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Interview : Patric Liebus, président de la Capeb et président d’European Builders Conféderation

DR : CAPEB

Electricien+ : Vous avez remis un rapport sur la mixité et la Capeb organise le concours « Conjuguez les métiers du Bâtiment au féminin ! » Est-ce un cheval de bataille ?

Patrick Liebus : Si la mixité a globalement progressé au cours des 30 dernières années, elle ne concerne encore qu’un petit nombre de métiers. Dans ce contexte, le Premier Ministre a saisi le CESE en juillet dernier afin d’apporter des propositions concrètes pour améliorer la mixité professionnelle en mobilisant les entreprises et les branches professionnelles, avec pour objectif de passer de 12% à 33% de métiers mixtes d’ici 2025. Le Bâtiment est l’une des branches très masculine. Par exemple, en 2011, les ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment et les ouvriers qualifiés du gros œuvre du bâtiment figuraient parmi les trois métiers majoritairement masculins contribuant le plus au déséquilibre professionnel entre les femmes et les hommes, avec 2,1% de femmes dans chacun des cas. Avec seulement 15% des métiers exercés équitablement par les hommes et les femmes, la question de la mixité est clairement un enjeu national. Cet avis a pour but de formuler des propositions pour changer la situation au bénéfice de tous ! Choisir son parcours professionnel en fonction de ses envies et de ses compétences et non de son genre est une question d’égalité entre les individus mais aussi d’efficacité pour les entreprises. Le Bâtiment est l’un des secteurs où beaucoup reste à faire. La CAPEB a fait de la mixité des métiers du Bâtiment un cheval de bataille : son engagement de longue a permis d’augmenter la part des femmes de 50% entre 2001 et 2012. Nous entendons poursuivre nos initiatives telles que le concours « Conjuguez les métiers du Bâtiment au féminin » pour que la mixité devienne une réalité une bonne fois pour toute.

E+ : N’aviez-vous pas suffisamment à faire en France ? Pourquoi être devenu président de d’European Builders Conféderation (EBC) ?
PL : Parce que la vision française ne suffit pas, il faut une idée et une harmonisation européenne. Nous devons disposer de mesures très claires au niveau des différents gouvernements, avoir des normes qui soient définies et soutenues pour plus de pérennité. Il nous faut également des mesures économiques et financières d’accompagnement à apporter aux clients qui font de la rénovation énergétique. Mais pour cela réussisse, cela doit se faire dans le temps avec un engagement dans la durée pour éviter que l’incertitude se transforme en inquiétude et que le client ne décide pas d’investir. EBC attend beaucoup de la nouvelle Commission Européenne car chaque député européen doit comprendre les problématiques des différents pays et que chacune des organisations membres de EBC puissent porter une vraie politique de rénovation énergétique dans son pays.
E+ : Citez-nous des actions concrètes en faveur de la rénovation énergétique ?
PL :  Il nous faut travailler sur la TVA. Le taux de TVA réduit déjà pratiqué dans certains pays de l’Europe fonctionne bien et on a vu d’importants résultats sur l’activité et également sur l’emploi. Je pense que nos députés européens doivent voter des taux de TVA réduit pour la rénovation du bâtiment et en particulier la rénovation énergétique. Pour que nous développions ensemble en Europe l’économie et l’emploi. Cette formule lutte contre le travail dissimulé et permet de rejeter les entreprises peu scrupuleuses. Pour rester dans cette notion, je propose que nous utilisions les plans développement durable ou livret A pour financer la rénovation ce qui représente 165 milliards d’encours dormants. L’entreprise artisanale ne travaille jamais seule. Une entreprise qui travaille en équipe a besoin de travailler en cotraitance. Dans le marché de la construction et par rapport à nos activités, il est impératif de simplifier ce système de collaboration temporaire. Je suis partisan de toutes les entreprises mais je défends les petites et la situation actuelle de la cotraitance rend très difficile l’accès à ces marchés.
E+ : La CAPEB et VPI collaborent pour développer les compétences des entreprises. Est-ce un mal spécifiquement français ?
PL : Ce partenariat permet d’accompagner les entreprises artisanales du Bâtiment dans la vente et la mise en place des solutions VPI grâce notamment à l’élaboration d’offres commerciales pour les solutions thermiques à haute efficacité énergétique en cohérence avec les dispositifs de collecte des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) et à la mise en place d’une assistance chantier gratuite. Plusieurs actions seront mises en place : l’élaboration d’un guide des bonnes pratiques d’utilisation des solutions VPI, principalement dédié aux ECO Artisans. Ces actions seront adaptées aux différents métiers des entreprises artisanales du Bâtiment. Les élus des Conseils Départementaux ont la possibilité de jouer un rôle clé en stimulant l’économie locale et en préparant les grands enjeux sociétaux de demain. Partout en France, les artisans du Bâtiment vont interpeler les candidats sur ces questions et leur montrer ce qui est possible s’ils allient leurs compétences aux nôtres.

E+ :  Malgré les multiples reports, peu d’artisans sont formés RGE. Comment se fait-il que le message ne passe pas ?

PL :  L’année 2014 a permis de former 33 000 référents techniques potentiels aux travaux d’économie d’énergie et ce rythme de formation se poursuit sur le premier trimestre 2015. Nos installateurs se sont en partie formés et proposent aujourd’hui un service, des prestations et surtout un résultat pour avoir une rénovation énergétique performante qui amène le client à véritablement faire des économies. Les atouts des artisans, ce sont d’être des entreprises de proximité ce qui rassure le client. Mais, on s’est compliqué la vie. Quand on voit le nombre de textes à appliquer, que des nouveaux apparaissent mais que les anciens sont toujours actifs. Mais plus que le RGE, c’est le coût de la construction qui est élevé. Je ne développerai pas le débat sur les charges trop élevées mais cela a un coût sur le travail. Nos installateurs sont conscients de l’enjeu énergétique et de son opportunité, mais pourquoi ne pas faire simple ? L’état donne des objectifs de construction et de rénovation de logement mais ne nous donne pas les moyens pour les atteindre. Je dis stop au mille-feuille normatif et que les règles ne changent pas tous les matins. Comment voulez-vous qu’un installateur informe son client sur les aides qu’il a le droit si cela évolue sans cesse. Il nous faut de la continuité et vous verrez que les professionnels seront formés et feront la promotion de la réhabilitation. Par ailleurs, certaines professions du bâtiment sont plus concernées que d’autres par les travaux liés à la performance énergétique des bâtiments. Je rends hommage aux travaux menés par mon collègue Christophe Bellanger, président de l’UNA Equipement Electrique et Electrodomotique, qui, grâce à la mobilisation de l’ensemble de la filière électrique, ont permis de faire valider l’éligibilité des émetteurs électriques à la régulation électronique au dispositif des CEE en ce début d’année.
E+ : Vous avez rencontré le Président de la République. Vous lui avez présenté sept propositions. Qu’en est-il ?
PL :  Nous avons pour objectif de simplifier le dispositif pour rendre les qualifications RGE plus accessibles aux entreprises et artisans, tout en maintenant les exigences de qualité qu’attendent les maîtres d’ouvrage. Des dispositions ont été prises pour encourager les mises en chantier, dont la plus lisible est le relèvement du Crédit d’Impôt Transition Energétique, à 30%, ce qui est attractif pour les candidats potentiels aux travaux. Nous accompagnons les entreprises, qui nombreuses, continuent à se préparer aux qualifications RGE, pour satisfaire à la nécessaire éco-conditionnalité, pour que leurs clients puisent prétendre au CITE.
E+ : Vous vous battez sur l’inapplicabilité du compte pénibilité. Qu’en est-il à ce jour ?

PL : Nous constatons que les Pouvoirs publics ont pris acte de l’inapplicabilité du compte pénibilité tel qu’il existe à ce jour. À défaut de le supprimer, ce qui aurait été la solution appropriée que la CAPEB défend avec vigueur depuis deux ans, il importait, a minima, de réduire la charge administrative de ce dispositif pour les entreprises ainsi que les lourdes responsabilités qu’il fait peser sur elles. Les annonces du Premier ministre vont dans ce sens. Elles restent cependant à préciser, notamment en ce qui concerne la définition de certains facteurs et le relèvement de certains seuils, et auraient mérité plus de 6 mois de délai supplémentaire pour être mises en œuvre dans de bonnes conditions.

Les sept propositions principales sont les suivantes :
– demander deux références lors du renouvellement tous les quatre ans, ce qui correspond aux exigences générales de la qualification, à la place de deux références tous les deux ans actuellement ;
– permettre dès avril 2015 un contrôle de réalisation unique pour les systèmes passifs (enveloppe) d’une part, et les systèmes actifs (chaudières à condensation et ENR) d’autre part ;
– permettre de justifier la reconnaissance des compétences du référent technique EnR par un diplôme, par une formation ou par la réussite d’un questionnaire à choix multiples ;
– permettre la reconnaissance des formations aux économies d’énergies des entreprises et artisans du bâtiment (FEEBAT) réalisées avant le 31/12/2014.
– permettre aux entreprises déjà RGE sur un domaine de travaux de faire bénéficier leurs clients des aides publiques, notamment le CITE, grâce à un audit spécifique, sur les autres domaines de travaux éligibles ;
– assouplir les exigences de qualification en cas d’installation d’équipements compactes (combinés) et hybrides, sans créer de nouvelles qualifications ;
– créer un processus commun pour les trois qualifications énergies renouvelables (Qualibois, Qualisol et Qualipac) avec un dossier de demande unique, un audit unique, une réduction du nombre de références exigées.

 

David Le Souder: Rédacteur en chef magazine Electricien+ en charge du développement de www.filière-3e.fr Dirigeant de l'agence de communication Mediaclass et responsable marketing opérationnel indépendant; Master marketing industriel. De 1998 à 2007 : responsable communication chez SICK AG De 2007 à 2009 : responsable communication chez Siemens Industry Automation and Drives Technology Depuis 2009 : responsable marketing opérationnel indépendant.
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