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Bornes de recharge : un marché en pleine évolution

(c) Laurent Ghesquiere

Si le chiffre global du parc français de véhicules électriques reste modeste avec 0,8 % du parc global, les ventes au premier semestre 2015 ont connu une très forte hausse : 10 048 véhicules particuliers, en progression de 86 % par rapport à la même période 2014. Et juillet/août avec 2 016 immatriculations confirment cette tendance, ce fort développement depuis avril étant probablement lié à la mise en place de la prime à la conversion véhicule polluant ancien/véhicule électrique. Un bon bilan au niveau européen puisque la France se trouve en 2e place en Europe (derrière la Norvège), mais loin devant la Grande-Bretagne et l’Allemagne (Source : Avere France). Au niveau mondial, un véhicule électrique sur 10 a été  immatriculé en France, en 2015. En tête de ces ventes, on va retrouver la Renault Zoé qui représente plus de 60 % du nouveau parc.
Mais l’envol de ces ventes est aussi lié au développement du nombre de points de recharge publics ou privés ces derniers mois, un développement qui a été encouragé/supporté par de nouveaux décrets, mais aussi par une nouvelle directive européenne et la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique.

De nouveaux décrets facilitant l’implantation et l’installation des bornes de recharge

Deux lois publiées mi et fin 2014 facilitent en 2015 le déploiement de nouvelles bornes sur le domaine public, mais aussi dans les immeubles et bâtiments de bureaux. La loi 2014-877 vise à faciliter le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge sur l’espace public : l’État ou tout opérateur peut créer, entretenir ou exploiter sur le domaine public de l’État et des collectivités territoriales un réseau d’infrastructures de recharge de VE lorsque cette opération s’inscrit dans un projet de dimension nationale (territoire d’au moins deux régions). Le décret 2014-1313 d’octobre 2014 a précisé les critères de qualification de ces projets : les infrastructures doivent être implantées dans un délai défini par la décision d’approbation, être ouvertes à toute personne dépourvue de liens contractuels avec le porteur du projet et être répertoriées sur le site www.data.gouv.fr.
La loi sur la transition énergétique promulguée le 18 août 2015 va dans le même sens en reprenant des dispositions comme la prime à la conversion, le crédit d’impôts de 30 % pour les bornes de recharge installées chez les particuliers ou les plans de mobilité des entreprises. Pour les collectivités, le nombre de places de stationnement pourra être réduit de 15 % en contrepartie de la mise à disposition de VE en autopartage. Pour les bâtiments industriels, commerciaux, d’habitation, l’article 41 impose un pré-équipement des parcs de stationnement des bâtiments neufs ou existants (permis de construire déposé après le 01/01/2017). Cet article 41 fixe un objectif de 7 millions de points de charge publics et privés en 2030. Les projets de développement à grande échelle de bornes de communes, départements ou régions sont éligibles aux fonds du programme des investissements d’avenir doté d’un budget de 50 M€. Plus de 50 mesures de cette loi sont d’application immédiate et tous les décrets devraient être publiés avant fin 2015.

(c) DBT-CEV / Les bornes tri-standard permettent des recharges en corant alternatif ou une recharge rapide en courant continu

De nombreux projets régionaux et nationaux depuis début 2015

Plusieurs régions ont développé depuis le début de l’année une démarche de soutien à la mobilité électrique par des aides à l’achat de véhicules électriques par les particuliers, les professionnels mais aussi les collectivités. Ces aides sont quelquefois étendues au financement de l’installation de bornes de recharge. Ainsi Poitou-Charentes propose une aide allant de 5 000 € pour une borne de 3 kW à 55 000 € pour une borne de recharge rapide 43 kW.

Il est difficile de citer tous les projets, mais parmi les plus récents :

  • le département de l’Aveyron se dotera de 75 bornes 3/22 kW d’ici fin 2016 ;
  • Sodetrel équipe les parkings « Vinci Park » des grandes villes ;
  • la région de Douai prévoit le déploiement de 50 bornes dans les 3 ans dont 42 bornes de recharge rapide ;
  • la CNR (Compagnie nationale du Rhône) installe son « corridor électrique » dans la vallée du Rhône : une vingtaine de bornes tri-standard permettant la recharge rapide ;
  • Rouen prévoit de terminer fin 2016 l’implantation de 60 bornes 3 kW pour une recharge gratuite ;
  • le Calvados a un plan d’installation de 250 bornes d’ici fin 2016 dont 200 bornes de recharge rapide dans 182 communes.

Les collectivités peuvent bénéficier du dispositif d’aide de l’ADEME pour le déploiement des IRVE. Ce dispositif initié en 2014 et prolongé jusqu’au 31/12/2015 dispose d’un budget total de 50 M€ avec des dispositions plus larges que le dispositif initial, les bornes en concession étant éligibles à cette aide. Mais l’ADEME a aussi actualisé ses recommandations en fonction des dernières normes et directive au niveau des types de prises utilisées, les Type 2 et 2S (prises avec obturateurs intégrés étant retenus en mode de charge 3). Pour la charge rapide multistandard, l’ADEME impose 3 connecteurs : AC de Type 2 et DC Type CHAdeMO et Combo 2. Ce choix dicté par le choix européen de la nouvelle directive [voir encadré] signe la fin, en France, de la prise de Type 3 qui était portée par les industriels de l’EV Plug Alliance. Pour Bernard Guillarme, directeur France de l’activité « Véhicule électrique » de Schneider Electric (un des membres fondateurs de l’EV Plug Alliance), « toutes nos nouvelles bornes sont équipées de prises Type 2S avec la fourniture si besoin d’un câble adaptateur prise T3/prise T2 pour la recharge de véhicules équipés de prise T3 ». C’est donc la fin d’une « guerre technique » franco-allemande.

 

Des évolutions techniques axées sur l’adaptation borne/véhicule, la fiabilité et l’interopérabilité 

Bernard Guillarme confirme que la validation constante borne/véhicule est importante : « Les constructeurs proposent de plus en plus de modèles électriques, et le test de compatibilité en charge est important pour détecter des problèmes dus aux harmoniques, de sécurité ou de fiabilité ». Il suffit de se rendre sur les forums d’utilisateurs de VE pour voir que ce problème de fiabilité et de maintenance des bornes est majeur avec un réseau encore peu dense. Les principaux constructeurs vont donc former des électriciens pour intervenir rapidement sur site. Schneider Electric a également mis en place une assistance technique permanente de niveau 2 pour ces installateurs. La montée en puissance des bornes est aussi à noter. Si un particulier recharge encore sa voiture à son domicile avec une borne 3 kW et une prise domestique Type E, les bornes murales (Wallbox) 3/7/11 kW vont monter en puissance. Pour Bernard Guillarme, « elles vont monter à 22 kW et, avec l’augmentation de la puissance des batteries, donc de l’autonomie du véhicule (la Zoé de Renault devrait atteindre 200 km), les besoins de recharge rapide sur les autoroutes devraient atteindre 50 voire 100 kW ».
L’interopérabilité est aussi un élément clé des infrastructures pour permettre à tous les propriétaires de VE d’accéder à toutes les bornes et être ouvertes à différents types d’authentification, au minimum les cartes RFID (compatibles ISO 14443-A). Les caractéristiques et données du point de charge doivent être également partagées sur le site www.data.gouv.fr. Objectif : des bornes accessibles partout et par tous. Ce sera le cas des bornes du projet « 16K » de Bolloré qui prévoit d’installer, d’ici 2019, 16 000 bornes en France sur 4 000 communes.

L’avenir passe-t-il par la recharge sans fil ?
L’idée d’une recharge sans fil n’est pas nouvelle, des constructeurs et laboratoires de recherche travaillent depuis plusieurs années sur la recharge par induction : une bobine primaire au sol va émettre un champ magnétique HF vers une bobine secondaire située sous le véhicule pour transférer l’énergie avec un rendement qui doit être supérieur à 90 %. Pour obtenir un bon rendement, il faut que les 2 bobines soient assez proches et bien alignées. Fini les câbles et prises qui peuvent se dégrader.
Une étape a été franchie le 17 juin 2015 à Douai où DBT-CEV, pilote du projet européen FastinCharge regroupant 9 industriels et laboratoires de 6 pays, a présenté en démonstration statique et dynamique de recharge à induction. Maïté Bauduin, du service Marketing et Communication de DBT-CEV, explique « que cette borne alimentée en 400 V permet une recharge complète en 30 min sous  70 A avec un rendement de 90 %, tout en garantissant la sécurité de l’utilisateur dans un procédé par induction ».
Des constructeurs comme BMW ou Volkswagen travaillent sur ce sujet et annoncent des VE rechargeables par induction pour 2017. Des travaux de normalisation seront sans doute nécessaires pour standardiser la solution.


Une directive européenne et des normes internationales très complètes

La directive européenne 2014/94/UE du 22 octobre 2014 sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs va s’imposer à tous les pays de l’Union européenne qui devront « pour la fin de 2020 installer un nombre suffisant de points de recharge ». Dans cette directive, les prises T2 et Combo 2 deviennent la norme et les nouvelles bornes installées devront s’y conformer.

Ces prises sont parfaitement définies par la norme internationale IEC 62196-2 et -3 en cours de révision. Ces normes sont transcrites en normes européennes EN et françaises NF. À noter que la France est particulièrement impliquée dans ces travaux : la France via l’Afnor assure le secrétariat du comité SC 23H de la CEI en charge de ces travaux en la personne de Bertrand Doignon de Marechal Electric, un poste stratégique pour suivre et diriger ces travaux. Cette standardisation mondiale de 2 prises, que l’on n’a jamais pu atteindre en distribution domestique, est importante pour la diffusion du véhicule électrique. Les chargeurs sont couverts par la norme IEC 61851 et la communication VE/infrastructures par la norme ISO 15118.


 

 

Jean-Paul BEAUDET:
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