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Marie-Noëlle Letouzé – Profession : électricienne

Travail : Vive les femmes !

« Le 8 mars n’est pas, comme on l’entend parfois, la journée de « la » femme, qui mettrait à l’honneur un soi-disant idéal féminin (accompagné de ses attributs : cadeaux, roses ou parfums) », disait Najat Vallaud-Belkacem en 2013. Cette même année, une étude Insee rappelait qu’à travail égal, les femmes gagnent toujours 18 % de moins que leurs homologues masculins. Et selon le Forum économique de Davos qui s’est tenu en janvier 2016, ce écart salarial ne devrait pas être résolu avant 2095 ! Tout en rappelant que les femmes représentent à peine plus de 35 % des cadres en France.
Tout n’est pas rose et le bâtiment bat des records en la matière, avec seulement 163 femmes électriciennes recensées sur tout le territoire. En 2016, en France, la part des femmes dans le secteur du bâtiment ne dépasse pas 11,7 % tandis qu’elles ne représentent que 1,1 % de l’ensemble des électriciens. Peut mieux faire…

Il reste de bon ton aujourd’hui de critiquer la journée des femmes. Certains se disent non-machistes et expliquent que cela devrait être tous les jours, mais ils ne font surtout rien pour changer les choses. Se battre pour les droits des femmes, c’est se battre pour les droits humains en général. Le niveau d’avancée d’une civilisation se jauge souvent à la place qui est accordée aux femmes, que cela soit dans les droits effectifs ou dans leur influence sur la société. Françoise Picq, spécialiste des mouvements féministes et militante, explique  : « On s’est battu très fort contre cette expression, « la femme ». On avait réussi à ce que cela ne se dise plus, mais c’est très enraciné, et cela revient. Or la femme, cela n’existe pas, c’est une représentation inventée par les hommes. Quand on dit la journée de la femme, cela fait un peu fête des mères. »

Célébrer la femme, c’est rendre hommage à une image essentialisée de la femme, autrement dit, on a trouvé mieux pour lutter contre les stéréotypes et les inégalités. La présence des femmes en entreprise est une nécessité. Une autre étude met en exergue que les entreprises ayant plus de 10 % de femmes parmi leurs dirigeants  affichent des chiffres d’affaires de 41 % plus élevés en moyenne que celles qui n’en ont que 5 %.

La qualité de vie au travail est également réputée pour être meilleure lorsque plus de femmes font partie du management d’une entreprise. D’après une étude menée aux États-Unis sur le management d’entreprise, en moyenne, les salariés se disent plus enthousiastes et engagés au travail lorsqu’une femme est leur manager direct, et ce constat s’applique indifféremment, que les salariés soient des hommes ou des femmes. Globalement, les femmes seraient de meilleurs managers.

Pourquoi les hommes doivent-ils à tout prix dévaloriser les femmes et ne pas leur laisser de place ? Parce qu’ils ont peur, probablement. Voir arriver une femme sur un chantier fait rire. Le BTP est un métier où l’on a besoin de muscles, donc les femmes n’ont pas leur place.

Mais la révolution numérique et la mécanisation de la construction réduisent énormément le besoin d’avoir de la force pour construire. Le BIM va redistribuer les cartes et les femmes ont tout à y gagner.
Leur esprit de synthèse va faire merveille. Etant très peu sur ce marché du travail, leur valeur salariale devrait monter en flèche. Plus d’égalité hommes-femmes dans l’entreprise, cela transmet des valeurs progressives,positives, dynamiques et d’ouverture d’esprit c’est aussi une question d’image. Par ailleurs, on sait que les plus jeunes consommateurs attachent de plus en plus d’importance aux enjeux de la diversité…

La parole est à 5 femmes, 5 métiers, 5 visions. Marie-Noëlle Letouzé, électricienne à Pérols, dans l’Hérault. Myriam Maestroni, élue Femme en Or 2015 et présidente d’Économie d’Énergie. Géraldine Balesta, présidente de Sauvéo, société spécialisée dans le financement de la rénovation énergétique. Claire Auger, responsable des enseignements du CAP PRO ELEC et Isabelle Le Corre, responsable des relations entreprises et chargée de la filière Énergie au CFI – Centre des formations industrielles de la CCI Paris Île-de-France.

Marie-Noëlle Letouzé — Profession : électricienne

Smart Home Electricien+ : Comment vous est venue l’idée de basculer dans l’électricité ?
Marie-Noëlle Letouzé :
Dans mon autre vie, j’étais visiteuse médicale. Je m’étais dirigée vers cette activité par besoin alimentaire. Je ne me suis plus sentie en adéquation avec ce métier et l’envie de faire quelque chose qui me correspondait se faisait plus présente. Je ne renie pas ce métier, il m’a permis d’avancer. Mais dès que j’ai pu, je me suis tournée vers l’électricité.

SHE+ : Est-ce un rêve d’enfant ?
M.-N. L.
  Pas exactement. Plus jeune, je rêvais d’apprendre un métier du bâtiment via l’enseignement des Compagnons du devoir. Pour moi, ces gens-là sont des artistes. Mais à l’époque, ils n’acceptaient pas les femmes. Heureusement, ça change et cette filière, réservée aux hommes pendant huit siècles, s’est ouverte aux candidates.

SHE+ : Elles osent, surtout, les mentalités ayant évolué.
M.-N. L.
  Concernant les Compagnons du devoir, elles n’avaient tout bonnement pas le droit. Mais oui, elles osent aussi davantage. C’est formidable. Les mentalités évoluent, mais l’image qu’on a de l’électricien reste très masculine. Il n’y a pourtant aucune raison pour que les femmes ne puissent pas exercer ce métier. D’autant qu’aujourd’hui, il y a une dimension esthétique qui entre en jeu. Et même si certains hommes ont cette sensibilité, les femmes sont bien connues pour ça.

SHE+ : Expliquez-nous cette notion d’esthétique.
M.-N. L.
  Au niveau de la finition dans le travail, déjà. Il est vrai que le boulot d’électricité peut être ingrat en ce qui concerne le rendu final, parce que ça ne se voit pas. Mais en termes d’appareillage, les gens sont plus ouverts aujourd’hui. Je suis très sensible à l’esthétique épurée des produits. Les rééditions d’anciens interrupteurs sont aussi très sympas, et les gens ont envie de ces détails qui font la différence. Ça devient un objet de décoration, tout comme la porte d’un compteur qu’on saura assortir. En revanche, pour les détecteurs de fumée, l’offre n’est pas terrible… L’esthétique elle se retrouve aussi dans la conception et la pratique de l’électricité, la répartition des points lumineux.

SHE+ : En France, les concepteurs lumières sont des hommes, pas des femmes.
M.-N. L.
  En architecture aussi ce sont des hommes pour la plupart. Je ne dis pas que l’esthétique est le domaine réservé des femmes. Mais les femmes peuvent faire bénéficier de leur différence dans ces métiers aussi.

SHE+ : Vous abordez la domotique ?
M.-N. L.
  Je fais peu de domotique. Mais ça m’intéresse et je souhaite développer ça. L’alarme, la vidéosurveillance, en particulier.

SHE+ : Vous avez été l’objet de moqueries, dans l’exercice de votre métier ?
M.-N. L.  :
Pas trop de sexisme, mais il y a un côté « idées reçues » bien ancré. Selon moi, c’est dans la mentalité des Français. Concernant mon travail, je reçois toujours un super accueil durant mes interventions. Les gens sont adorables. Mais attention !, une femme n’a pas droit à l’erreur. Je sens cette pression. Lorsque je cherche l’origine d’une panne, j’entends presque « c’est normal qu’elle ne trouve pas, c’est une nana »…

SHE+ Vous avez votre structure, ou vous travaillez à 100 % au sein du réseau HomeServe ?
M.-N. L.
  J’ai ma société. Je suis prestataire 2 jours par semaine pour HomeServe, mais j’ai mes chantiers. Je viens de créer une page Facebook, sous l’intitulé Marie-Eclaire. Je n’ai rencontré aucune réticence à me faire entrer dans le réseau HomeServe, surtout pour le dépannage. C’est une opportunité pour moi, parce que je constate régulièrement la surprise du client au téléphone lorsqu’il comprend que l’électricien, c’est une électricienne…

SHE+  Il va falloir changer le regard des gens. Comment comptez-vous faire évoluer votre activité ?
M.-N. L.
  Je vis au jour le jour, j’évolue par rapport à ce qui se passe. Dernièrement, j’ai travaillé deux jours dans un vide sanitaire, c’est clair que ce n’est pas ce que je préfère… Installer un beau luminaire serait plutôt la voie que je privilégierais. Le côté esthétique, je me répète, m’attire vraiment.

SHE+   Vous avez 44 ans, 2 enfants, comment avez-vous pu caser la formation ?
M.-N. L.  J’ai passé un CAP d’électricien. C’est clair que ça demande de l’organisation. Et aujourd’hui, après 4 ans, je vis pleinement de mon activité. Le rêve de compagnonnage, ça sera pour une autre vie !

David Le Souder: Rédacteur en chef magazine Electricien+ en charge du développement de www.filière-3e.fr Dirigeant de l'agence de communication Mediaclass et responsable marketing opérationnel indépendant; Master marketing industriel. De 1998 à 2007 : responsable communication chez SICK AG De 2007 à 2009 : responsable communication chez Siemens Industry Automation and Drives Technology Depuis 2009 : responsable marketing opérationnel indépendant.
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