Les enjeux du Made in France

Le nombre d’entreprises qui fabriquent leurs produits en France et le font savoir explose. Pour accompagner et amplifier le phénomène, des labels tels que « Origine France Garantie » et « Entreprise du Patrimoine Vivant » ont même été créés, synonymes de qualité et d’excellence, d’implication sociale et environnementale. Les spécialistes de la filière électrique et de l’outillage sont-ils impliqués et motivés ? Electricien+ a mené l’enquête…

« Un consommateur n’achète pas un produit uniquement parce qu’il est fabriqué en France. En revanche, s’il s’agit d’un bon produit et qu’en plus il est “made in France”, il en retire une certaine satisfaction, considérée comme un acte citoyen. »

Yves Antier, directeur général de Stanley Black & Decker

Le Made in France fait vendre, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à l’avoir compris. Si le phénomène commence à être perceptible dans le secteur électrique, il est apparu voilà déjà quelques années dans l’industrie textile, où les marques et produits aux couleurs bleu-blanc-rouge se sont multipliés. « Entre 2011 et 2015, le nombre de produits que nous avons labellisés a été multiplié par quatre, nous en dénombrons aujourd’hui 15 millions », assurait en 2016 au Figaro Cyrielle François, porte-parole de France Terre Textile, un label qui met en avant le savoir-faire textile français et assure les consommateurs que les vêtements sont manufacturés au minimum à 75 % sur le territoire national. Les consommateurs seraient, en effet, bien plus sensibles à l’argument que par le passé. En 2015, selon l’Ifop, 70 % des Français se disaient prêts à payer entre 5 et 10 % plus cher pour un produit made in France. Un an plus tôt, ils n’étaient qu’un sur deux à s’intéresser à l’origine française, et à peine 39 % en 1997, selon le Credoc.

©Meljac

Au-delà de l’achat patriote, la fabrication française évoque une notion qualitative, et un engagement environnemental et social qui motivent. Créée en 2010, l’association Pro France surfe sur la vague et valorise les produits à travers son label « Origine France Garantie ». Dans une démarche volontaire des entreprises, le label s’obtient après une validation par l’un des organismes certificateurs, dont Bureau Veritas et l’Afnor, qui s’assurent qu’un minimum de 50 % du prix de revient unitaire est français, et que le produit prend ses caractéristiques essentielles (production, fabrication, transformation) en France. Un audit confirme chaque année la conformité initiale. Le label, plus exigeant que la simple mention Made in France, offre une forme de traçabilité et valorise les entreprises qui maintiennent ou relocalisent leur production sur le sol national.

Ce label, Diagral l’affiche sur certains de ses produits pour affirmer une qualité et un savoir-faire. Spécialiste des systèmes d’alarme sans fil en grandes surfaces de bricolage, Diagral est le premier fabricant de sa catégorie à avoir obtenu le label Origine France Garantie, qui donne « la certitude que les produits sont conçus et fabriqués en France, sur nos sites de production près de Grenoble, Annecy et Saverne », explique la marque.

Qualité, fiabilité et design réussi sont également mis en avant par Insafe. « Nous nous adressons très souvent au client final. Être labellisé Origine Garantie France nous permet de nous démarquer et de rassurer l’acheteur », explique Frank Gréard, qui dirige la PME Nexelec et commercialise des détecteurs autonomes de fumée sous la marque Insafe. Créée en 2009, Nexelec conçoit, fabrique et distribue des capteurs destinés à l’analyse de l’air au sens large : détection de fumée, détection de monoxyde de carbone, gaz, qualité d’air. Son approche multi-capteurs et un beau design personnalisable aident la gamme Insafe à faire la différence.

©Nexelec

D’autres entreprises souhaitent mettre en avant l’excellence à la française avec l’obtention du label « Entreprise du Patrimoine Vivant », décerné pour l’État par les services du ministère de l’Économie et des Finances. Ce label EPV est une référence pour les consommateurs, clients et prescripteurs, qui souhaitent l’intervention d’un professionnel reconnu pour son respect du métier et son aptitude à l’exception. Très stricte, la labellisation récompense une entreprise dont l’activité se mêle souvent étroitement avec l’histoire d’un métier ou d’un territoire. Créé en 2005, le précieux label a déjà été accordé à quelque 1 300 entreprises, dont Meljac, fabricant français d’appareillage électrique haut de gamme. Interrupteurs, prises de courant, multiprises ou commandes domotiques… tous les produits de Meljac évoquent le luxe, magnifiés par des matériaux nobles et un savoir-faire minutieux.

« Pour faire un produit de qualité, il faut des valeurs, une histoire, explique Jean-Michel Lagarde, directeur général de Meljac. Dans le projet d’André Bousquet, le créateur de cette maison, il y a d’abord une fierté de produire en France. Mais également un intérêt économique, car c’est un vrai gage de qualité. Pour être capable de produire ce que l’on fait, il faut une grande proximité avec ses équipes, les emmener dans un projet. On est sur du très haut de gamme. On ne va pas aller sur des produits où il y a trop de concurrence, de prix. Et on évite d’aller se perdre sur d’énormes volumes, parce qu’on sait qu’on serait obligé de faire quelque chose contre nature pour nous. Nous, nous justifions le prix par une vraie valeur ajoutée. » Cette philosophie d’entreprise conduit d’ailleurs la marque à privilégier également les fournisseurs français chaque fois que possible, par exemple avec le laiton massif et la porcelaine de Limoges.

©Meljac

Pour cultiver son image d’excellence et de luxe, Meljac a finalement préféré sortir de la grande distribution pour déployer son propre réseau, qui s’étend hors de nos frontières. « Il faut d’autres valeurs, juge Jean-Michel Lagarde. À l’étranger, la qualité française se vend bien. Nous faisons venir nos revendeurs étrangers à l’usine, en France, pour qu’ils voient que chaque plaque Meljac a été traitée une par une à la main, et par plusieurs personnes. Nous sommes en permanence entre les frontières industrielles et artisanales, car il faut quand même des process et une qualité égale. »

Être réactif, s’adapter et rassurer

Pour le consommateur, si le « Fabriqué en France » répond à l’envie de s’offrir un meilleur produit et de donner un sens à l’acte d’achat, en soutenant l’économie nationale, c’est également une mention rassurante pour bénéficier d’une norme NF et d’un service après-vente de qualité. Le fabricant, lui, y gagne la possibilité de modifier rapidement un nouveau produit en fonction des retours terrain. Christian Petisne, directeur des ventes de Fenotek, énumère les multiples motivations de la jeune entreprise française, qui conçoit des interphones vidéo connectés : « Nous pensions que dans un domaine où il y a beaucoup de produits asiatiques de qualité moyenne, le Made in France serait un atout pour la commercialisation, et c’est bien le cas, dans le BtoC notamment, où les enseignes sont à la recherche d’éléments différenciants. C’est une image qu’elles essaient de booster. De notre côté, notre produit a été conçu de façon a être intégré assez facilement, la part de la main d’œuvre est donc relativement réduite. C’est un produit technologique en début de vie, nous voulions également être sûrs d’en maîtriser la qualité et d’être proches de la fabrication. Ce sont des éléments clés pour nous et c’est la démarche la plus sensée. »

Roger Leclerc, PDG de Cogelec Vendee Credit

Chiffre : +17% de croissance sur 1 an
Pour Roger Leclerc, prĂ©sident-directeur gĂ©nĂ©ral de Cogelec et Intratone, est fabricant français de matĂ©riel d’interphonie et de contrĂ´le d’accès pour les immeubles collectifs et les maisons individuelles basĂ© en VendĂ©e, Ă  Mortagne-sur-Sèvre. « Fabriquer en France est synonyme de rĂ©activitĂ© et de proximitĂ© avec nos clients. Cogelec est le seul fabricant 100% français de produits d’interphonie et de contrĂ´le d’accès. Nous dĂ©veloppons des liens durables avec nos clients, fondĂ©s sur la disponibilitĂ© et la rĂ©activitĂ©, un service personnalisé d’assistance technique et une gamme de produits fiables et novateurs. Et ce n’est pas un vain mot puisque notre objectif d’ici 2021 est de tripler le chiffre d’affaires pour atteindre 90 M€ en entrant en bourse cet Ă©tĂ© », prĂ©cise Roger Leclerc. Parmi les premières mondiales d’Intratone, on compte l’interphone VISIO 3G en 2009, et le premier module de communication 3G-IP 100 % vidĂ©o en 2015. Notre entreprise emploie 170 personnes et rĂ©alise un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros.

©Fenotek

Quant aux installateurs qui misent sur la solution Fenotek, eux aussi ont tout à y gagner. « Lorsqu’on leur dit que c’est fabriqué en France, poursuit Christian Petisne, ils apprécient la qualité et le fait que l’assistance client soit assurée sur place. Les personnes de notre assistance répondent, en effet, rapidement à plus de 80 % des questions. Mais si la demande devient très technique, les équipes de développement sont juste à côté, donc c’est un fonctionnement idéal. »

L’Ébénoïd, filiale d’ABB et fabricant de luminaires et d’accessoires d’éclairage, y ajoute un autre avantage pour l’entreprise : être réactif pour mieux s’adapter. Le bureau d’études de L’Ébénoïd qui conçoit les luminaires se trouve à Saint-Priest, tout près de Lyon, et l’un des deux sites de production est basé à Vernosc-lès-Annonay, en Ardèche. Le dernier-né des hublots de la marque a d’ailleurs été baptisé Vernosc, en hommage à la ville où il est fabriqué. « C’est une démarche historique chez L’Ébénoïd, confie le chef de produits Fabien Vezolle, les produits à forte valeur ajoutée et les produits automatisés sont fabriqués en France. L’un des principaux avantages est de pouvoir s’adapter à la demande. En tant qu’acteur majeur dans le domaine de l’éclairage professionnel, on est, bien sûr, sur des produits de volume. Mais on est aussi capable de vendre quasiment à l’unité en fonction des besoins de réassort d’un client. »

©Stanley

Tous gardent pourtant la tête sur les épaules et le disent franchement : produire en France n’est pas envisageable pour tous les produits. Quand le client achète « des prix », impossible de rivaliser avec l’étranger. Philippe Bonduelle, président de Decelect, le résume ainsi : « En France, les clients professionnels, notamment les grands groupes, regardent quand même le prix d’abord, il n’y a pas un état d’esprit comme en Allemagne… » Pour s’adapter à la mondialisation tout en conservant sa réactivité, Decelect s’appuie donc sur des usines à Soissons, Besançon, mais aussi en Tunisie et Chine. « Une production en France permet de conserver le savoir-faire, analyse Philippe Bonduelle, et une usine française est une vitrine quand les clients nous rendent visite. Se doter de moyens de production à l’extérieur nous permet d’adresser des marchés de plus gros volumes, à faible coût. Aujourd’hui, on peut donc répondre à des appels d’offres sur de petits volumes fabriqués en France et livrés rapidement, jusqu’au grand volume, avec la même qualité, les mêmes matériaux… Toutes les mises au point de nouveaux produits sont cependant réalisées en France, et on ne transfère en Tunisie ou en Chine que s’il y a beaucoup de main d’œuvre. Sinon, de plus en plus, on fabrique en France, en particulier les séries de quelques centaines de pièces. » Pour Stanley, « cette stratégie de relocalisation est un succès et a permis une réelle évolution commerciale ces dernières années », estime Martial Devaux, directeur de l’usine de Besançon. D’ailleurs, lors du salon Batimat une série d’outils collector bleu-blanc-rouge a même été dévoilée.

©Fenotek

On le voit, sans forcément faire la démarche d’être labellisées, les entreprises agissent par conviction. Loin d’être purement marketing, les motivations des partisans du Made in France répondent à des logiques de production, de recherche d’excellence sur des réalisations parfois hautement technologiques, de suivi des produits et de services rendus aux clients. Sans oublier ce sentiment que tous expriment avec retenue : un attachement personnel à la fabrication française. Une fierté.

 


Quelques entreprises qui produisent en France  

Airélec
L’entreprise du groupe Muller fabrique dans l’Oise des radiateurs électriques, chauffe-serviettes, sèche-mains, sèche-cheveux, etc.

Airwell
Fabricant de climatiseurs et de pompes à chaleur pour le résidentiel, le tertiaire et l’industrie. En plus de ses deux usines de Normandie et de Charentes-Maritimes, cette entreprise française (qui appartient désormais au Suédois Systemair) possède également des sites de production en Chine, en Italie et en Israël.

Aldes
Fabrication de matériel d’aération sur quatre sites industriels en France, en Alsace, en Île-de-France et dans le Rhône.

Atlantic
Cela fait près d’un demi-siècle que l’entreprise Atlantic conçoit et fabrique une large gamme d’appareils (radiateurs électriques, chauffe-eau, sèche-serviettes, climatisations…), épaulés par ses 3 500 collaborateurs répartis sur dix sites industriels en France. L’entreprise, qui regroupe notamment les marques Atlantic, Thermor, et Sauter, possède également des usines à l’étranger, notamment en Égypte et en Ukraine, chargées de fournir les marchés locaux.

CIAT
Le fabricant de climatiseurs, pompes à chaleur, etc., pour l’industrie et les particuliers possède cinq sites de production en France (Ain, Alpes-Maritimes, Orne, Savoie) et quatre à l’étranger (Chine, Espagne, Inde et Italie).

Campa
Rattaché au groupe Muller, le fabricant de radiateurs électriques et autres chauffe-serviettes est implanté dans la Marne.

Deltadore
Delta Dore dispose d’un parc de production de pointe et modulable (machines CMS, vague de soudure ROHS, machines de vision, test In Situ…) permettant une maîtrise des coûts, une adaptabilité aux petites comme aux grandes quantités, et une régularité de la qualité. Avec plus de 4 millions d’unités produites sur ses deux sites de production (1 200 références), Delta Dore est un leader européen dans le domaine du confort et des économies d’énergie. Son usine de Bonnemain est spécialisée dans les petites et moyennes séries.

Facom
L’entreprise, qui vient de fêter ses 100 ans, continue à fabriquer en France et propose aux professionnels des outils fiables pensés pour faciliter leurs travaux. Les pinces de la marque sont par exemple fabriquées sur le site industriel du Doubs.

Lifebox
Spécialiste français de la sécurité domestique avec des détecteurs et avertisseurs autonomes de fumée, Lifebox conçoit et fabrique en France une grande majorité de ses produits grâce à deux 2 implantations industrielles dans l’Aisne et la Seine-Maritime. Lifebox s’est vu décerner le label France Origine Garantie en 2014.

Noirot
La marque du groupe Muller, elle aussi spécialiste du radiateur électrique, du sèche-serviette et du sèche-mains, possède un site de fabrication implanté à Laon.

Photowatt
Le fabricant français conçoit et produit des modules photovoltaïques à base de silicium, en intégrant la fabrication de tous les composants : lingots, wafers, cellules. Ses modules photovoltaïques ont trois fois moins de carbone que les modules asiatiques et sont fabriqués à partir de cellules françaises, générant 20 % de carbone en moins comparés aux modules allemands.

Rothelec
Fabricant de chauffages (solaires notamment) et de radiateurs électriques. Plus de 90 % des appareils sont Made in France, et des centaines de références disposent du label Origine France Garantie.

Silec Cable
La fibre Silec Cable, fabriquée en Seine-et-Marne, est exportée dans le monde entier ! L’entreprise conçoit, fabrique et commercialise des câbles à fibres optiques à Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne) depuis le début des années 90. Son offre est très large, des lignes à très haute tension jusqu’à l’alimentation des véhicules électriques. L’usine de Montereau est le centre mondial de recherche du groupe industriel.

Stanley Black & Decker
Il y a trois ans, Stanley a décidé de fabriquer à proximité de ses marchés pour fluidifier les livraisons et minimiser le transport. La France représente le deuxième plus gros marché du groupe pour l’outillage, il était donc important de le servir avec des usines locales. Depuis fin 2017, l’ensemble des mètres rubans de largeur 32 mm distribués dans le monde sont par exemple fabriqués à Besançon.

 

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