La compétitivité de l’industrie française en question

Productivité et réponses aux exigences des marchés :

VERBATIM DU DEBAT DU 31 MAI 2012 ORGANISE PAR LE SYMOP

ENTRE CHRISTIAN ESTROSI ET CHRISTIAN PIERRET

EN PRESENCE DE JEAN-CAMILLE URING ET JEROME FRANTZ

LE SYMOP le syndicat des machines et technologies de production (SYMOP) représente le métier de la construction et de la réalisation des biens d’équipement. La profession regroupe 1 250 entreprises en France, soit 33 000 personnes et 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Du point de vue des technologies de production, la France est le sixième pays européen et le treizième pays mondial.Le SYMOP rassemble 250 entreprises, qui comptent 16 000 personnes et génèrent 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Par les machines-outils et les solutions technologiques productives qu’elles conçoivent et proposent, elles sont au cœur de l’industrie française.

Depuis 2008, d’abord à travers l’opération « Robotcaliser : robotiser pour ne pas délocaliser (www.robotcaliser.com), le SYMOP travaille au nécessaire renouvellement de l’outil de production français. Découlant de cette initiative, le plan Robot START PME, conçu avec le ministère de l’Industrie, va prochainement être soumis au CGI pour être mis en œuvre dans les prochains mois.

 

« PRODUCTIVEZ ! »En 2012-2013, dans le cadre d’une démarche plus large intitulée « Productivez ! » le SYMOP promeut auprès des décideurs un vaste effort de notre pays en faveur de la modernisation et du renouvellement de l’outil de production des PME-PMI.L’ensemble de cette démarche sera présenté par le SYMOP à la presse puis aux décideurs en septembre.

Dans la campagne pour l’élection présidentielle, le thème « produire en France » est revenu de façon récurrente. Arnaud Montebourg, Ministre du Redressement productif, a déclaré que la France avait perdu 750 000 emplois industriels et 900 usines en dix ans. Il considère la reconstruction de l’appareil productif français comme une grande cause nationale…

 

Christian PIERRETSecrétaire d’Etat à l’Industrie de 1997 à 2002L’industrie française traverse une crise profonde et structurelle, malgré des réussites extraordinaires puisque chaque secteur industriel, contrairement à l’Allemagne, compte au moins un champion mondial. Si les entreprises de taille intermédiaire montrent quelques faiblesses, le tissu des PMI-PME est particulièrement dynamique.

Dans notre pays, l’induction de l’innovation et l’esprit d’entreprise dans l’économie pose problème. L’ensemble de notre système, économique, bancaire et fiscal, décourage la prise de risque. La politique économique doit se tourner vers une politique de l’offre. L’Etat doit se comporter comme un Etat stratège, encourageant l’offensive industrielle.

 

Christian ESTROSIMinistre de l’Industrie en 2009-2010Nous partageons certaines analyses, même si notre diagnostic sur les causes de ce bilan et sur les moyens à mettre en œuvre diffèrent.

Fallait-il adopter un plan de relance par la consommation ou un plan de relance par l’investissement ?

Entre la fin des « années Giscard » et le début des « années Mitterrand », les gouvernements de gauche comme de droite ont abandonné l’industrie. Ils ont considéré que l’avenir était dans les services, la finance, l’économie virtuelle.

Même au sein de l’Union Européenne, certains Etats comme l’Allemagne, plus stratèges que la France, ont instauré une certaine forme de protectionnisme alors que nous avions tendance à abandonner la défense de notre outil industriel.

La relance de la compétitivité, à mon sens, est fondée sur la baisse du coût du travail plutôt que sur l’augmentation des déficits structurels.

Jean-Camille URINGPrésident du SYMOPIl est indispensable de jouer sur l’ensemble des leviers, qu’il s’agisse du coût du travail, des financements ou des éléments hors coûts.

Aujourd’hui, dans le contexte d’une industrie mondialisée, nous ne pouvons pas doper notre productivité et développer de nouvelles solutions sans que celles-ci soient fondées sur une base productive française. Or selon les statistiques de 1999, l’âge moyen de la machine-outil équivaut à dix-sept années et demi en France, à neuf ans en Allemagne et à dix ans en Italie. Un retournement est possible à condition que les nouvelles technologies soient mises à la disposition des PME-PMI.

Introduire une machine à commande numérique dans une petite entreprise mécanique, par exemple, constitue un projet innovant. Cependant, celui-ci n’est pas éligible au crédit impôt recherche. Les PME-PMI, qui ne disposent pas forcément de l’encadrement technique nécessaire, ont besoin de l’assistance des centres techniques. La récupération partielle des taxes parafiscales attribuées aux centres techniques entrave un meilleur développement des industries mécaniques.

 

Christian ESTROSI, Ministre de l’Industrie en 2009-2010. Au plan économique, la crise a révélé maintes faiblesses. Le rythme avec lequel des déficits sont engagés depuis trente ans ne peut perdurer.

(…)

Au cœur de chaque comité de filière, de l’automobile à l’aéronautique, le problème des machines-outils doit être posé afin qu’il soit fait plus largement appel à des usines de production situées en France.

Christian PIERRET, Secrétaire d’Etat à l’Industrie de 1997 à 2002(…) Le véritable enjeu consiste à encourager l’investissement dans les PME-PMI par une politique fiscale adéquate. En matière d’incitation, la stratégie de l’Etat peut être beaucoup plus offensive.

Le coût du travail, en France et en Allemagne, s’avère assez proche. L’enjeu essentiel est plutôt la capacité d’induire de l’innovation dans la production, de rassembler les secteurs dans une véritable politique commune et de mobiliser des cohortes de PMI et d’entreprise intermédiires derrière les grandes entreprises.

Christian PIERRET : L’objectif essentiel consiste à dépasser l’obstacle du coût du travail par le biais de l’innovation.En France, 4 500 business angels soutiennent 350 entreprises par an, investissant 100 millions d’euros par an dans le capital risque. A titre de comparaison, aux Etats-Unis, les business angels investissent 25 milliards de dollars en faveur de 50 000 entreprises.

Il faut se battre pour que soient maintenues un certain nombre d’incitations fiscales favorisant l’investissement dans les PME-PMI.

Et surtout, la mentalité des pouvoirs publics, des chefs d’entreprise et même des enseignants à l’égard de l’industrie doit évoluer. Il est regrettable que, dans la mentalité française, le métier de chaudronnier ne soit pas considéré comme noble. Au contraire, l’industrie est un secteur noble. Quel que soit le gouvernement, elle doit être une priorité. A défaut, la France, grand pays industriel depuis trois siècles, connaîtra de graves difficultés structurelles.

Christian ESTROSI(…) Je constate le retour en France de nombreuses entreprises comme Rossignol ou Atoll. Après une délocalisation en Chine et en Inde, la fonderie Loiselet s’est installée dans l’Oise en misant sur la modernisation de son outil de production et sur la robotisation. Elle a bénéficié d’une aide du Fonds stratégique d’Investissement à hauteur de 6 millions d’euros, et d’aides bancaires à concurrence de 5 millions d’euros. Cette entreprise démontre que le coût de production de la fonte, en France, peut être inférieur à celui de la Chine

Christian PIERRET : La Banque nationale pour l’Industrie aura pour cœur le FSI. La création d’un commissariat général à la compétitivité peut permettre de rassembler des organismes nombreux, dont OSEO ou le FSI. Enfin, la hausse de la TVA, prévue par le gouvernement précédent, ne sera pas appliquée.(…)

L’Etat ne peut agir sur la taille des entreprises. Il leur appartient de se gérer elles-mêmes et de conclure des alliances pour se développer, quitte à renforcer leur coordination. L’attaque contre les centres techniques a d’ailleurs constitué une grave erreur. Lorsqu’une profession peut dialoguer, mieux se connaître et devenir plus représentative vis-à-vis des pouvoirs publics, elle obtient de bons résultats.

Jean-Camille URING : En France, seuls 28 % des investissements productifs sont des investissements de modernisation. En Allemagne, les entreprises sont plus focalisées sur les technologies de production et sur leurs marges. Au total, elle défend ses moyens de production plus efficacement que la France.

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