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Interview d’Hervé Grimaud, directeur général de Récylum

Récylum vient de fêter ses 10 ans. Que retenir de ces 10 années ?

Hervé Grimaud : En 10 ans, Récylum est devenu le partenaire incontournable des entreprises qui fabriquent ou détiennent des équipements électriques professionnels. Plus de 1500 industriels – fabricants ou importateurs – nous font confiance en adhérant chez nous et en finançant notre service. Nos conteneurs sont présents chez plus de 22 000 partenaires de collecte : grands comptes, distributeurs, installateurs, collectivités territoriales, gestionnaires de déchets… Nous avons ainsi collectés 320 millions de lampes depuis 2006 et 24 000 tonnes de DEEE Pro depuis 2010. Les équipements collectés ont été recyclés à plus de 85% de leur poids. Nous avons su fédérer plus de 40 acteurs majeurs du secteur du bâtiment autour du projet DEMOCLES afin de réfléchir tous ensemble à la manière de faire progresser le recyclage des déchets du second œuvre – dont les DEEE Pro –  issus des chantiers de démolition/réhabilitation. Nous mobilisons les industriels sur la question de l’éco-conception orientée fin de vie et notre expertise est mise à contribution d’importants travaux de normalisation. Une grande satisfaction est que nous réussissons semble-t-il de plus en plus à faire comprendre aux professionnels, qu’ils soient fabricants ou installateurs par exemple, que le recyclage, non seulement c’est une obligation réglementaire, c’est bon pour l’environnement, mais c’est aussi bon pour le business ! C’est un service de plus en plus demandé, qui peut faire la différence pour remporter un marché. Et l’écoconception représente pour les fabricants d’équipements électriques un levier d’innovation et confère à ceux qui s’engagent dans cette démarche un véritable avantage concurrentiel.

Récylum est en effet devenu bien plus que l’éco-organisme des lampes usagées !

H. G.- Récylum est aujourd’hui l’éco-organisme leader en Europe de la collecte et du recyclage des DEEE Pro du bâtiment, de l’industrie, de la recherche et du médical, et couvre un périmètre d’équipements très large : éclairage, gestion et régulation énergétique, détection incendie, contrôle d’accès, automatismes de fermeture, instruments de mesure et de test, automatismes, outils électriques professionnels, dispositifs médicaux… Récylum a su adapter son offre aux besoins variés des professionnels, et propose un service à la carte : il peut mettre gratuitement à disposition des conteneurs pour les « petits équipements », de manière pérenne dans les locaux de l’entreprise ou temporaire sur un chantier. Il peut aussi prendre en charge à l’unité des équipements volumineux nécessitant une manutention spécifique du fait de leur poids ou encombrement (TGBT, machine de production, déstockage de grosses quantités de matériels accumulés au fil du temps ….) Récylum peut aussi assurer un destockage d’équipements, accumulés au fil du temps, ou lors de la fermeture ou rénovation d’un site par exemple. Le mot d’ordre de Récylum c’est le service client, qu’il s’agisse de producteurs d’équipements qui souhaitent remplir leurs obligations à coût maitrisé via un éco-organisme expert qui peut en plus les accompagner dans leur démarche d’éco-conception, ou de professionnels qui souhaitent se défaire d’équipements électriques de manière respectueuse de l’environnement et en toute sécurité juridique.

Vous évoquez DEMOCLES, au service du recyclage des éléments de second œuvre du bâtiment. Ou en est ce projet ?

H. G.- Lancé fin 2014 à notre initiative et mené par un réseau d’une quarantaine d’organismes, entreprises et administrations, DÉMOCLÈS est un projet inédit visant à améliorer le recyclage des déchets du second œuvre. Alors que la filière bâtiment génère environ 10 millions de tonnes de déchets du second œuvre chaque année, recyclés à moins de 35 % en moyenne, le projet DÉMOCLÈS démontre que l’on peut en recycler jusqu’à 80 % sans surcoût dès lors que cette problématique devient l’affaire de tous, depuis la maîtrise d’ouvrage jusqu’aux industriels du recyclage. Pour y parvenir, il s’agit tout d’abord que chaque acteur du bâtiment  comprenne ses responsabilité et le rôle qu’il a à jouer.   Le 1er maillon de la chaîne de responsabilités est la maîtrise d’ouvrage qui doit mettre en œuvre, via la maîtrise d’œuvre, un réel pilotage et exiger la traçabilité des déchets. Les entreprises de travaux doivent connaître les filières de valorisation et les gestionnaires de déchets doivent proposer des services adaptés aux caractéristiques de chaque chantier et aux objectifs de valorisation des déchets. Très concrètement, il s’agira tout d’abord de former tous les acteurs qui interviennent dans la gestion des déchets, de l’amont à l’aval du chantier. Il faudra notamment les aider à développer de nouvelles pratiques de dépose et de nouveaux modes de conditionnement et d’évacuation car mélanger tous les déchets dans une benne dégrade leur qualité et représente un frein au recyclage. Il faudra également optimiser l’exploitation des outils de suivi existants : diagnostic déchets, registre des déchets, SOGED…  souvent peu connus ou mal utilisés.

C’est pourquoi nous venons de lancer la deuxième phase du projet DEMOCLES qui devrait permettre d’apporter des réponses concrètes. Deux grands enjeux feront l’objet de 24 mois de travaux : donner les moyens à la maîtrise d’ouvrage d’assumer ses responsabilités via notamment une boîte à outils qui sera testée sur des chantiers, et permettre aux entreprises de travaux de répondre aux exigences de la maîtrise d’ouvrage en donnant accès à l’information sur les filières de valorisation des déchets.

Vous parliez également d’éco-conception. Quel est votre rôle, votre action ? Est-ce que vous accompagnez les industriels dans cette démarche ?

H. G.- Paquet Economie circulaire, révision des directives déchets, DEEE  et écoconception, loi de transition énergétique pour la croissance verte : le recyclage est plus que jamais une priorité. Récylum, en tant qu’éco-organisme tenu d’encourager les efforts d’écoconception de ses adhérents, accompagne les industriels dans leurs démarches visant à réduire l’impact environnemental des équipements en fin de vie : réduction des substances dangereuses qu’ils contiennent, facilitation de leur réparation ultérieure et de leur réemploi, augmentation de leur potentiel de recyclage et de valorisation ». Récylum a réalisé avec d’autres éco-organismes le site internet Eco3e. Ce site vise à fournir aux fabricants d’équipements les clés pour comprendre l’intérêt de l’écoconception orientée fin de vie : enjeux, réglementation, outils et pistes d’action. Par ailleurs, Récylum met son expertise en matière de traitement à disposition des bureaux d’études de ses adhérents et organise régulièrement des visites de centres de traitement et des journées de sensibilisation. Récylum s’est également engagé dans le développement de deux projets : l’élaboration d’une méthode de calcul du taux de recyclabilité et le développement d’une base de données sur les DEEE pour nourrir l’analyse du cycle de vie des équipements électriques et ainsi renforcer la fiabilité des outils d’écoconception.

Pouvez-vous nous parlez du projet concernant le taux de recyclabilité ?

H. G.- Evolutions réglementaires à venir et demande déjà d’actualité dans les appels d’offre de certains marchés tels que le marché du bâtiment, le taux de recyclabilité des équipements représente un véritable enjeu pour les fabricants. Récylum a élaboré une méthode de calcul du taux de recyclabilité. Elle permet d’identifier les critères de conception ayant un impact sur le recyclage des équipements. Exemples : liaison de matériaux incompatibles par collage ou surmoulage, accessibilité et marquage des polluants, utilisation de vis standardisées / de liaisons par clip, présence de plastiques contenant des Retardateurs de Flammes Bromés, utilisation de matériaux « compatibles » avec les process de recyclage des DEEE (éviter les matériaux minoritaires ou en faible quantité tels que bois, verre, fibre de verre, etc.), utilisation d’additifs ou traitement de surface des plastiques, etc

Quant à la base de données sur les DEEE : sera-t-elle bientôt disponible ? A quoi servira-t-elle ?

H. G.-Les éco-organismes Récylum et Eco-systèmes travaillent sur un projet collaboratif pionnier en Europe : la création de la première base de données environnementales dédiée à la fin de vie des équipements électriques et électroniques ménagers et professionnels. Ces données répondront aux besoins de leurs producteurs adhérents qui souhaitent évaluer les impacts environnementaux de leurs produits dans le cadre de leur démarche d’écoconception et de calcul d’Analyse de Cycle de Vie (ACV), c’est-à-dire la quantification des impacts d’un produit, depuis l’extraction des matières premières qui le composent jusqu’à sa fin de vie, en passant par sa fabrication, distribution et son usage. Dans le cas des équipements électriques, la prise en compte de la fin de vie repose jusqu’à présent sur des données obsolètes et non représentatives de la réalité. Le projet initié en 2014 est sur le point d’aboutir avec une mise à disposition gratuite imminente des données via le Life Cycle Data Network, une base de données internationale reconnue et utilisée par les logiciels d’ACV. Les données concernent notamment les lampes, les blocs autonomes d’éclairage de sécurité et les petits équipements professionnels. Le projet continuera en 2017 pour enrichir de nouvelles familles de DEEE professionnels tels que les onduleurs, les luminaires, les moteurs, les Gros Equipements Professionnels (GEP), la climatisation Roof top, les petites pompes à chaleur…

A tous les professionnels qui seraient encore réticents à faire appel à votre service, que souhaitez-vous dire ?

H. G.-Je souhaite les mettre en garde avec bienveillance. Ils ont des obligations légales et on observe en une nette augmentation du nombre de contrôles et de sanctions associées à l’inobservation de la réglementation. Les fabricants ou importateur d’équipements doivent prendre en charge la fin de vie des équipements qu’ils mettent sur le marché, de manière individuelle en organisant eux même la collecte et le recyclage, ou de manière collective, en transférant leur responsabilité à un éco-organisme moyennant le paiement d’une éco-contribution , une solution clé en main qui présente de nombreux avantages : sécurité juridique, maîtrise des coûts, plus grande capacité à atteindre les objectifs de collecte, simplification pour leurs clients, accompagnement à l’écoconception…

Côté utilisateurs, afin d’être en conformité avec la réglementation, toute personne qui détient des équipements électriques usagés doit  les confier à un professionnel en contrat avec un éco-organisme agréé (grossiste, installateur électricien, collecteur de déchets…) ou les faire enlever directement par cet éco-organisme. Trop souvent les entreprises avec qui nous échangeons croient avoir déjà une solution de collecte réglementairement conforme et être juridiquement couverts dès lors que leur prestataire a pris en charge les déchets. En réalité c’est seulement lorsqu’ils font appel à un éco-organisme qu’ils sont totalement déchargés de la responsabilité juridique de l’élimination des déchets. De plus les équipements électriques sont pour la plupart des déchets dangereux. Trop souvent assimilés à de la simple ferraille ou à des déchets industriels banals, ils ne sont malheureusement pas dépollués conformément à la réglementation. En effet, la présence de certains composants (piles, lampes fluocompactes, cartes électroniques, plastiques avec retardateur de flamme bromé, condensateurs, circuits imprimés, écran LCD…) ne permet pas un simple broyage mais impose un traitement spécifique avec démantèlement et tri manuel des composants polluants. 1.000 tonnes recyclées de façon adaptée c’est 130 tonnes de matières dangereuses neutralisées !

Filière 3e:
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