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Concepto : 35 ans de conception lumière

Sara Castagné, directrice générale de Concepto © Concepto

L’agence Concepto a 35 ans cette année. Quelle est son histoire ?
Sara Castagné – Christian Broggini et Roger Narboni ont créé l’agence en 1988, société spécialisée dans la lumière avec d’une part, une dimension événementielle et d’autre part, une dimension de conception lumière, qui a donné son nom à l’agence, notion encore nouvelle à l’époque. Roger voulait apporter cette idée de projet à l’éclairage. Autrement dit, sortir l’éclairage de son carcan technique et fonctionnel aussi bien qu’artistique, pour s’orienter vers une composante urbaine et architecturale de la lumière. L’évolution de Concepto s’est faite de façon très cohérente en s’appuyant sur cette construction pensée depuis le départ et en parallèle du métier de concepteur lumière. En 1988, travailler sur une composante lumière via l’architecture paraissait évident, mais à travers l’aménagement urbain et paysager, c’était assez précurseur. Ainsi, Concepto a su s’adapter aux grandes questions politiques de société, avec toujours un temps d’avance : je pense notamment à l’invention de la trame noire en 2012. Aujourd’hui, c’est un sujet qui est porté, demandé, qui a été développé. Ce positionnement de visionnaire se trouve dans l’ADN de l’agence.

En 35 ans, de nombreuses figures de la conception lumière sont passées par Concepto. Moi-même, j’y suis restée 10 ans avant de rejoindre Vincent Thiesson en 2006. Puis, en 2009, j’ai créé Luminocité qui a fusionné avec Concepto en 2018 lorsque j’en ai pris la direction générale ; Roger Narboni restant associé jusqu’à la fin de 2023. Il m’a confié les clés de la maison, en me faisant totalement confiance et en m’offrant une belle opportunité. Il m’a littéralement cédé sa place en me laissant le grand bureau qu’il occupait ! Tout un symbole ! Aujourd’hui, j’essaie d’imaginer quel sera l’éclairage dans 35 ans, quels seront les usages, les nouvelles technologies, les besoins… Comment on travaillera et pour qui ? Quand on se pose ces questions à l’horizon 2058, cela permet de prendre un peu de hauteur. Et le fait de célébrer les 35 ans de l’agence accompagne cette transition imminente. C’est aussi l’occasion pour moi d’inventer la suite, de trouver l’inspiration.

Comment envisagez-vous de célébrer les 35 ans de conception lumière ?
Sara Castagné – Nous pensons à une exposition, ou bien à publier un livre, ou les deux ; enregistrer des podcasts qui questionnent la fabrique de la ville, de jour comme de nuit et qui mettent en perspective les pratiques passées, actuelles et futures.

Nous avons également commencé à publier toutes les semaines sur LinkedIn un projet phare par année d’existence de Concepto. Nous nous efforçons de capitaliser les choses afin de réunir des éléments pertinents qui illustrent l’évolution non seulement de l’agence, mais aussi des technologies, et plus généralement de notre métier de concepteur lumière. Il ne s’agit pas de seulement regarder le passé et ce qui a été accompli mais de se tourner vers l’avenir, de voir comment tous ces éléments peuvent nous aider à nous mettre en orbite, tous, au sein de l’agence. Car Concepto, c’est une équipe de 10 permanents, tous très attentifs aux changements car nous travaillons dans un secteur en perpétuelle évolution : il nous faut suivre et comprendre ces mutations. La façon de concevoir les espaces publics et l’architecture est bousculée par tout un tas de paramètres : le réchauffement climatique, les économies d’énergie, la biodiversité, etc.

2023 est une année charnière, vers une nouvelle vie de Concepto et une conception lumière reboostée par d’autres priorités” Sara Castagné, Concepto

En quoi ces bouleversements dans l’aménagement urbain influencent-ils la conception lumière ?
Sara Castagné – Cela nous amène à concevoir des projets très différents et à échanger avec des équipes pluridisciplinaires, constituées d’architectes, d’urbanistes, de paysagistes, d’écologues, des spécialistes de la concertation. Nous apprécions de travailler à différentes échelles, différentes typologies d’espaces, et de nous confronter aux questions très actuelles et aussi diverses que la sobriété énergétique, l’économie circulaire, le réemploi, les trames noires que j’évoquais plus haut ; autant de sujets qui sont déterminants pour l’équipe et pour notre travail. Nous prenons toujours position sur l’éclairage raisonné, la frugalité, et ces questions nous animent en permanence. Je suis convaincue que l’on s’oriente de plus en plus vers une éco-conception lumière. Ce qui ne nous empêche pas, bien entendu, de nous appuyer sur un socle très fort que représente la partie créative de la lumière. Et cette année 2023 sera sans doute une année charnière vers le passage à une nouvelle vie de Concepto et vers une conception lumière reboostée par les nouvelles priorités.

Quelles sont les perspectives de l’agence dans les années futures ?
Sara Castagné – Nous sommes confiants sur les prochaines années, grâce au travail de l’ACE la compétence de conception lumière est de plus en plus demandée, nous intégrons beaucoup d’équipes de maîtrise d’œuvre sur des projets d’architecture, de paysage, d’aménagement d’espaces publics. Nous sommes pluridisciplinaires, nous pouvons passer d’un projet lumière d’exposition au Louvre à une étude de stratégie de trame noire sur un territoire rural ou urbain dense, d’un projet en cœur de ville à un projet de requalification en périurbain, d’un projet de mise en lumière d’une place à un aménagement de bord d’une rivière… Ces changements de sujets et d’échelles passionnent notre équipe, les idées fusent et se nourrissent les unes les autres. Cela nous permet d’explorer toutes les facettes de la lumière !

Je me pose beaucoup de questions sur l’avenir, j’essaie de modeler notre agence en laissant à chacun et chacune une liberté d’expression, un regard, une technicité et de l’autonomie. Pour moi, il est important de constituer une équipe créative, compétente et solide, cela devient de plus en plus difficile de fidéliser les collaborateurs dans une agence. Une équipe avec un noyau dur d’associés, des permanents expérimentés et fidèles, d’autres en formation qui pourront s’épanouir, complétés par des compétences externes pointues amenées par des indépendants, permettrait à Concepto de poursuivre son chemin durablement. Nous sommes très chanceux de faire le métier de concepteur lumière, il ouvre sur des rencontres avec des lieux, des milieux, sur des réflexions passionnantes et il contribue à rendre le monde meilleur.

Propos recueillis par Isabelle Arnaud

Isabelle ARNAUD: Rédactrice en chef de la revue Lumières
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