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Le véhicule électrique, un moyen de stockage pour les smart grids

COP21, la flotte de l'alliance Renault Nissan Renault ZOE et Nissan LEAF (c) Olivier MARTIN-GAMBIER

Le « vehicle to grid », une capacité de stockage mobile.

Comme l’analyse la commission de régulation de l’énergie (CRE) dans son dossier consacré au stockage d’énergie, le développement des véhicules électriques est déterminant dans la gestion du réseau électrique. En effet, il faut savoir qu’une voiture est inutilisée 95 % de son temps de vie. Étant donné que l’utilisation moyenne d’un véhicule électrique nécessite moins de 80 % de la capacité de la batterie pour les trajets quotidiens, il devient envisageable d’utiliser l’électricité stockée pour l’injecter sur le réseau en période de forte demande ou, inversement, de charger la batterie du véhicule en heures creuses. Il s’agit du concept du « vehicle to grid », ou V2G, qui consiste à utiliser les batteries des véhicules électriques comme une capacité de stockage mobile.

Les véhicules électriques pourraient de ce fait représenter une capacité additionnelle de stockage d’énergie, sous réserve que cet usage soit technologiquement et économiquement pertinent, pondère la CRE.

Contrairement au stockage de masse de l’énergie, cet usage de la batterie nécessite des cycles de charge et de décharge très rapides et nombreux, ainsi qu’une très forte densité d’énergie. Par ailleurs, l’état du système électrique devra être pris en compte lors de la charge ou de la décharge du véhicule. En effet, la recharge d’un véhicule électrique lors de la pointe de consommation en hiver à 19 heures constituerait une difficulté supplémentaire pour l’équilibre du système électrique.

En termes de volume, il est estimé que pour un parc d’un million de voitures électriques branchées, la capacité de stockage pourrait atteindre 10 GWh, ce qui pourrait s’avérer précieux en période de pointe. Bien entendu, cela suppose que les consommateurs aient adopté le véhicule électrique et le bon comportement lorsqu’il s’agit de recharger son véhicule.

Des projets de démonstrateurs pour tester les solutions

Pour évaluer la faisabilité de ce concept, le projet Edison (Electric Vehicles in a Distributed and Integrated Market using Sustainable Energy and Open Networks), situé dans une île danoise, a eu en 2009 pour objectif de mesurer en pratique la capacité de stockage qu’offre un parc de voitures électriques pour compléter une production éolienne intermittente.

Il s’agissait de développer une infrastructure de gestion de la recharge des VE (véhicules électriques), qui prenne les décisions en fonction de l’état du réseau. Le développement de cette infrastructure permettrait aux véhicules électriques de communiquer de manière intelligente avec le réseau électrique. En d’autres termes, les temps de recharge seraient déterminés plus efficacement. Il s’agit bien là d’une technologie de smart grids. Le projet avait pour objectif également d’étudier le comportement des utilisateurs de véhicules électriques et de les sensibiliser au bon comportement pour recharger leur véhicule.

En 2012, EcoGrid fait suite au projet Edison, arrivé à son terme. Edison avait pour objectif de développer un smart grid nécessaire à l’adoption à grande échelle de véhicules électriques fonctionnant grâce à l’énergie éolienne. EcoGrid a repris les meilleures pratiques d’Edison, en les appliquant au-delà du véhicule électrique jusque dans le cadre de la maison et du bureau. Comme avec EDISON, l’énergie non utilisée est stockée sur des batteries de véhicules électriques, EcoGrid permettant en plus l’optimisation des appareils qui y sont connectés.

Côté constructeur, des expérimentations récentes à échelle industrielle

Nissan a signé début 2016 un accord de partenariat avec le fournisseur d’énergie italien ENEL portant sur la technologie du « vehicle to grid ». Ce système innovant repose sur la capacité des batteries de la Nissan Leaf, à réinjecter de l’électricité vers le réseau électrique via une borne bi-directionnelle. Les premières expérimentations ont lieu au Danemark et en Allemagne, puis aux Pays-Bas.

Les expérimentations menées par Nissan et ENEL dans le cadre de leur partenariat devraient contribuer à résoudre un certain nombre de points techniques pour passer du stade de l’expérimentation à celui de l’industrialisation du V2G. Les cadres réglementaires nationaux dans lesquels ces opérations pourront s’exercer devront aussi être fixés.

Il faut savoir par ailleurs que le système V2G existe déjà depuis trois ans au Japon et permet aux particuliers de réinjecter de l’électricité sur le réseau électrique ou d’alimenter leur maison par le système « vehicle-to-home » (V2H). Les véhicules présentant ces technologies sont des modèles de Mitsubishi et Toyota et fonctionnent sur le même principe que ceux de Nissan par une prise de charge de CHAdeMO. CHAdeMO est une solution avec au total 8 760 chargeurs opérationnels dans le monde dont 5 400 au Japon, sachant qu’en 2012, seuls, 1 400 chargeurs équipaient les véhicules électriques en circulation. Aux États-Unis, l’association Magic Consortium a présenté, il y a cinq ans, un projet V2G testant cette technologie sur le campus de l’université du Delaware. En Amérique du Nord, 1 238 chargeurs ont été notamment déployés. Aux Pays-Bas, une initiative a été lancée dans la ville d’Utrecht et, selon Nissan Europe, le V2G pourrait rapporter jusqu’à 1 400 euros aux propriétaires de véhicules équipés. 

Pôle Essais Véhicule Electrique – Insertion de la batterie lithium-ion dans l’étuve pour test endurance-fiabilité
Crédits : Yannick BROSSARD

Du point de vue du marché : quel potentiel pour la seconde vie des batteries ?

Selon une étude publiée en février 2016 par le cabinet E-Cube, « dès 2010 avec les premières ventes de véhicules électriques ‘modernes’ et le démarrage du marché de la mobilité électrique, les grands constructeurs automobiles impliqués ont cherché différents moyens de réduire le coût des véhicules pour diminuer l’écart de compétitivité avec les véhicules thermiques. » La principale source de surcoût résidant dans la batterie, les solutions identifiées se sont rapidement tournées vers les potentielles utilisations de cette batterie au-delà du seul besoin de traction du véhicule.

Depuis six ans, deux sources de valeur sont étudiées. La première réside dans l’utilisation de la batterie, lors de sa première vie au sein du véhicule, pour répondre à des besoins de stockage ou de services aux réseaux électriques : c’est le V2H ou V2G. La seconde réside dans l’utilisation des batteries en seconde vie, c’est-à-dire la réutilisation des batteries pour des besoins de stockage une fois leur utilisation au sein du véhicule rendue incompatible à cause des baisses de performances.

Si les différentes initiatives V2G/V2H, principalement menées par Nissan, ont permis de démontrer la faisabilité technique de ces solutions, elles montrent aussi que ce sujet reste encore largement expérimental et met en avant des surcoûts importants, de l’ordre de plusieurs milliers d’euros par véhicule. À l’exception de quelques zones de marché spécifiques, la valeur économique d’un tel système est donc aujourd’hui encore largement insuffisante pour rentabiliser cette solution, analyse le cabinet.

En revanche, la réutilisation des batteries en seconde vie pourrait bien tirer son épingle du jeu comme nouveau levier de valeur à moyen terme. On constate par ailleurs un regain d’intérêt significatif des grands constructeurs automobiles sur le sujet. Au cours de ces derniers mois, la majorité d’entre eux (Nissan, Renault, BMW, Mitsubishi, PSA, Daimler, GMC, Toyota) ont mis en place des partenariats stratégiques ou des co-entreprises avec des acteurs tiers comme Green Charge Networks, EDF/Forsee Power, Eaton, Viessmann, Connected Energy, Getec, Remondis, ABB, pour tenter de développer cette activité.

 

Aymeric BOURDIN:
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