NF C 15-100 : Une mise à jour pour répondre aux nouveaux usages électriques

Après plus de deux décennies sans mise à jour majeure, la norme NF C 15-100 évolue en profondeur pour s’adapter aux nouveaux besoins du secteur électrique. Publiée en 2024 et applicable obligatoirement à partir d’août prochain, cette nouvelle version, dont l’architecture a été totalement repensée, intègre de nouveaux usages électriques et des avancées technologiques, et prend également en compte les enjeux environnementaux au travers de l’efficacité énergétique. Fruit de dix années de concertation entre les acteurs du secteur, cette refonte marque une étape clé pour les installations électriques en basse tension, qu’elles soient résidentielles, tertiaires ou industrielles.

La mise à jour de la NF C 15-100 a pour objectif de prendre en compte les nouveaux usages électriques et les nouvelles charges qui impactent le bâtiment. Cette norme n’a pas été révisée depuis 22 ans, la précédente version datant de 2002. Cinq amendements avaient été apportés entre 2008 et 2015, introduisant des mises à jour sur toutes les parties de la norme. En France, la commission Afnor U 15 « installations électriques à basse tension » avait pour rôle d’adapter les dispositions internationales et européennes au marché français.

Retour sur le processus de normalisation

Angélique Branton, responsable Infrastructure électrique – Évacuation et mise à l’abri des personnes chez Ignes, membre de la commission de normalisation Afnor U 15 « installations électriques à basse tension » et de ses groupes de travail.

Il y a 10 ans, la commission Afnor U 15 a décidé de réviser la norme NF C 15-100 pour prendre en compte les évolutions normatives et technologiques. Elle oriente les travaux des groupes de travail et définit les priorités des sujets à traiter, notamment en fonction des documents d’harmonisation du Comité européen de normalisation en électronique et en électrotechnique (Cenelec) qui sont publiés. Chaque partie de la norme a donc été confiée à un groupe de travail. Leur rôle était d’étudier les textes existants, les textes européens et internationaux ainsi que les nouveautés réglementaires françaises. Après la rédaction de la norme par les différents groupes de travail, la commission Afnor U 15 a validé l’ensemble du texte, qui a été soumis à une enquête publique courant 2023. « Nous avons reçu plus de 1 200 commentaires, que nous avons examinés un à un pour les intégrer à la version finale lorsqu’ils faisaient consensus », explique Angélique Branton, responsable Infrastructure électrique – Évacuation et mise à l’abri des personnes chez Ignes, membre de la commission de normalisation Afnor U 15 « installations électriques à basse tension » et de ses groupes de travail.

Bernard Gioan, installateur électricien, chef de file de la FFIE pour la NF C 15-100 et membre de la commission de normalisation Afnor U 15 « installations électriques à basse tension ».

Le collège d’intervenants est regroupé au sein de l’Afnor et comprend les installateurs, les bureaux de contrôle, l’Ignes, le Gimelec et les acteurs économiques de l’électrotechnique. « L’élaboration de la NF C 15-100 a nécessité 8 années de travail très complexe, avec des échanges âpres entre les différentes parties en présence », explique Bernard Gioan, installateur électricien, chef de file de la FFIE pour la NF C 15-100 et membre de la commission de normalisation Afnor U 15 « installations électriques à basse tension ».

Des changements importants dans la forme
La première évolution notable vient de l’architecture de la norme. Dans la précédente version de la norme de 2002, la NF C 15-100 était une norme unique. Dans la nouvelle version, il s’agit d’une série de normes, avec chacune sa référence. « Les différentes normes dédiées, usuellement appelées « Parties 7″ sont à lire en conjonction avec la norme de base NF C 15-100-1 », explique Angélique Branton. La NF C 15-100-1 définit les exigences générales, applicables à tous types d’installations électriques, répertoriées dans les titres 1 à 6. La série 7 (NF C 15-100-7-7xx) regroupe 17 normes applicatives, dédiées aux locaux ou aux emplacements spéciaux. « Le fait d’avoir séparé cette série de normes nous permet de réviser les textes indépendamment », explique Bernard Gioan. Le titre 8 (NF C 15-100-8-1) se focalise sur la performance énergétique, avec un ensemble de recommandations techniques. Le titre 10 (NF C 15-100-10) concerne les locaux d’habitation, pour lesquels les changements sont très minimes. Enfin, le titre 11 (NF C 15-100-11) fixe les règles pour les réseaux de communication des bâtiments d’habitation.

Un socle commun : NF C 15-100-1
La NF C 15-100-1 fixe les règles applicables à tous types d’installations électriques. Globalement, la nouvelle version de la NF C 15-100 adapte le niveau de sécurité requis aux nouvelles exigences, ce qui constitue le scope principal de la norme. Le premier sujet concerne la sécurité du bâtiment, notamment avec l’introduction des Euroclasses de câbles, pour renforcer la protection contre la diffusion et la nocivité des incendies. « Ce sujet a toujours existé, mais a pris une grande importance ces dernières années », ajoute Bernard Gioan. Pour les installateurs, la tendance générale est de les protéger au maximum pour limiter leur responsabilité personnelle en cas de sinistre. D’ailleurs, le législateur s’est emparé du sujet incendie, puisqu’au 23 mai 2025, les câbles R2V(c2) seront remplacés par les câbles Cca-s2, d2, a2 pour les établissements recevant du public (ERP) toutes catégories et dans les immeubles de grande hauteur (IGH).

D’autre part, plusieurs changements notables sont à souligner. Le premier concerne les DPDA (dispositifs de protection contre les défauts d’arc), qui sont recommandés par la norme, notamment pour la protection des circuits « prises de courant » dans des lieux critiques. Ils permettent de surveiller en continu de nombreux paramètres électriques du circuit qu’ils protègent. En présence d’arcs électriques dangereux, les protecteurs d’arcs mettent en sécurité la partie de l’installation électrique concernée afin de réduire les risques d’incendie. Les principaux défauts pouvant générer des arcs dangereux restent les câbles entaillés ou rongés et les prises électriques en mauvais état. Il est également recommandé d’installer un protecteur d’arc sur le circuit de la VMC, cet équipement fonctionnant en permanence.

Le deuxième changement notable concerne les DDR (dispositifs différentiels résiduels) de type F, qui complètent la gamme existante. Ils garantissent un niveau de protection au moins égal à celui de type A. Ils sont exigés pour la protection des personnes en tête des circuits alimentant des équipements avec variateur de vitesse monophasé, que ce soit en résidentiel, tertiaire ou industrie : pompes de piscine, climatisation, pompe à chaleur…

Troisième modification importante, la protection foudre. Pour le tertiaire et l’industrie, l’ensemble de la méthodologie a été revue pour se baser sur les évolutions méthodologiques des normes européennes et internationales. Si le bâtiment répond à l’un des 7 critères définis dans la norme, l’installation d’un parafoudre principal à l’origine de l’installation basse tension et du réseau de communication est obligatoire :
– conséquences sur la vie humaine (service de sécurité, hôpitaux…) ;
– conséquences sur le service public ou le patrimoine (services publics, centre de communication, musées, monuments…) ;
– conséquences économiques sur l’activité commerciale et industrielle (usines, hôtels, banques, centres commerciaux, fermes…) ;
– conséquences sur la présence d’un nombre important de personnes (ERP, bureaux, bâtiments scolaires) ;
– conséquences sur la sûreté de fonctionnement (contrôle d’accès, vidéosurveillance, incendie) ;
– si un paratonnerre protège l’installation ;
– structures avec risque d’explosion (ICPE).

Si le bâtiment ne rentre pas dans les critères définis par la norme, le gestionnaire doit soit se soumettre à une analyse de risque simplifiée, soit installer un parafoudre à l’entrée de l’installation.

La NF C 15-100-1 introduit également la notion de parafoudre supplémentaire, à installer au plus près des équipements à protéger. Il doit être installé si le parafoudre principal a un niveau de protection trop élevé ou si le bâtiment est soumis à des surtensions de manœuvre. Si l’équipement à protéger est situé à plus de 10 mètres du parafoudre principal, il est recommandé d’installer un parafoudre supplémentaire.

Côté habitat, un seul changement notable est à mentionner et concerne le positionnement des parafoudres supplémentaires à installer au plus près des équipements. La distance a été raccourcie de 30 mètres à 10 mètres. Les circuits de communication raccordés à un réseau extérieur en cuivre doivent également être protégés, à partir du moment où un parafoudre est mis en œuvre sur l’installation électrique à basse tension.

Pour les luminaires et installations d’éclairage, regroupés dans l’article 559, la NF C 15-100-1 reprend un certain nombre de guides (UTE) sur les luminaires et les installations d’éclairage séparés de la norme jusqu’ici. « L’objectif était de reclarifier les règles des différents guides, notamment par la création d’un volume technique autour du luminaire pour éviter la propagation d’incendies, en rendant obligatoire l’ajout d’un capot de protection entre le spot et l’isolant si le luminaire n’est pas prévu pour être recouvert par de l’isolant (§ 559.4) », explique Bernard Gioan. Un volet apporte des indications supplémentaires, notamment sur les règles de fixation des luminaires au plafond, l’ajout obligatoire d’une boîte d’encastrement en bout de ligne pour les canalisations noyées ou encastrées et revoit les règles particulières pour la très basse tension de sécurité (TBTS), en définissant l’ampérage par section.

IRVE : NF C 15 100-7-722
Cette norme remplace le guide pratique UTE C15-722 qui datait de juillet 2012. Elle définit les exigences pour le raccordement des IRVE (infrastructures de recharge de véhicules électriques), lorsqu’elles sont alimentées par un bâtiment quel qu’il soit. « Cette nouvelle norme est notamment l’occasion de reposer le vocabulaire et de préciser les exigences en matière de raccordement d’IRVE », précise Angélique Branton.

Au-delà de la sémantique, la NF C 15 100-7-722 fixe un certain nombre d’obligations. Premièrement, les IRVE doivent être raccordées via un circuit spécialisé. Deuxièmement, chaque point de recharge doit être protégé individuellement avec un DDR (dispositif différentiel résiduel) de 30 mA. Cela permet d’éviter qu’un point de recharge dysfonctionnel rende inutilisable l’ensemble des IRVE de l’installation, dans une logique de continuité de service. Ensuite, pour les bornes à courant réglable –par l’installateur –, la norme définit le dimensionnement des câbles et des protections. Enfin, la norme maintient l’obligation de présence d’obturateurs pour la recharge normale et la recommande pour la recharge rapide.

Côté câblage, le dimensionnement des câbles a été revu, avec un nouveau tableau de câbles (52.1A et 52.1B) reprenant les Euroclasses, qui modifie les appellations des câbles et les tableaux 52.3A et 52.3B précisant également les normes et les conditions d’influence externes. Les modes de pose ont été harmonisés et ont été regroupés par méthode de référence. Pour chaque méthode, les électriciens doivent se référer à de nouveaux tableaux de courants admissibles. Donc nouvelle numérotation des modes de pose et nouvelles méthodes de référence d’installations. Les hauteurs sur les modes de pose évoluent sur les dispositifs de constructions, mais aussi pour les installations sur tablettes chemins de câbles.  Les logiciels de calculs devront donc être mis à jour.

Couverture du guide d’application de la norme NF C 15-100 de l’Afnor. © Afnor Éditions

Efficacité énergétique : NF C 15 100-8-1
L’efficacité énergétique est une nouveauté importante de la série NF C 15-100, mais reste pour le moment au stade des recommandations. «  L’objectif est de poser les bases pour conjuguer efficacité énergétique et sécurité, en conception et en exploitation », explique Angélique Branton. Cette norme est applicable à tous les types de bâtiments, neufs et existants, et repose sur le principe d’amélioration continue. La norme fournit une échelle pour positionner son installation en matière d’efficacité énergétique.

La norme s’articule autour de 3 principes généraux. Le premier concerne la réduction des pertes d’énergie dans l’installation électrique.

Dans cette optique, la norme propose notamment la méthode du barycentre : les transformateurs et les tableaux de distribution doivent être positionnés au plus proche des fortes charges.

Le second principe vise à favoriser l’utilisation de l’énergie au bon moment, selon les besoins. Par exemple, pour les bâtiments tertiaires, elle recommande de créer plusieurs circuits par espace, pour gérer et piloter les usages. Elle intègre la notion de maille, autrement dit des usages qui fonctionnent en même temps à un instant T. « La répartition des circuits ne suffit pas. Il faut un gestionnaire d’énergie pour piloter l’utilisation de l’énergie en fonction des sources disponibles, des charges à alimenter, des besoins de l’utilisateur, des données d’environnement… », poursuit Angélique Branton. Enfin, le dernier volet concerne le maintien et l’amélioration des performances de l’installation, via la mesure des consommations d’énergie aux échelles pertinentes. L’application de cette norme contribue à répondre aux obligations des décrets BACS et tertiaire.

Installations photovoltaïques : NF  C   15-100-1 et NF C 15-100-10
La norme apporte des évolutions mineures sur les installations solaires, qui font partie des prochains travaux de révision. La principale modification concerne le raccordement d’une nouvelle source d’électricité en amont du tableau électrique. Le dimensionnement de ce dernier tient désormais compte de la puissance fournie par le réseau public de distribution et par la production locale.

Enfin, pour les générateurs raccordés via une prise de courant, la NF  C  15-100-1 a repris les exigences des groupes de normalisation européens et internationaux, qui proscrivent le branchement de ces générateurs sur un circuit terminal par l’intermédiaire d’un socle de prise de courant.  Pour raccorder un générateur en toute sécurité, il est important de suivre les mesures figurant dans la NF  C  15-100-1 ou les règles applicables aux installations photovoltaïques (documents normatifs de la série C 15-712). Des discussions normatives se poursuivent concernant les modes de raccordement des générateurs aux installations électriques fixes.

Entrée en vigueur
Le normalisateur a prévu un délai de 1 an entre la publication et l’application obligatoire fixée à août 2025. Tous les projets dont les dépôts de permis de construire ont été effectués avant août 2025 peuvent se conformer à l’ancienne norme. Pour ceux déposés après août 2025, ils devront se conformer à la nouvelle norme. L’ancienne norme fait également foi pour les textes réglementaires qui citent la NF  C  15-100 de 2002.

Consuel a communiqué sur les référentiels qu’il prendra en compte pour les contrôles. Les deux normes, la version de 2002 et la nouvelle version de la NF  C  15-100 vont coexister pour le moment et s’appliqueront en fonction de la date de dépôt de permis de construire ou de début des travaux de rénovation.

La normalisation est un travail continu, car les commissions poursuivent leurs missions pour faire évoluer la norme en fonction des nouveaux usages, des nouveaux risques… En France, les évolutions sont réalisées progressivement, pour laisser le temps aux installateurs de digérer la norme.

Alexandre Arène