IRVE et domotique : comment tout intégrer intelligemment

Piloter une borne de recharge ne se limite plus à brancher un câble : l’IRVE s’intègre désormais au cœur de la gestion énergétique du bâtiment. Pour les professionnels, maîtriser cette convergence entre recharge, domotique et production solaire devient un atout incontournable, tant pour optimiser la consommation que pour anticiper les nouveaux usages et les contraintes du réseau.

La borne de recharge n’est plus un simple équipement électrique posé au mur. Elle devient une pièce maîtresse de la maison connectée, capable d’optimiser la consommation énergétique, de dialoguer avec les panneaux solaires et de réagir aux variations du réseau électrique. Aujourd’hui, intégrer une IRVE dans un système domotique n’est plus une option réservée aux projets haut de gamme : c’est une nouvelle attente des particuliers comme des entreprises.

Pour les installateurs électriciens et les spécialistes de la maison connectée, cette convergence entre recharge électrique et pilotage intelligent de l’énergie ouvre un nouveau marché. Mais encore faut-il connaître les solutions compatibles, comprendre les protocoles de communication, et savoir proposer aux clients des installations capables d’évoluer avec leurs besoins.

 

Convergence IRVE et domotique : une révolution énergétique en marche

L’évolution rapide des usages électriques dans l’habitat, portée par la montée en puissance du véhicule électrique, bouleverse l’équilibre traditionnel de la gestion énergétique. La borne de recharge, longtemps considérée comme un simple point de charge, s’intègre désormais dans un écosystème global, où elle dialogue avec la production photovoltaïque, le stockage stationnaire, la gestion des charges et la domotique de la maison.
Cette intégration n’est pas un simple effet de mode. Elle répond à des enjeux concrets : la limitation de la puissance souscrite (souvent 12 kVA en monophasé dans 80 % des foyers français), la multiplication des usages énergivores (pompe à chaleur, ballon d’eau chaude, électroménager), et la nécessité d’optimiser l’autoconsommation dans un contexte de hausse des prix de l’énergie.

Schneider Charge est compatible avec l’application Wiser Home pour la gestion complète de l’énergie du logement. © Schneider Electric

 

Protocoles et interopérabilité : la clé d’un écosystème ouvert

La réussite d’un projet IRVE/domotique repose avant tout sur l’interopérabilité des équipements. Les protocoles ouverts comme OCPP (Open Charge Point Protocol), Modbus, Zigbee ou KNX sont devenus incontournables.
Chez ABB, les bornes Terra AC sont compatibles OCPP et Modbus, ce qui permet de les intégrer aussi bien dans des systèmes domotiques résidentiels (via une passerelle Modbus KNX, par exemple) que dans des installations tertiaires ou collectives. Cette ouverture facilite le pilotage à distance, la gestion dynamique de la puissance et la programmation des charges en fonction des besoins et des contraintes du réseau.
Hager, avec sa gamme witty plus et son gestionnaire d’énergie flow, s’appuie sur le protocole OCPP et sur une intégration native avec Domovea (KNX). Schneider Electric, de son côté, propose l’écosystème Wiser, basé sur Zigbee 3.0, mais aussi sur des API ouvertes et une compatibilité croissante avec Matter, facilitant l’intégration dans des environnements multi-constructeurs.

L’arrivée de la solution Unifi EV Station d’Ubiquiti marque une nouvelle étape. La borne s’intègre ici dans l’écosystème réseau Unifi, avec une gestion centralisée, une supervision avancée et une ouverture à l’automatisation via API, MQTT ou OCPP. Cette approche réseau, issue du monde de l’IT, offre une robustesse et une évolutivité particulièrement appréciées dans les environnements professionnels ou résidentiels haut de gamme.

 

Comprendre OCPP, le langage universel de l’IRVE

OCPP (Open Charge Point Protocol) est un protocole ouvert qui standardise la communication entre bornes de recharge et systèmes de gestion. Il permet le pilotage à distance, la supervision, la programmation des charges et l’intégration dans des scénarios domotiques avancés. La majorité des bornes récentes, comme celles d’ABB, Hager, Schneider Electric, Qovoltis ou Ubiquiti, sont compatibles OCPP, garantissant ainsi une interopérabilité maximale et une évolutivité à long terme.

 

Gestion énergétique intelligente : orchestrer la puissance et les usages

Le défi majeur de l’intégration IRVE-domotique reste la gestion dynamique de la puissance. Dans un contexte où la majorité des logements français sont limités à 12 kVA en monophasé, la cohabitation de plusieurs véhicules électriques, d’une pompe à chaleur et d’autres équipements impose un pilotage fin pour éviter tout dépassement de puissance souscrite. C’est en effet un véritable challenge à prendre en compte.

Les solutions ABB Terra AC, Hager witty plus ou Schneider Electric Wiser intègrent nativement des fonctions de délestage automatique. Grâce à la lecture de la TIC (télé-information client) du compteur Linky ou à l’ajout de compteurs d’énergie en tête d’installation, la borne adapte en temps réel sa puissance de charge en fonction de la consommation globale du logement.
SolarEdge va encore plus loin avec son architecture DC-coupled : la borne bidirectionnelle permet une charge rapide jusqu’à 24 kW, en puisant simultanément dans le photovoltaïque, la batterie domestique et le réseau, tout en optimisant le coût de l’énergie grâce à des algorithmes intelligents qui tiennent compte des tarifs dynamiques et des prévisions météo.

Chez Qovoltis, la gestion dynamique de la puissance s’accompagne d’une logique de priorisation des véhicules, particulièrement utile dans les parkings d’entreprise ou les copropriétés. L’algorithme répartit la puissance disponible en fonction des horaires de départ et des besoins de chaque utilisateur, tout en garantissant le respect de la puissance souscrite et la maximisation de l’autoconsommation.

On indique l’heure de départ et l’autonomie minimale souhaitée, l’IA du système Wiser optimise automatiquement la mise en charge du véhicule. © Schneider Electric

Autoconsommation, stockage et V2G : vers l’autonomie énergétique

L’intégration de l’IRVE dans un système domotique ouvre la voie à une gestion optimale de l’autoconsommation et du stockage. Les bornes SolarEdge, ABB, Hager ou Qovoltis permettent de privilégier la recharge solaire, avec des modes « solar only » ou « eco mix » qui adaptent la charge en fonction de la production et du coût de l’électricité.

Le stockage stationnaire, via des batteries domestiques, complète cet écosystème, permettant de décaler la consommation vers les périodes de production solaire ou de tarifs avantageux. Mais la véritable révolution vient du V2H (Vehicle-to-Home) et du V2G (Vehicle-to-Grid). La batterie du véhicule devient un réservoir d’énergie pour la maison ou le réseau, avec des perspectives économiques et environnementales majeures.
SolarEdge propose une borne bidirectionnelle capable de charger ou de décharger le véhicule jusqu’à 24 kW, en s’appuyant sur l’intelligence de son système SolarEdge ONE pour optimiser les flux selon les tarifs et la demande réseau. La batterie du véhicule peut ainsi servir de stockage de grande capacité pour le domicile (jusqu’à 50 kWh), assurant la continuité de service lors de pannes ou de délestages, ou générant un revenu complémentaire lors des pics tarifaires grâce à la revente d’énergie au réseau.

Chez Qovoltis, le V2G est déjà une réalité, avec des bornes bidirectionnelles qui permettent non seulement l’autoconsommation, mais aussi la valorisation du stockage mobile du véhicule sur le marché de l’énergie. Selon les modèles et la capacité du véhicule, il est possible de générer jusqu’à une centaine d’euros par an en participant à l’équilibrage du réseau.

Le V2G permet par exemple de charger la journée le surplus de production solaire de l’entreprise dans le véhicule, pour le réinjecter le soir dans le logement. © Qovoltis

 

V2G, V2H, V2L : de nouveaux usages pour la mobilité électrique

Le V2G (Vehicle-to-Grid) permet d’injecter l’énergie stockée dans la batterie du véhicule vers le réseau, générant un revenu complémentaire pour le propriétaire.

Le V2H (Vehicle-to-Home) permet d’alimenter la maison lors des coupures ou des pics de demande, assurant la continuité de service et la résilience énergétique.

Le V2L (Vehicle-to-Load) transforme le véhicule en source d’énergie mobile pour des usages ponctuels (chantier, camping, etc.).
Ces technologies vont se généraliser avec l’arrivée de la norme ISO 15118 et la montée en puissance des véhicules compatibles.

 

Scénarios d’automatisation : la domotique au service de l’énergie

L’intégration domotique permet de créer des scénarios sur mesure, adaptés aux besoins du foyer ou de l’entreprise. Il devient possible de programmer la recharge en fonction des heures creuses, du surplus solaire ou des prévisions météo.
Dans une maison équipée de panneaux solaires, d’une borne witty plus et d’une pompe à chaleur, le gestionnaire d’énergie flow de Hager peut par exemple orchestrer la recharge du véhicule électrique en fonction du surplus de production solaire, tout en évitant les pics de consommation nocturnes liés au chauffe-eau ou au chauffage électrique.
Chez ABB, le gestionnaire SCU200 permet de configurer des scénarios de charge différée, de priorisation et de délestage, y compris en triphasé pour les installations plus puissantes. Schneider Electric, avec Wiser, propose un algorithme intelligent qui planifie dynamiquement la charge du véhicule et du ballon d’eau chaude en fonction des prévisions de production solaire et des habitudes de consommation du foyer.

La solution Unifi EV Station d’Ubiquiti permet, grâce à son intégration réseau, de piloter plusieurs bornes, de prioriser les utilisateurs et d’intégrer la recharge dans des scénarios domotiques complexes, que ce soit pour une maison connectée ou un parking d’entreprise.

 

Intégration avec la production photovoltaïque : maximiser l’autoconsommation

Avec la démocratisation du photovoltaïque ces dernières années, la recharge solaire devient évidemment un argument clé pour les particuliers comme pour les entreprises. Les bornes ABB Terra AC, Hager witty plus, Schneider Electric Wiser ou SolarEdge DC-coupled s’intègrent facilement avec les onduleurs photovoltaïques, permettant de piloter la charge en fonction du surplus disponible.
Dans une PME équipée de panneaux solaires, la borne ABB Terra AC, couplée au gestionnaire d’énergie SCU200, recharge les véhicules de flotte pendant la journée, en priorisant l’autoconsommation et en adaptant la puissance selon la production instantanée et la consommation du bâtiment.
Chez le particulier, la solution SolarEdge permet de charger le véhicule directement en courant continu depuis le photovoltaïque, la batterie domestique et le réseau, avec un rendement optimal et une gestion intelligente du coût de l’énergie.

La borne de recharge devient un élément central de la gestion énergétique. © SolarEdge

 

Unifi EV Station : l’approche réseau appliquée à l’IRVE

L’arrivée d’Ubiquiti sur le marché de l’IRVE avec la solution Unifi EV Station marque une évolution intéressante. Le fabricant est très connu dans le domaine de la gestion réseau pour entreprise. Comme sa solution de vidéosurveillance, c’est donc tout naturellement que cette borne a été pensée dès le départ pour l’intégration réseau, en s’appuyant sur le contrôleur Unifi pour offrir une gestion centralisée de la recharge.
La supervision en temps réel, la gestion de groupes de bornes, la priorisation des utilisateurs et l’automatisation avancée via API ou scripts sont autant de fonctionnalités qui séduisent les gestionnaires de flottes, les copropriétés et les particuliers exigeants.
L’ouverture au protocole OCPP, la compatibilité avec les principaux standards domotiques, et la robustesse du réseau Unifi font de cette solution un choix pertinent pour les environnements où la supervision et l’automatisation sont au cœur des besoins.

La gestion des bornes de recharge Unifi se gère au sein du même logiciel gérant le reste de l’entreprise, avec réseau, vidéosurveillance, accès, etc. © Unifi

 

Les défis pour l’installateur : compétences, formation et conseil

Au vu de ces évolutions, l’installateur IRVE doit aujourd’hui dépasser la simple pose de bornes pour devenir un véritable intégrateur énergétique. Les compétences requises incluent la maîtrise des protocoles de communication (OCPP, Modbus, Zigbee, KNX, etc.), la connaissance des systèmes domotiques (KNX, Domovea, Wiser, Jeedom, Home Assistant, etc.), la capacité à dimensionner une installation en fonction des usages, de la production photovoltaïque, du stockage et des contraintes réseau, ainsi qu’un savoir-faire en automatisation et scénarisation avancée.

La certification IRVE reste bien sûr indispensable, mais la maîtrise du pilotage énergétique, de la gestion de l’autoconsommation et de l’intégration domotique devient un atout différenciant pour proposer des solutions évolutives et adaptées aux besoins des clients.
L’installateur doit également être en mesure de conseiller ses clients sur le dimensionnement des installations, l’opportunité de passer en triphasé pour les foyers multi-VE, et l’intégration de solutions de stockage ou de V2G/V2H pour maximiser l’autonomie et la résilience énergétique du bâtiment.

 

Innovations et perspectives : l’IRVE au cœur de la transition énergétique

L’intégration IRVE/domotique va connaître une accélération majeure dans les prochaines années. La généralisation des bornes bidirectionnelles (V2H, V2G), l’arrivée de la norme ISO 15118 pour une communication native entre véhicules, bornes et systèmes domotiques, et le développement de l’intelligence artificielle pour l’optimisation dynamique des flux énergétiques sont autant de tendances qui vont transformer le métier d’installateur.

Les fabricants comme SolarEdge, ABB, Hager, Schneider Electric, Legrand, Qovoltis et Ubiquiti innovent en permanence pour offrir des solutions ouvertes, intelligentes et évolutives, capables de répondre aux défis de la transition énergétique et de l’électrification massive des usages.
La baisse du prix des batteries, la montée en puissance des tarifs dynamiques et la valorisation de la flexibilité énergétique vont renforcer l’intérêt pour des architectures intégrées, où la borne de recharge devient le pivot d’un écosystème énergétique local, piloté intelligemment au service de l’autonomie, de la sobriété et de la résilience.

 

L’avis d’Électricien+

L’intégration intelligente des IRVE dans la domotique marque une rupture profonde dans la gestion énergétique des bâtiments. La borne de recharge devient le pivot d’un écosystème où chaque kilowattheure compte, où l’automatisation et la supervision prennent le pas sur la simple consommation, et où le véhicule électrique s’affirme comme un acteur central de la transition énergétique.
Pour l’installateur, ce marché représente une formidable opportunité de montée en compétence et de création de valeur, à condition de maîtriser les nouveaux outils, protocoles et scénarios d’usage. Les solutions évoluent vite : SolarEdge avec sa borne DC-coupled bidirectionnelle, ABB et son écosystème Terra AC, Hager avec witty plus et flow, Schneider Electric avec Wiser, Qovoltis et ses bornes V2G, ou encore Ubiquiti avec Unifi EV Station offrent un large éventail de réponses pour tous les besoins, du résidentiel à l’entreprise.

L’avenir s’annonce passionnant, mais exigeant. L’installateur doit devenir un véritable chef d’orchestre de l’énergie, capable d’accompagner ses clients vers l’autonomie, la sobriété et l’intelligence énergétique. Ceux qui sauront s’adapter, se former et proposer des solutions intégrées, ouvertes et évolutives deviendront les acteurs incontournables de la maison connectée et de la mobilité électrique de demain.

 

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