Face à la montée en puissance de l’intelligence artificielle et à la transformation rapide des infrastructures numériques, Dell Technologies se positionne comme un acteur innovant et adresse les enjeux environnementaux dès la conception et à toutes les étapes des projets. En France, la filiale du groupe accompagne les entreprises et les institutions dans la modernisation de leurs environnements IT, du datacenter au cloud, en intégrant performance, durabilité et souveraineté. Pour Rahmani Cherchari, Senior Director, Head of Global Specialty Sales France, la maîtrise des infrastructures constitue le socle d’une IA de confiance. Une vision stratégique où puissance de calcul, efficacité énergétique et gouvernance des données avancent de concert.
Pouvez-vous nous présenter Dell Technologies France et son rayon d’action ?
Rahmani Cherchari – Dell Technologies France est la filiale française de Dell Technologies, un leader mondial des solutions technologiques proposant une gamme complète allant des solutions d’infrastructures et de stockage à un large éventail de logiciels, aux PC professionnels et leurs accessoires, ainsi que des services. En France, nous accompagnons les entreprises de toutes tailles dans leur transformation numérique, en leur proposant des solutions innovantes en matière d’infrastructures IT, de cloud, de cybersécurité, et d’intelligence artificielle. Notre mission est de permettre aux organisations françaises de rester compétitives dans un monde en constante évolution technologique. Nous intégrons également les piliers d’une IA de confiance dans notre approche : gestion et organisation rigoureuses des données, choix de modèles adaptés (open source, spécialisés ou propriétaires), et accompagnement humain pour garantir des bénéfices tangibles et responsables. Car au-delà de la performance, la confiance devient la véritable monnaie d’échange dans l’adoption de l’IA.
Quels changements l’IA engendre-t-elle sur les infrastructures numériques, qui incluent les datacenters, serveurs, réseaux ?
R. C. – L’intelligence artificielle impose une refonte des infrastructures numériques pour répondre à des besoins croissants en termes de puissance de calcul, de stockage et de connectivité. Les datacenters doivent être optimisés pour gérer des charges de travail massives et complexes, tandis que les serveurs évoluent pour intégrer des GPU et des accélérateurs spécifiques à l’IA. Les réseaux, quant à eux, doivent offrir une latence minimale et une bande passante accrue pour supporter ces flux de données. Ce mouvement est alimenté par deux facteurs clés : l’abondance des données disponibles et la puissance de calcul désormais accessible pour les traiter. Ces conditions favorisent l’essor de l’IA générative, mais posent aussi la question de la sobriété et de l’efficacité énergétique dès la conception des infrastructures.
Avec l’essor de l’IA et du cloud, le trafic interdatacenters explose. Quels défis cela pose-t-il en termes de performance et de résilience ?
R. C. – L’augmentation du trafic interdatacenters nécessite des infrastructures capables de gérer des volumes de données sans précédent tout en garantissant une résilience optimale. Cela implique des investissements dans des technologies de réseau avancées, comme les interconnexions à haut débit, et des solutions de sauvegarde et de reprise après sinistre pour assurer la continuité des opérations. Dans ce contexte, amener l’IA à la donnée plutôt que l’inverse, via l’Edge computing, devient un levier d’efficacité. Avec environ 75 % des données générées en périphérie du réseau, l’adoption d’architectures Edge permet de réduire significativement la latence tout en optimisant la consommation énergétique.
Quelle est la position de la France, en Europe et dans le monde, en matière d’infrastructures numériques ?
R. C. – La France se positionne comme un acteur clé en Europe grâce à ses investissements dans les datacenters, le cloud et les réseaux de nouvelle génération. Cependant, elle reste en concurrence avec des pays comme l’Allemagne et les Pays-Bas, qui disposent également d’infrastructures robustes. À l’échelle mondiale, plutôt que de rivaliser directement avec les États-Unis et la Chine, la France doit renforcer son attractivité et miser sur ses atouts – innovation, souveraineté numérique et partenariats stratégiques – pour se différencier.
La France dispose d’atouts indéniables. Que manque-t-il encore pour devenir un hub de l’IA européen ?
R. C. – La France s’appuie sur un écosystème de recherche de pointe, des ingénieurs parmi les meilleurs au monde et des champions technologiques comme Mistral AI. Pour consolider son leadership en Europe et renforcer sa compétitivité à l’échelle mondiale, elle doit intensifier les investissements dans les infrastructures stratégiques, faciliter l’accès au financement pour les startups et multiplier les partenariats public-privé. L’objectif : créer un environnement propice à l’innovation, capable de rivaliser avec les grandes puissances tout en affirmant une souveraineté numérique européenne. Le défi consiste à mettre en place une gouvernance véritablement centrée sur les données, où la structuration, la qualité et la traçabilité des données précèdent la sélection et l’entraînement des modèles. Par ailleurs, la capacité à concevoir des systèmes d’IA conformes aux exigences réglementaires européennes (comme l’EU AI Act), tout en garantissant transparence, auditabilité et robustesse, sera un facteur clé pour sécuriser les investissements et instaurer la confiance.
« C’est l’infrastructure qui permet aux gouvernements et aux entreprises de tester, contrôler et déployer l’IA selon leurs propres règles, avec des données locales, des environnements sécurisés et des systèmes transparents. »
Pourquoi la souveraineté numérique est-elle un enjeu stratégique face aux hyperscalers américains ?
R. C. – La souveraineté numérique n’est pas seulement une question de politique, c’est d’abord un enjeu de confiance et d’innovation responsable. Chez Dell, nous croyons que « infrastructure is where AI sovereignty begins »1. C’est l’infrastructure qui permet aux gouvernements et aux entreprises de tester, contrôler et déployer l’IA selon leurs propres règles, avec des données locales, des environnements sécurisés et des systèmes transparents. L’IA souveraine doit donner confiance, et non limiter l’innovation. Elle repose sur des infrastructures hybrides et Edge qui offrent à la fois contrôle et performance, tout en s’alignant sur les cadres réglementaires comme l’EU AI Act. La souveraineté n’est pas un frein : c’est le socle qui permet à l’Europe d’innover à grande échelle, en toute confiance.
Pour bien comprendre, quel est l’intérêt de capitaliser sur la complémentarité entre hyperscalers, clouds souverains et infrastructures locales ?
R. C. – Cette complémentarité permet aux entreprises de bénéficier de la flexibilité et de l’échelle des hyperscalers, tout en répondant aux exigences de souveraineté et de conformité grâce aux clouds locaux. Les infrastructures locales, quant à elles, offrent des solutions sur mesure pour des besoins spécifiques. L’approche hybride et combinée, hyperscaler, cloud souverain et Edge, garantit ainsi un équilibre entre contrôle et scalabilité. Comme nous le rappelons souvent, l’Europe n’a pas à choisir entre performance et souveraineté. Avec les bonnes infrastructures, les entreprises peuvent concilier les deux.
Très concrètement, quelles sont les puissances affichées des prochains projets de datacenters dédiés à l’IA et qu’en était-il il y a cinq ans pour les datacenters les plus importants ?
R. C. – Les datacenters dédiés à l’IA atteignent aujourd’hui des puissances de calcul de plusieurs exaflops, contre quelques pétaflops il y a cinq ans. Cette évolution reflète l’explosion des besoins en calcul pour les modèles d’IA de plus en plus complexes. Mais la puissance brute n’est pas tout : il s’agit aussi de bâtir des infrastructures capables de gérer cette montée en charge tout en restant éco-efficaces. Cela implique un travail sur les architectures modulaires composables, le refroidissement avancé et la gestion intelligente de l’énergie.
L’énergie est au cœur du sujet du développement de l’IA. Comment conjuguer explosion des puissances et performance énergétique ?
R. C. – Dell Technologies s’engage à développer des solutions écoénergétiques, comme des serveurs optimisés pour réduire la consommation d’énergie et des systèmes de refroidissement avancés. L’utilisation de sources d’énergie renouvelable pour alimenter les datacenters est également une priorité. « Sustainable AI isn’t a nice-to-have – it’s a design principle. »2 Nous intégrons des solutions visant à réduire l’impact environnemental dès la conception des infrastructures. Cela va de la simulation de la consommation énergétique avant déploiement à l’utilisation de matériaux recyclés, en passant par la consolidation via nos plateformes hyperconvergées.
L’IA exige une puissance de calcul massive. Comment Dell optimise-t-il ses infrastructures de calcul, stockage et connectivité ?
R. C. – Nous concevons des solutions intégrées qui combinent des serveurs haute performance, des systèmes de stockage évolutifs et des réseaux à faible latence. Nos innovations, comme les architectures hyperconvergées, permettent d’optimiser les performances tout en réduisant les coûts.
Nous aidons aussi nos clients à choisir les bons modèles selon leurs besoins (open source, spécialisés, ou adaptés) et à intégrer des données contextuelles via le RAG (Retrieval Augmented Generation) pour améliorer la pertinence des résultats. L’optimisation des infrastructures passe donc par une approche globale : matériels performants, gestion datacentrique et intégration intelligente des modèles.
Peut-on mesurer les gains en efficacité sur les 10 dernières années sur les datacenters ?
R. C. – Les datacenters modernes consomment jusqu’à 50 % moins d’énergie par unité de calcul grâce à des avancées technologiques comme la virtualisation, le refroidissement liquide et l’optimisation des flux de données. Ces gains sont aussi liés à l’innovation algorithmique : les modèles actuels, mieux entraînés et plus ciblés, permettent d’obtenir plus de résultats avec moins de ressources. Les infrastructures sont donc pensées pour maximiser le ROI tout en intégrant des outils de mesure clairs pour suivre les impacts réels.
La consommation des datacenters pourrait atteindre 4 % de l’électricité en 2030. Comment éviter une impasse énergétique ?
R. C. – Il faut investir dans des technologies plus efficaces, adopter des pratiques rigoureuses de gestion énergétique et promouvoir les énergies renouvelables. Dell Technologies intègre la sobriété numérique dans sa vision, avec des efforts sur le refroidissement, la réduction de l’empreinte carbone et l’utilisation de matériaux recyclés. Cette approche s’aligne avec les objectifs ESG, devenus des impératifs réglementaires et sociétaux.
La France dispose d’un champion de l’IA, Mistral AI. Comment capitaliser sur ce savoir-faire pour créer un écosystème propice au développement de l’IA en France ?
R. C. – En soutenant des initiatives comme Mistral AI, la France peut attirer des talents, renforcer les collaborations entre entreprises et universités, et développer des infrastructures dédiées à l’IA. Cela nécessite également un cadre réglementaire favorable et des incitations fiscales. Mais il ne suffit pas d’investir dans les modèles : l’organisation et la gouvernance des données doivent précéder toute adoption. En combinant l’expertise de Mistral AI avec une infrastructure souveraine et des environnements de test locaux tels que les Dell AI Labs, la France peut bâtir une IA de confiance, auditable, et alignée sur ses propres valeurs et priorités.
L’IA nécessite des investissements colossaux. Quels modèles économiques peuvent rendre cette dynamique soutenable ? Ne risquons-nous pas une explosion de la bulle IA comme ça a été le cas d’internet dans les années 2000 ?
R. C. – Pour éviter une bulle, il est crucial de diversifier les sources de financement, de favoriser des partenariats public-privé et de s’assurer que les investissements sont alignés sur des cas d’usage concrets et rentables. Les entreprises qui réussissent sont celles qui adoptent une démarche structurée et une stratégie claire, avec des indicateurs précis pour mesurer le ROI. Nous voyons déjà des gains réels, par exemple dans le développement logiciel (+ 30 % de gain de temps, + 50 % de créativité grâce aux agents IA). Ces résultats concrets permettent de justifier les investissements et d’ancrer l’IA dans une logique durable.
Quelles étapes les entreprises doivent-elles franchir pour pleinement intégrer l’IA à leurs modèles ?
R. C. – Les entreprises doivent d’abord identifier les cas d’usage pertinents, investir dans les compétences nécessaires, moderniser leurs infrastructures et adopter une approche éthique pour garantir une utilisation responsable de l’IA. Les questions essentielles doivent être posées dès le départ : pourquoi l’utiliser, quels modèles développer, avec quelles données ? Sans une gouvernance datacentrique, les projets risquent de manquer de pertinence. L’accompagnement humain reste aussi crucial pour tirer pleinement parti de l’IA et instaurer une relation de confiance avec les utilisateurs finaux.
Quel rôle Dell entend-il jouer pour concilier performance, durabilité et souveraineté dans cette transformation galopante ?
R. C. – Dell accompagne entreprises et institutions publiques, tout particulièrement autour de ces trois piliers : performance, durabilité et souveraineté. Nos solutions désagrégées et modulaires, comme PowerEdge MX, offrent scalabilité et optimisation des ressources. Nous intégrons la durabilité dès la conception, avec efficacité énergétique, consolidation et réduction des déchets électroniques. Nous défendons aussi l’idée que « trust is the true test of Sovereign AI »3 : une IA souveraine doit être sécurisée, auditable et alignée sur les valeurs humaines et les réglementations européennes. Quand l’IA est construite autour de la confiance, elle déploie son véritable impact.
Propos recueillis par Alexandre Arène






