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PDA : un temps d’avance qui change tout

Essais. Avant sa commercialisation, le PDA peut être testé en laboratoire ou en conditions réelles de foudre, comme sur cette photo. Le paratonnerre sera implanté à un endroit d’impact pour contraindre le foudroiement. Cette technique, plus complexe à mettre en oeuvre qu’un test en laboratoire, permet de vérifier toutes les mesures de conception du produit en matière de blindage des circuits électriques et électroniques.

Phénomène naturel aléatoire et complexe, la foudre ne se maîtrise pas. Lorsqu’elle frappe, l’énergie considérable qu’elle conduit dans un temps extraordinairement court peut provoquer des dommages considérables et irréversibles. Les industriels experts du domaine ont développé de longue date des systèmes de protection qui attirent la foudre pour capter les foudroiements et évacuer leur charge électrique de plusieurs milliers d’ampères hors des zones à protéger, en particulier le paratonnerre à dispositif d’amorçage (PDA).

Aller capter la foudreavant qu’elle ne frappe
Des phénomènes précurseurs – accroissement brutal du champ électrique et prédécharge au niveau des proéminences d’objets au sol, qu’ils soient métalliques ou pas – ont conduit les fabricants à développer une idée simple mais révolutionnaire : aller « capter » le coup de foudre « au bon moment » (avant qu’il ne frappe), pour canaliser et évacuer en toute sécurité le courant électrique qu’il génère, et ce grâce à un dispositif d’amorçage.

Placé à la pointe du paratonnerre, ce dispositif s’active par temps d’orage : il va ioniser l’air en générant des étincelles au voisinage immédiat de la pointe du paratonnerre ; ce champ électrique va être utilisé pour créer un « traceur ascendant » permettant d’aller à la rencontre du « traceur descendant » de la foudre avant qu’il n’atteigne le point d’impact (schéma). Lorsque les traceurs se rejoignent, les charges se neutralisent et créent un trait lumineux intense qui progresse du sol vers le nuage (arc en retour).

L’ingéniosité mais aussi la « fragilité » du PDA reposent sur cette double capacité à déclencher le départ du traceur « leader » à l’instant T et à assurer les conditions indispensables (énergie suffisante) pour que ce traceur ascendant réussisse à capter le traceur descendant. S’il part trop tôt, le traceur ascendant n’aura pas nécessairement assez d’énergie pour parcourir la distance, parfois très élevée, jusqu’au traceur descendant. S’il part trop tard, le dispositif n’a plus d’intérêt. Sur ce point, la norme NF C 17-102, qui encadre les PDA, précise le choix du paramètre d’amorçage et la détermination de l’avance d’amorçage.

Un dispositif électrique qui révolutionne la technique

Mât. La hauteur de la tige détermine le rayon de protection du PDA. La norme NF C 17-102 distingue ainsi différents niveaux de protection en fonction de la dimension du mât, mais le paratonnerre sera obligatoirement situé à au moins 2 m au-dessus de n’importe quel autre élément situé dans son rayon d’action.

Au fil des années et des travaux de R&D menés par les industriels, la technologie du PDA a évolué et s’est perfectionnée. Initialement, 3 familles de dispositifs d’amorçage étaient répertoriées : à déclenchement électronique, piézoélectrique et à « profil spécial ou géométrique ». Le principe du fonctionnement du système piézoélectrique repose sur une condition climatique spécifique : il faut du vent en situation d’orage, ce qui n’est pas toujours le cas.

Le paratonnerre à « profil spécial », quant à lui, fonctionne sur la base d’une tige simple reliée à la terre et de parties métalliques isolées. Cette association va réagir fortement en situation d’orage : la tension d’ionisation atteindra plusieurs milliers de volts et déclenchera, par le biais d’un éclateur, la production d’étincelles permettant de capter la foudre. Enfin, la dernière famille est le PDA électrique (Schéma ci-contre), dont le système électronique lui permet de détecter les conditions orageuses et de déclencher très précisément son fonctionnement de manière autonome ; on parle de PDA « actif ». Pour créer les étincelles qui vont ioniser l’air, ce PDA utilise un générateur de haute tension électrique intégré ; générateur lui-même alimenté soit par une batterie reliée à un panneau solaire, soit par l’énergie captée dans le champ électrique statique ambiant, très chargé lors de conditions orageuses. Le déclenchement de ces prédécharges et du traceur ascendant, lorsque les conditions sont réunies, est piloté par un capteur de champ électrique. La sensibilité de ce capteur et le réglage du seuil de déclenchement sont les paramètres critiques pour l’avance à l’amorçage du PDA électronique.

Comment être sûr du fonctionnement quand on sait que tout se joue en quelques microsecondes ? « La norme NF C 17-102 est très précise sur ce point, répond Arnaud Lefort. Elle donne l’efficacité du paratonnerre en fonction du niveau de protection que l’on souhaite atteindre. Selon la criticité du site à protéger, vous n’aurez pas les mêmes niveaux d’exigence. La norme explique précisément la méthode à suivre pour atteindre ces différents niveaux de protection. Bien sûr, les PDA ne seront pas les mêmes ; il en existe de plus ou moins puissants, de plus ou moins hauts… Il est parfois nécessaire d’installer plusieurs PDA pour une protection complète du site. C’est tout l’enjeu de l’analyse du risque foudre et de l’étude technique préalable qui conduit au choix de l’installation. »

La résistance ne dispense pas de surveillance

Lorsqu’il est utilisé pour protéger des zones non construites, comme sur cette photo, le PDA doit être installé sur un support dédié, de type pylône, afin de permettre la mise en oeuvre du conducteur.

Fabriqué dans un acier haute résistance capable de supporter le poids du paratonnerre, la prise au vent… et les conditions de foudroiement, les PDA présentent une résistance exceptionnelle ; leur durée de vie est de 20 à 25 ans. Pour autant, des vérifications régulières s’imposent. Là aussi, la norme NF C 17-102 prévoit des contrôles périodiques obligatoires par des bureaux qualifiés (Qualifoudre, F2C). « En dehors de ces échéances périodiques, le contrôle s’impose en cas de présomption de coup de foudre, note le dirigeant d’Indelec. Lorsque qu’il n’y a pas de compteur foudre pour indiquer avec certitude un impact, cela ne signifie pas que l’installation n’a pas été touchée si un orage a eu lieu dans la zone d’implantation. Après chaque foudroiement avéré ou présumé – même s’il est extrêmement rare qu’il endommage ces dispositifs conçus pour les supporter –, il faudra vérifier l’installation. » Cette vérification peut se faire de deux manières :

  • sur place (avec accès au PDA) à l’aide d’un testeur qui enverra une « décharge » électrique pour vérifier que le système fonctionne correctement ;
  • à distance, car il existe aujourd’hui des PDA autotestables. À partir d’une télécommande, un signal est envoyé au PDA ; un retour d’état (positif ou négatif) permettra de savoir si le dispositif est opérationnel.

 

Le PDA s’adapte avec discrétion à différentes typologies de bâtiments. Ici, à Versailles, où il protège une aile du château.

Une simplicité qui fait son attractivité
Cette capacité à « anticiper » l’impact de quelques microsecondes a donné lieu à une bataille technologique avec le paratonnerre à tige simple (PTS), qui ne dispose pas de cette technologie d’avance à l’amorçage à sa pointe. Le PTS est-il pour autant condamné ? Pas forcément car la différence de prix de ces deux technologies est de l’ordre de 1 à 5. « Le choix entre un PTS et un PDA doit se faire en fonction du besoin, rappelle Arnaud Lefort. Installer un PDA sur un petit bâtiment qui renferme un transformateur EDF, par exemple, serait disproportionné. En revanche, pour une mairie, une école et même une piscine ou un jardin public, le PDA a tout son intérêt, d’autant plus qu’il a deux avantages non négligeables : il offre un rapport protection/coût global intéressant, qui rend cette technologie accessible à beaucoup de clients, et sa mise en oeuvre est moins contraignante que d’autres technologies du fait qu’un PDA est constitué de peu d’éléments (deux descentes qui relient le mât à la terre et deux prises de terre). »

Un marché mondial à développer
Avec ses nombreux retours d’expériences, le PDA, cette invention française, a su montrer sa fiabilité (de nombreux sites Seveso en sont équipés) et séduire : selon Indelec, 95 % des sites protégés en France en sont équipés. Mais le succès du PDA n’est pas uniquement français, il séduit largement au-delà de l’Hexagone : l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Grèce et même l’Asie, où le célèbre site d’Angkor Vat, au Cambodge, est protégé par des PDA, ont aussi adhéré au concept. 550 000 sites dans le monde seraient aujourd’hui protégés par des PDA, ce qui représente environ 5 millions d’unités vendues et installées chaque année. Des chiffres qui pourraient exploser si les pays du Nord (Grande-Bretagne, Allemagne, pays nordiques…) et les États- Unis acceptaient d’ouvrir leurs frontières à cette technologie.

Pascale Renou

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Paratonnerre et parafoudre, ne pas confondre !

Un paratonnerre est une pointe sur le point le plus élevé d’un bâtiment, qui capte directement l’énergie de la foudre afin de la conduire, à l’aide de conducteurs, directement à la terre. Il s’agit donc d’équipements de protection extérieure. La foudre perturbe également les réseaux (énergie, télécoms…) alimentant les différents équipements des bâtiments qui, sans protection, pourraient être endommagés. Le parafoudre a pour fonction d’empêcher la propagation de la surtension qui pourrait être véhiculée par les réseaux intérieurs au bâtiment. Leur rôle est d’écouler à la terre la surtension résiduelle. Le parafoudre n’est pas toujours obligatoire, comme l’indique la norme NF C 15-100, mais son association au paratonnerre garantira une bonne protection contre la foudre.

En France, le règlement de sécurité ERP (arrêté du 19/11/2011-EL19) n’est pas très précis quant à l’installation d’une protection contre la foudre sur les établissements recevant du public : sans parler d’obligation, le texte impose une vérification périodique si l’établissement est équipé d’un paratonnerre. Reste quelques établissements, maisons de retraite en particulier, qui ont l’obligation d’installer une protection contre la foudre. D’évidence, il y a un vide juridique à combler.

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Rappel des règles d’installation

Trois éléments principaux constituent un PDA :
– une tête captrice (ou plusieurs selon la zone à couvrir) ;
– deux conducteurs de descente par PDA ;
– un système de prise de terre.
En matière d’installation, la norme NF C 17-102 précise tous les aspects à prendre en compte pour garantir une mise en oeuvre fiable et sécurisée, mais rappelons néanmoins quelques règles de base :

Implantation :

  • le PDA doit être situé au moins 2 m au-dessus de n’importe quel autre élément se trouvant à l’intérieur de son rayon de protection.
Compteur. Il est recommandé d’installer un compteur de coups de foudre pour réaliser des vérifications ou des opérations de maintenance.

Conducteurs :

  • chaque paratonnerre doit être uni à la terre par 2 conducteurs de descente partant dans des sens opposés. Protégés par un fourreau, ils doivent être situés à l’extérieur de la structure à protéger et implantés de telle sorte que le parcours soit le plus direct possible, en évitant remontées et angles brusques (rayons de courbure > 20 cm.) ;
  • le tracé des conducteurs devra éviter la proximité de canalisations électriques ou de gaz ;
  • les fixations du conducteur seront espacées selon un pas de 3 fixations par mètre ;
  • pour la section du conducteur (50 mm2 minimum), les câbles plats seront préférés aux ronds pour faciliter l’évacuation du courant extrêmement puissant qui va circuler au moment de l’impact. Le câble cuivre sera conseillé pour ses qualités de conductibilité, de tenue à la corrosion et de malléabilité.
Prise de terre. Elle assure le contact électrique entre le sol et le paratonnerre. De la qualité de ce contact dépend le bon écoulement des charges électriques dans le sol. La prise de terre doit être constituée par plusieurs brins horizontaux enterrés ou piquets verticaux. Conformément à la norme NF C 17-102, elle est réalisée en « patte d’oie » (photo), « piquets triangulés » ou « piquets alignés » (ensemble de piquets verticaux de 2 m reliés entre eux par du ruban cuivre étamé 30 x 2 et disposés en triangle de 2 m de côté ou alignés).

Prise de terre :

  • réalisée au droit de chaque descente et enterrée à 50 cm de profondeur, la prise de terre doit être orientée vers l’extérieur de la structure protégée et séparée de tout autre élément conducteur (à 5 m minimum de canalisations métalliques ou électriques) ;
  • sa résistance doit être < 10 ohms ; – l’inductance de la prise de terre doit être la plus faible possible ;
  • toutes les prises de terre doivent être reliées entre elles et à la prise de terre générale du bâtiment ;
  • un améliorateur de conductivité pourra être utile pour certains terrains à résistivité élevée ;
  • la prise de terre paratonnerre est raccordée dans un regard de visite pour permettre l’interconnexion au circuit de terre général ;
  • il est recommandé de relier le mât d’une antenne au conducteur de descente par un éclateur.

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Pour aller plus loin

Le site Lighting Protection System (http://earlystreameremission.com), qui vient d’être lancé sur Internet, présente de manière claire et pédagogique l’ensemble des technologies de protection contre la foudre, les tests menés en laboratoire, les publications… (site en anglais). À lire également, l’interview d’Élysabeth Bénali sur la technologie PDA dans j3e n° 817, d’avril 2013.

 

 

Pascale Renou: Journaliste J3e
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