N°23 Dossier magasins de mode – Interview de Christophe Luquet « Anticiper le rôle de la lumière »

© DR Christophe Luquet
© DR, Christophe LUQUET : Concepteur lumière, DYNALIGHTING

Entré dans l’éclairage depuis plus de vingt ans, Christophe Luquet, cofondateur de l’agence de conception et d’ingénierie lumière Dynalighting, bénéficie d’une longue expertise, notamment dans le domaine de l’éclairage des magasins. L’agence accompagne les maîtres d’ouvrage dans toutes les étapes nécessaires à la mise en oeuvre et au déploiement du projet d’éclairage (y compris le réglage des luminaires à la mise en service) et propose tout un panel d’études techniques, allant de l’audit jusqu’au diagnostic énergétique en passant par l’étude des coûts d’investissement et d’exploitation.

Lumières : Quel est le rôle du concepteur lumière dans les projets d’éclairage des magasins ?
Notre première approche consiste à traduire en langage lumière les attentes des maîtres d’ouvrage par rapport au marketing et à la segmentation du marché, en particulier lorsqu’il s’agit de magasins de mode. Ce que je veux dire, c’est que notre analyse nous conduit à définir les besoins en fonction de la taille du magasin, de sa cible, de l’enseigne, etc., dans le respect de l’image que renvoie la marque et qui correspond à l’idée que les clients s’en font, mais aussi à ce qu’ils attendent. Lorsqu’une marque veut rénover complètement son éclairage, il est préférable de ne pas trop modifier les codes auxquels les clients sont habitués, mais chercher le juste équilibre entre les différents effets, tout en respectant certaines règles. Par exemple, on privilégie des niveaux d’éclairement faibles et des ambiances chaudes dans les magasins de luxe, tandis que des éclairements élevés, des contrastes faibles et des températures de couleur plus froides caractérisent plutôt les commerces plus grand public. Il est difficile de déplacer le curseur en dehors de ces limites, car la clientèle se sent rassurée et confortable avec ces codes.

À quelles contraintes devez-vous répondre ?
Nous devons faire face à deux types de contraintes : à la fois architecturales et budgétaires. Les premières sont directement liées au projet qui comporte de multiples facettes. Avant même de procéder à l’étude proprement dite, il nous faut comprendre le positionnement de la marque, établir les règles de l’éclairage vertical et de l’éclairage horizontal : n’oublions pas que dans un magasin, les personnes avancent en regardant droit devant elles, ou en hauteur, mais certainement pas la tête baissée, d’où l’importance de l’intégration de l’éclairage dans le mobilier ; à ce propos, je souhaiterais souligner que nous travaillons de plus en plus souvent avec les fabricants de mobilier afin de définir ensemble les systèmes les plus efficaces à y intégrer. L’attention doit également se porter sur les surfaces vitrées et ce n’est qu’après ces deux phases que l’on se préoccupe des répartitions lumineuses et du choix des luminaires ainsi que de leur implantation.

Les limites budgétaires concernent les produits eux-mêmes ou les consommations ?
Avec les LED, la maîtrise de l’énergie est assurée. En revanche, nous avons encore un peu de mal à faire entendre nos explications sur les différences de qualité des produits. Deux luminaires LED peuvent en apparence présenter les mêmes caractéristiques, mais en détaillant un peu les performances, on peut mettre en avant des différences notoires qui vont agir sur la durabilité de l’installation et la qualité de l’éclairage. Par exemple, considérer l’efficacité lumineuse globale de l’appareil et non le flux tout seul, la distorsion des couleurs d’un luminaire à l’autre ; pour la durée de vie, ne pas s’arrêter au nombre d’heures, mais tenir compte aussi du maintien des performances dans le temps. Ce sont autant d’arguments qui servent de base à la négociation et surtout, qui justifient un choix de matériel plutôt qu’un autre. Les magasins changent leur éclairage relativement souvent, environ tous les cinq ou sept ans. Les maîtres d’ouvrage et gérants y réfléchissent donc à deux fois avant d’investir dans de nouveaux luminaires. L’avenir est à faire évoluer la conception des luminaires pour permettre le changement du module LED seul.

Une évolution qui passe par la gestion électronique ?
Oui, même si cela représente un surcoût, l’intégration de la programmation et du pilotage à distance représentent un important progrès. La gradation se fait par Bluetooth, l’orientation du projecteur grâce à une télécommande, le changement de couleur tout comme l’intensité peuvent être programmés, etc. Ce sont des outils aussi précieux pour nous que pour le magasin, car une fois que nous avons effectué les réglages, le gérant peut ajuster facilement les éclairages en fonction de la mise en valeur des produits, des promotions et aussi révéler l’identité de la marque. C’est notre rôle d’anticiper les besoins du magasin, de donner les conseils adéquats et d’insister sur l’atmosphère lumineuse que l’on ne peut obtenir qu’avec des éléments qualitatifs pertinents. L’éclairage joue un rôle déterminant dans le processus de vente (ou d’achat), mais pas en termes de quantité : un juste équilibre entre l’effet recherché et le dimensionnement du magasin constitue un gage de réussite.

Christophe Luquet, Dynalighting

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