Spécialiste du marketing et de la communication, David Le Souder a rédigé 42 numéros du magazine Électricien+ entre 2012 et 2023. Observateur privilégié de l’évolution du métier d’électricien et de l’essor de la domotique et des technologies connectées, il a accompagné la filière dans ses mutations technologiques et réglementaires.
En 2021, il cofonde avec trois associés Smart Green Execution, entreprise dédiée à l’intégration de solutions GTB et domotiques, basée sur un modèle hyper agile de partenaires pour accélérer la transition énergétique des bâtiments.
Électricien+ – Avec ton regard d’ancien rédacteur en chef, comment penses-tu que le métier d’électricien et d’installateur domotique a changé ces 15 dernières années, notamment avec l’apparition des nouvelles technologies et la montée en puissance de la domotique résidentielle ?
David Le Souder – Quand j’ai commencé à suivre le secteur en 2012, l’électricien était encore perçu avant tout comme un « câbleur de tableaux ». On parlait déjà de domotique, mais c’était souvent un marché de niche, cantonné à quelques passionnés ou à des projets haut de gamme. Je me souviens de Jacques Darmon (créateur du magazine) qui avait senti les évolutions du métier et avait nommé le magazine Électricien+, car l’électricité devenait « plus » que du tirage de câble. Quinze ans plus tard, le métier a basculé dans une autre dimension.
Aujourd’hui, l’électricien est devenu un intégrateur. Il doit maîtriser non seulement l’électricité traditionnelle, mais aussi les protocoles domotiques (KNX, Zigbee, Z-Wave, et plus récemment Matter), les réseaux IP, la cybersécurité, la gestion énergétique, sans oublier la configuration logicielle, le photovoltaïque et les IRVE. Les clients n’attendent plus des gadgets, ils veulent du concret : confort, économies d’énergie, pilotage à distance, suivi de consommation.
La preuve, en 2025, plus de 80 % des foyers français disposent d’au moins un objet domotique, et chez les moins de 35 ans, ce chiffre monte à près de 90 %*. Ce n’est plus une exception, c’est devenu la norme.

Électricien+ – Quels défis majeurs avais-tu identifiés à l’époque pour le secteur, et penses-tu que ces défis ont été relevés ou au contraire qu’ils persistent aujourd’hui ?
D. L. S. – À l’époque, les obstacles étaient clairs : manque de formation adaptée, une jungle de protocoles incompatibles, et surtout la difficulté de convaincre les clients de la valeur réelle de la domotique. Beaucoup la considéraient comme un luxe plutôt que comme une nécessité.
Aujourd’hui, une partie du chemin a été parcourue. Les cursus intègrent désormais la domotique et les énergies renouvelables, l’interopérabilité a fait de gros progrès avec l’arrivée du protocole Matter, et la valeur ajoutée est bien identifiée : confort, sécurité, économies d’énergie. Le marché pèse plusieurs milliards et croît chaque année.
Mais certains défis restent d’actualité, voire se sont accentués. La fragmentation technologique existe toujours. La formation continue reste essentielle mais coûteuse, et surtout la cybersécurité est devenue un enjeu majeur. Installer une solution connectée, c’est potentiellement ouvrir une porte d’entrée dans un réseau domestique ou professionnel. Avec la gestion de la donnée et le RGPD, ce sujet était absent il y a quinze ans, il est central aujourd’hui.
Électricien+ – Si tu regardes vers l’avenir, quelles évolutions vois-tu transformer le métier dans les dix prochaines années, et comment imagines-tu que le magazine pourrait accompagner ces changements ?
D. L. S. – Je vois quatre grandes transformations à l’horizon 2035.
D’abord, l’intelligence artificielle va bouleverser la gestion des bâtiments. On passera de systèmes programmés à des systèmes capables d’anticiper : maintenance prédictive, adaptation du confort en fonction des usages, optimisation de la consommation en temps réel.
Ensuite, l’intégration énergétique. L’électricien devra gérer non seulement l’électricité descendante du réseau, mais aussi l’électricité produite localement : photovoltaïque, stockage, bornes de recharge pour véhicules électriques. Le bâtiment deviendra producteur, consommateur et revendeur d’énergie.
Puis, le cadre réglementaire. Les normes énergétiques vont se durcir. La traçabilité des consommations deviendra obligatoire et je suis convaincu que nous verrons apparaître de nouvelles certifications liées à la cybersécurité des installations.
Enfin, la gestion technique du bâtiment. L’électricien devra monter en compétence pour comprendre les interactions avec les autres métiers et s’associer avec un intégrateur GTB. Les différents lots (élec, CVC, menuiserie…) seront obligés de travailler ensemble, selon ce que l’intégrateur GTB aura validé comme solution de pilotage et de supervision du bâtiment avec le maître d’ouvrage. Cela implique une organisation commune des lots.
Plus que jamais, l’électricien a un rôle incroyable à jouer car le monde devient toujours plus énergétique et plus électrique. Chaque électricien doit choisir ses compétences et en devenir un expert. Il devra encore plus se former et s’informer. Dans ce contexte, Électricien+ a un rôle clé à jouer : traduire ces évolutions pour les professionnels. Aider les artisans et PME à s’approprier des technologies complexes, leur donner des clés pratiques, partager des retours d’expérience, anticiper la réglementation. Bref, rester ce que le magazine a toujours été : un guide, un éclaireur, au service du métier.
* Enquête de Rothelec relayée par Batiweb (mai 2025)







