrés. À l’heure où les particuliers et entreprises peinent à faire des travaux électriques, voici une opportunité de faire du chiffre d’affaires. À condition d’être capable de se proposer auprès des opérateurs, et notamment Orange. Au sein du groupe IDFO-TIC, en partenariat avec Aforelec, une offre de formations certifiantes est proposée pour les installateurs, sur une durée de trois jours.
« À cela s’ajoutent des compétences supplémentaires, car les coffrets de communication vont monter en gamme. Il faut transformer le signal de la fibre dans le cuivre sur les derniers mètres. Cela va prendre plus de place, donc il va falloir des coffrets plus grands, car la box s’intègre dedans, donc une réservation plus grande », ajoute David Dray. « De même, le réseau devenant haut débit, cela oblige à passer en câble Grade 2 et de laisser tomber le Grade 1 » précise François Correze.

On le voit, des opportunités s’offrent aux installateurs. Eric Bertancourt dirigeant de Seeb, courant fort, et Sodal, courant faible, déclarait lors du colloque fibre optique en juin 2014, « apportez-nous des éléments convaincants qui aiguiseraient notre appétit et pourraient être le vrai déclencheur de l’installation de la fibre optique à grande échelle pour les installateurs. » Le choix d’Orange est peut-être le premier des déclencheurs.

Dans le numéro d’avril d’Electricien+, nous aborderons en détails la nécessité de maîtriser les techniques optiques, les nouveaux protocoles qui devront être appréhendés par les entreprises, les nouveaux matériels actifs et la formation.

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Dorénavant, il faudra une Livebox pour ouvrir une ligne téléphonique.

Encadré 1
Palaiseau, ville laboratoire

Palaiseau, première ville de France 100 % fibre optique en 2014. « A 99 % », précise-t-on chez Orange. L’opérateur historique prend 100 % des frais d’expérimentation à sa charge. 16 700 logements de la ville basculeront ainsi sur la fibre. Et « 95 % de nos clients Internet sont passés à la fibre sur Palaiseau », affirme-t-on chez Orange.
François Correze, expert fibre optique chez Atrium, précise que « Palaiseau est un laboratoire de la ville 100 % fibre. Orange anticipe les problèmes avec les lignes ascenseurs qui, normalement, fonctionnent en cuivre. Les tests ont amené à prendre le GSM. Le problème s’est également posé pour les fax qu’utilisent les entreprises. »
Bien entendu, tout le monde n’a pas besoin de débits ultrarapides, surtout les anciens, qui ne consultent que les e-mails des enfants et petits-enfants. Mais le parallèle peut se faire avec l’imposition des écrans plats. « Une fois qu’on y a goûté, il est difficile de revenir en arrière », souligne Michel, 42 ans.
« Les téléchargements ont été multipliés par trois à Palaiseau », affirme Orange.
Encadré 2
Quels usages pour la fibre optique ?

L’intérêt majeur de la fibre optique est de permettre aux internautes de bénéficier de nouveaux services, qui nécessitent des débits élevés que l’ADSL2+ ou le câble ne peuvent pas fournir aujourd’hui. Voici quelques exemples d’usages favorisés par la fibre optique :

  • télécharger des films HD et des morceaux de musique en un instant ;
  • profiter d’un temps de réponse quasi instantané pour les jeux en ligne ;
  • travailler depuis le domicile et envoyer des pièces jointes et des fichiers volumineux en quelques secondes ;
  • regarder la télé haute définition, télécharger des vidéos, envoyer ses photos, échanger des contenus, jouer en réseau : tout est accessible en même temps sans contraintes (multi-usages) ;
  • exploiter pleinement le potentiel de la Haute Définition, avec une fluidité totale des images (sans compression ni pixellisation) et un son 5.1 cristallin (HD+) ;
  • profiter simultanément de tous les usages multimédias, sans altérer la réception de l’image (multi-room et multiTV).

Encadré 3
Formation
Objectif Fibre accompagne des projets, en collaboration étroite avec le Serce

  • Mise en œuvre, par l’académie de Lyon (GIAL), d’un projet pilote – dans le cadre du plateau technique du lycée professionnel Jacques de Flesselles – de deux nouvelles formations en alternance pour devenir technicien FTTH et chargé d’intervention sur réseaux en fibre optique ;
  • mise en œuvre d’un Certificat de qualification professionnelle (CQP) de monteur/raccordeur FTTH.

Chiffres-clés
100 %
Le Plan France Très Haut Débit prévoit d’équiper 100 % du territoire dans les 7 ans à venir.

20 milliards
20 milliards d’euros seront investis dans le déploiement du très haut débit en France d’ici 2022.

 

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légende : Objectif Fibre vient de finaliser un 3e guide pratique pour le raccordement des locaux professionnels au réseau en fibre optique FTTH.

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David Le Souder: Rédacteur en chef magazine Electricien+ en charge du développement de www.filière-3e.fr Dirigeant de l'agence de communication Mediaclass et responsable marketing opérationnel indépendant; Master marketing industriel. De 1998 à 2007 : responsable communication chez SICK AG De 2007 à 2009 : responsable communication chez Siemens Industry Automation and Drives Technology Depuis 2009 : responsable marketing opérationnel indépendant.
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