DOSSIER : Des équipements CVCR innovants pour décarboner les bâtiments et l’industrie

Un projet décarboné, labellisé Breeam niveau Excellent. © IDEC Santé

Les sites industriels ont des besoins importants en équipements de chauffage, ventilation, climatisation et réfrigération (CVCR), qui varient selon les bâtiments et les process industriels qu’ils abritent. L’adoption de solutions énergétiquement efficaces est cruciale pour réduire significativement les coûts énergétiques. Au-delà des enjeux énergétiques, l’utilisation d’équipements fonctionnant avec des fluides frigorigènes naturels, plus respectueux de l’environnement, se développe. Dans ce dossier, J3e illustrera diverses solutions de CVCR performantes pour les sites industriels.

Selon un récent sondage mené par OpinionWay* auprès de plus de 1300 décideurs de l’industrie européennes pour Equans, décarbonation et efficacité énergétique sont des objectifs majeurs, et ce, aussi bien pour les grandes entreprises industrielles que les PME et ETI. La grande majorité des industriels, plus de 90 %, considèrent que la décarbonation est aussi compatible avec leur secteur d’activité, quelles que soient leur localisation ou leur taille, et pour 87 % d’entre eux, cette transition est non seulement réalisable grâce à des solutions existantes, mais aussi perçue comme une nécessité pour répondre à l’urgence climatique.

Cependant, bien que la plupart des industries aient engagé une réflexion sur la décarbonation de leurs sites, moins de la moitié ont réellement mis en place des actions concrètes et, en France, un peu plus d’un tiers des entreprises sondées sont dans une mise en œuvre opérationnelle de projets de décarbonation.

Les actions de décarbonation les plus citées incluent l’amélioration de l’efficacité énergétique et la sobriété (57 %), notamment pour les postes les plus gourmands en énergie (process et CVCR), ainsi que la réduction de la consommation d’eau et de matières premières par des pratiques circulaires (52 %).

Le solaire et le stockage sont privilégiés pour remplacer les énergies fossiles (80 %), surtout pour les grandes structures industrielles. Plus de la moitié des entreprises utilisent aussi les pompes à chaleur (PAC) comme levier de leur transition énergétique. Les petites ETI, quant à elles, optent pour une électrification accrue de leurs processus, adaptée à leur taille et à leurs contraintes opérationnelles, avec des approches innovantes et pragmatiques pour réduire et décarboner : optimisation de la gestion de l’énergie avec limitation de l’usage des énergies fossiles, isolation et rénovation thermique des bâtiments, électrification des processus, de la flotte de véhicule.

Le sondage constate que les ambitions sont souvent limitées par le manque de clarté sur les réglementations et les prix de l’électricité, ainsi que par l’absence de solutions simples et de financement. De plus, en France, plus de la moitié des dirigeants pensent que les discours incitant à ralentir la transition nuisent aux efforts de leurs entreprises.

Stéphane Brise, directeur marketing Carrier, ajoute que « l’investissement ne doit pas être un obstacle, car le retour sur investissement peut être rapide, parfois en moins de 3 ans, par exemple lors du remplacement d’une chaudière par une pompe à chaleur. Certains secteurs sont particulièrement dynamiques, comme les datacenters, les réseaux de chaleur et le marché de la décarbonation, où des solutions complètes et innovantes peuvent être proposées, tant pour les nouvelles constructions que pour les installations existantes ».

Il y a une réelle volonté en France de tous les acteurs – exploitants, investisseurs, industriels… – à décarboner et réduire l’empreinte énergétique pour différentes motivations : impact CO2 sur le produit final, économies et sobriété énergétiques, réputation de l’entreprise, sécurité des approvisionnements énergétiques, etc. « Toute la filière industrielle est concernée, tous processus et secteurs d’activité confondus, et les principaux axes sont la diminution des consommations énergétiques, ainsi que la décarbonation, ajoute l’expert de Carrier. Cela implique la mise en place de systèmes comme le free cooling, la récupération d’énergie et l’installation de pompes à chaleur. »

* Sondage Opinionway pour Equans effectué en avril 2025 auprès de 1 336 décideurs industriels européens (France, Royaume-Uni, Belgique, Allemagne, Pays-Bas).

Avis d’expert

Stéphane Brise, directeur marketing Carrier. © Carrier

Quels Fluides frigorigènes efficaces pour les solutions CVCR de l’industrie ?

Stéphane Brise, directeur marketing au sein de Carrier France

« Chaque processus industriel a des besoins uniques en chauffage ou refroidissement, et les solutions sont adaptées en fonction de ces besoins. Elles visent souvent à sécuriser les outils de production, optimiser l’énergie et réduire l’empreinte carbone, ce qui est crucial pour les entreprises. Ainsi, également, en fonction des normes de sécurité, le dimensionnement des installations et l’usage d’un fluide particulier peuvent différer selon leur conception et leurs exigences », introduit Stéphane Brise, de Carrier.

PAC AquaSnap 61AQ en 2 modules – mono ou multibloc -, puissances de 40 à 560 kW. © Carrier

La réglementation actuelle (F-Gaz) et le bon sens incitent nos équipes du centre R&D de Montluel, ainsi que les industriels en général, à utiliser des fluides naturels et des HFO, qui ont un faible potentiel de réchauffement global (PRG). Les fluides naturels ont donc bien sûr le vent en poupe, mais chaque fluide a ses applications spécifiques. « Par exemple, le R290 est très efficace pour les pompes à chaleur à haute température, le CO2 est plus adapté pour les applications à très basse température, et le NH3 est plutôt utilisé pour les applications à condensation par eau, bien qu’il présente des contraintes importantes de dimensionnement et de sécurité avec les technologies actuelles. Pour ce qui est des HFO, le fluide R1234ze est très polyvalent, car il peut être utilisé pour le froid négatif, positif et haute température. Il est particulièrement efficace avec la technologie de compression à vis, poursuit l’expert de Carrier. Le sujet des fluides est donc très important, l’efficacité des chillers et des PAC qui y est associée sont la clé de la décarbonation dans notre secteur ; en effet, environ 80 % des émissions de gaz à effet de serre d’une machine sont émises pendant son fonctionnement, le choix du bon fluide en fonction de son efficacité est donc l’élément clé pour les développements futurs.

Notre dernier produit, l’AquaSnap 61AQ, illustre ces choix. Cette pompe à chaleur combine efficacité énergétique et fluide naturel, utilisant du R290 avec une efficacité saisonnière de 4,2. Elle est idéale pour les marchés du neuf, de la rénovation et la décarbonation des installations », conclut l’expert.


Arnaud Delaunay, responsable développement marché Industrie, Carrier. © Carrier

Chauffage : décarboner en remplaçant les énergies fossiles
« L’un des principaux moyens de décarbonation est de remplacer les énergies fossiles par des énergies renouvelables. C’est tout l’objectif de la PAC haute température 61 AQ que Carrier a lancée en début d’année, et qui a pour vocation de se substituer à des chaudières à énergie fossile », explique Arnaud Delaunay, responsable développement marché Industrie chez Carrier.

Par exemple, sur un site industriel comprenant des ateliers d’environ 21 000 m², des chaudières à gaz de 2 MW sont en place avec une température de départ de 65-75°. Ces chaudières pourraient être complétées par des pompes à chaleur 61 AQ, couvrant jusqu’à 70 % du temps de chauffage, tandis que les chaudières à gaz prendraient en charge le reste. Cette hybridation permet, selon la température extérieure, de couvrir jusqu’à 100 % des besoins de chauffage avec les pompes à chaleur. Si la température extérieure est trop basse, le gaz prend le relais.

Les solutions hybrides, et tout particulièrement mixant énergie gaz et PAC, constituent donc une réponse mature et pertinente par rapport à une solution pure gaz, avec jusqu’à 70 % d’émissions de CO2 en moins par rapport à une ancienne chaudière.


Rénovation industrielle – PAC sur boucle d’eau et chaudière électrique

Pour rappel du dispositif, trop souvent injustement méconnu, une PAC sur boucle d’eau est une PAC Eau-Air qui prend (en mode chauffage) ou rejette (en mode froid) les calories dans une boucle d’eau – constituée de tubes sur lesquels sont raccordées plusieurs PAC.

« Ce système indépendant facilite la gestion des bâtiments avec des besoins variés, comme une façade Nord nécessitant du chauffage tandis que la façade ou les locaux au sud doivent être rafraîchis dès le mois de mars. Il peut aussi répondre à des locaux comme des ateliers ou laboratoires nécessitant un refroidissement constant, alors que d’autres bureaux ou locaux ont besoin de chauffage », détaille Éric Baudry, directeur des Affaires publiques au sein du groupe français intuis.

Les solutions intuis de fortes puissances utilisent le fluide R290. Les PAC sur boucle d’eau fonctionnent au R1234yf. © Intuis

La boucle d’eau est fermée, et l’eau maintenue entre 16 °C et 48 °C, correspondant à la plage de fonctionnement des pompes à chaleur. Ces pompes réchauffent la boucle d’eau en mode refroidissement et la refroidissent en mode chauffage. Lorsque la température approche l’une des limites (16 °C ou 48 °C), la boucle est chauffée ou refroidie pour maintenir l’eau dans une plage acceptable.

« La solution mise en place pour Labosud consiste en des PAC sur boucle d’eau, dénommées UtCi (unités thermodynamiques de confort individuel) qui assurent le chauffage, le refroidissement, le traitement et renouvellement d’air et la récupération d’énergie thermique. La PAC est couplée à une chaudière électrique de 196 kW qui apporte un appoint en cas de grand froid. Sur l’année 2023, l’équilibre a été parfaitement atteint, avec usage de la chaudière électrique d’appoint sur 1,5 jour », poursuit l’expert d’intuis.

Labosud : laboratoire d’analyses avec PAC sur boucle d’eau. © Intuis

 

La PAC sur boucle d’eau s’installe en façade d’un bâtiment et permet de faire gagner un étage tous les 5 étages, car elle ne nécessite pas de faux plafonds. Un gain d’espace très important pour les projets de construction en neuf et de sérieuses économies à la clé avec une solution qui joue un rôle important dans la redistribution des énergies produites en s’adaptant en permanence au besoin de confort du local.


Les exemples se multiplient sur les sites industriels français
« Intuis propose également une pompe à chaleur de forte puissance appelée ZéPAC pour les bâtiments tertiaires ou industriels. Selon les besoins, elle peut offrir des services doubles ou triples, avec des puissances de 17 à 80 kW et une température de départ de 70 °C, permettant généralement de conserver les émetteurs existants. La régulation de la pompe à chaleur prévoit un démarrage progressif des compresseurs pour suivre au mieux la courbe de chauffe du bâtiment », introduit Jean-François Marange, directeur des activités Grand Tertiaire d’intuis.

Jean-François Marange, directeur développement Grand tertiaire, groupe intuis. © Intuis

Les PAC peuvent aussi être cascadées pour atteindre des puissances supérieures pouvant atteindre 1,2 MW.

« Les solutions intuis répondent également à des besoins spécifiques industriels, comme la simple fourniture d’eau chaude pour le dégraissage de pièces de production », poursuit l’expert.

En rénovation, citons également le cas exemplaire du site ABB de Chassieu (Auvergne-Rhône-Alpes) qui réduit sa consommation d’énergie de 61 % et concrétise l’objectif Mission to Zero™ de l’entreprise.

Des résultats qui ont été obtenus grâce au regroupement des opérations usine au sein d’un bâtiment unique, à l’isolation de la toiture, à l’installation d’éclairages led et à l’utilisation d’une électricité verte provenant de sites français de production d’hydroélectricité. Dans un deuxième temps, le site de Chassieu prévoit d’installer un système de gestion des bâtiments, un nouveau système de chauffage électrique en toiture et des systèmes de récupération de chaleur à partir des compresseurs de production et des opérations de laboratoire, afin de réaliser encore davantage d’économies d’énergie.

Les nouvelles constructions sont également concernées. Pour illustration, le projet mené par le Groupe IDEC pour Sisley utilise la géothermie, un système de récupération de chaleur et 1770 panneaux photovoltaïques pour l’autoconsommation sur place. Pour les besoins énergétiques des process non couverts par ces sources, l’utilisation de biogaz est également prévue. Le bâtiment devrait être livré début 2026.


CVC des sites et centrales nucléaires – l’exemple de la centrale britannique de Sizewell C

Sophie Corre, directrice commerciale d’Axima Nucléaire.
Joël Guittard, DG d’Axima Nucléaire.

Quelles sont les spécificités des systèmes de ventilation dans les installations nucléaires ?
« Les systèmes de ventilation sont essentiels à la sécurité et à la sûreté des centrales nucléaires et doivent d’abord assurer un confinement dynamique en contrôlant les cascades de dépression entre zones et locaux critiques. Cela permet de diriger la circulation de l’air pour confiner et surveiller toute contamination près de sa source, empêchant ainsi les particules de se propager et évitant des rejets incontrôlés dans l’environnement, même en cas d’accident grave. Il est donc essentiel de maintenir ces locaux en dépression », explique Joël Guittard, directeur général au sein de l’entité d’Equans France Axima Nucléaire. Les systèmes doivent ensuite offrir un niveau élevé d’isolement et de purification, avec une étanchéité renforcée pour résister à toute défaillance et libération de contaminants. Ils ont également pour mission de garantir l’étanchéité du bâtiment, même dans des conditions dégradées suite à un incident. Chaque équipement est donc unique et complexe, nécessitant le plus souvent des pièces et une chaudronnerie spécifiques, comme pour la fabrication de caissons à sas étanche. En ce qui concerne l’épuration, il s’agit de filtres à très haute performance (THE) conformes à la norme spécifique IRSN CTHEN 14-10. « Tous les équipements sont suivis et surveillés et interconnectés au contrôle commande de la centrale. Enfin, les systèmes de ventilation dans un site nucléaire répondent aussi classiquement au renouvellement d’air de confort et d’assainissement et assurent le traitement de l’air et la régulation de la qualité de l’air intérieur (QAI). Ils limitent également les gaz pouvant présenter un risque d’explosion, tout en maintenant des conditions optimales pour le fonctionnement des équipements », poursuit l’expert.

Installation DUS (Diesel Ultime Secours), CNPE de Bugey. © Equans

Quel est le rôle d’Equans sur le projet Sizewell C ?
« Depuis plus de 50 ans, nous concevons et installons des systèmes de ventilation nucléaire. Notre expertise couvre toutes les phases du projet, de la réponse aux appels d’offres à la conception, les études d’exécution, l’installation, les tests et même l’entretien des équipements. Le contrat présent, d’une durée de 7 ans, s’appuie largement sur les possibilités de transposition et de standardisation issues des travaux de la centrale Hinkley Point C », explique Sophie Corre, directrice commerciale d’Axima Nucléaire.

« Au-delà de la conception des systèmes, la phase de tests de qualification de chaque équipement est tout aussi cruciale. Elle inclut des tests sismiques sur table vibrante, par exemple pour les ventilo-convecteurs équipés de redondances internes avec notamment deux batteries froides et deux ventilateurs, ainsi que des tests de vieillissement (thermique, mécanique…), des tests de résistance au feu et aux chocs », ajoute Joël Guittard. Enfin, l’alimentation en énergie des équipements fait elle aussi l’objet de redondances avec des groupes de secours et d’ultime secours.

Préparation d’équipements dans l’atelier d’Axima Nucléaire. © Equans

Quelle est l’ampleur du projet et pourquoi est-il clé ?
Située dans le Suffolk, Sizewell C est une centrale avec 2 EPR, et un projet sur mesure conséquent, groupant plus d’une vingtaine de systèmes de ventilation différents, unités terminales/ventilo-convecteurs, groupes froid, aérothermes, aéroréfrigérants, ailes de mesures en gaine… « L’objectif est de climatiser 3 600 locaux, dont certains avec confinement dynamique. La puissance de froid total est de 55 MW pour un débit d’air brassé de près de 11 millions de m3/h. »

« Ce projet est crucial, car il s’inscrit dans la continuité de nos récentes expériences à Flamanville (Normandie) et Hinkley Point C. Il nous permet de maintenir et de renforcer nos compétences dans nos ateliers et au sein de notre écosystème, localisé à 80 % en France, nous préparant ainsi pour les phases d’étude et de production des futurs EPR2 en France », conclut Sophie Corre.


L’optimisation du refroidissement reste un axe important
« En premier lieu, l’optimisation du refroidissement peut s’opérer en changeant une technologie ancienne pour gagner en efficacité énergétique : par exemple, en remplaçant des groupes à vitesse non variable par des machines de la gamme 30KAVZE qui, à charges partielles, sont très efficaces, ce qui correspond bien au cas de la plupart des productions de froid qui ne fonctionne pas à 100 % à l’année », illustre Arnaud Delaunay, de Carrier.

En second lieu, l’expertise des équipes Carrier est cruciale pour accompagner les industriels afin de combiner différentes technologies et solutions, comme le free cooling intégré pour la production d’eau glacée avec une machine dédiée, la récupération de chaleur totale boostée avec la gamme 30KAVZE, ou encore la valorisation de l’énergie fatale pour fournir de l’eau chaude jusqu’à 85 °C avec une autre gamme.

Jean-François Moreau