Lucy Han, KNX Association et ABB : « KNX n’est pas seulement une technologie haut de gamme, c’est une solution adaptée à tous les bâtiments. »

Lucy Han, membre du conseil d’administration de KNX Association et Business Line Manager Building Automation chez ABB. © Infocom

Depuis plus de trente ans, KNX fait figure de standard incontournable de la gestion technique du bâtiment. Longtemps associé en France au résidentiel haut de gamme, ce protocole ouvert et interopérable est adapté à tous les types de bâtiments, du logement individuel au grand tertiaire. Lucy Han, membre du conseil d’administration de KNX Association, revient sur la polyvalence du protocole, son évolution vers plus d’efficacité énergétique et d’intelligence, ainsi que sur les initiatives visant à démocratiser son usage, notamment sur le marché français.

Vous êtes membre du conseil d’administration de KNX au niveau mondial, en tant que représentante d’ABB. Pouvez-vous expliquer comment KNX s’adapte à tous les types et toutes les tailles de bâtiments à travers le monde ?
Lucy Han – Le protocole de communication ouvert KNX a été créé en 1990 grâce à une collaboration entre quinze entreprises Européennes, parmi lesquelles ABB, Siemens, Gira, Schneider Electric, Jung, Merten et Berker. Ces sociétés se sont regroupées au sein de l’European Installation Bus Association (EIBA), avec pour objectif de développer une norme unifiée pour l’automatisation des bâtiments fondée sur la technologie bus. L’objectif a toujours été de créer une technologie indépendante des fabricants, , où tous les équipements peuvent dialoguer entre eux. KNX a été conçu dès le départ pour l’automatisation des maisons et des bâtiments, aussi bien résidentiels que tertiaires. Contrairement à une idée reçue, il n’a jamais été limité à un seul secteur : il s’adapte à l’automatisation des logements, du petit tertiaire et des grands bâtiments commerciaux.

Selon une étude publiée par le Gimelec, le marché français du petit tertiaire est peu équipé de BACS, alors que les grands bâtiments le sont déjà. Est-ce une opportunité pour KNX ?
L. H. – Oui en effet c’est une très belle opportunité. Les grands bâtiments sont généralement équipés de systèmes d’automatisation, mais c’est plus rarement le cas dans le secteur du petit tertiaire. KNX est donc une réponse pertinente car il s’agit d’un protocole flexible et évolutif. Contrairement à certaines solutions qui nécessitent un investissement initial très important, KNX peut être déployé progressivement, par étapes. C’est un système modulaire, simple à mettre en œuvre par les installateurs. C’est pourquoi il est bien implanté dans le résidentiel.

Mais il est également utilisé dans de nombreux projets tertiaires. En France, par exemple, le système KNX d’ABB est déjà déployé dans des projets emblématiques tel que le complexe de bureaux Organdi, contribuant à améliorer le confort et la performance énergétique. À Milan, le siège social d’Accenture utilise le système i-bus® KNX d’ABB pour superviser et piloter l’ensemble des installations du bâtiment, réduisant la consommation électrique de 700 000 kWh par an, soit une économie d’énergie de 18 %.

En Chine, les systèmes KNX d’ABB sont également déployés dans les principaux aéroports. KNX n’est pas limité aux projets de petite taille, il couvre toutes les typologies de bâtiments et permet de prendre en charge l’éclairage, la gestion des stores, le CVC ou encore l’efficacité énergétique.

Vous avez évoqué les solutions spécifiques développées par ABB pour élargir les usages de KNX, comme ClimaEco. Pouvez-vous préciser ?
L. H. – Historiquement, KNX est très performant dans la gestion de l’éclairage et des stores, souvent associé au protocole DALI. Pour aller plus loin, ABB a développé ClimaEco, une solution KNX dédiée au CVC. L’idée est de proposer une approche complète : éclairage, stores, chauffage, climatisation, ventilation, le tout piloté via KNX. Cela permet une véritable interaction entre les applications. Par exemple : ajuster l’éclairage et les stores en fonction de l’ensoleillement, adapter la ventilation selon l’occupation des lieux, ou optimiser la consommation énergétique, permet de réaliser jusqu’à 30 % d’économies d’énergie. C’est déjà une réalité depuis plusieurs années, et cela va s’amplifier avec l’intégration de la gestion énergétique.

Et concernant la présence mondiale de KNX ?
KNX est très développé en Europe et en Asie. Il est le protocole numéro un en Chine sur ce marché, avec des références majeures dans les aéroports et l’hôtellerie notamment. Au Moyen-Orient, il est largement utilisé dans les grands ensembles tertiaires. En Amérique latine, nous avons des intégrateurs actifs et de grands projets au Brésil et au Mexique. L’Amérique du Nord est plus difficile à pénétrer, car le marché est très normé, en raison notamment de la certifications UL, et dominé par d’autres standards. Mais l’Association KNX poursuit ses efforts pour s’y implanter, car c’est un marché très important.

Venons-en à Building Pro, solution ABB développée en France. Quelle est son origine et sa place dans votre stratégie mondiale ?
L. H. – Building Pro est né de l’acquisition de Newron par ABB il y a environ dix ans. Newron, créé par Serge Le Men, était spécialisé dans la technologie OpenBOS très ouverte et flexible. ABB a choisi de capitaliser sur cette technologie pour proposer une solution BMS (Building Management System) moderne et évolutive. Nous l’avons adaptée pour un usage international, avec une architecture en trois niveaux : les appareils (capteurs, contrôleurs), la couche Edge (collecte et traitement local des données), et la visualisation (via le Cloud ou en local). Cela permet le monitoring et l’optimisation de la consommation d’énergie, basées sur les données, pour différents types de bâtiments. Building Pro se décline en plusieurs versions Edge, Small, Medium, Large, XLarge, en fonction de la taille du bâtiment et le volume de données à gérer.

Quelle est votre vision pour le marché français et mondial de la GTB/Building Automation ?
L. H. – La France fait partie des marchés les plus avancés sur ces sujets, avec une forte culture autour de l’énergie et de la durabilité. On y trouve beaucoup d’entreprises innovantes dans les domaines de l’IoT, les logiciels et les équipements. Pour ABB, la France est l’un des premiers pays où nous souhaitons déployer nos solutions numériques. Plus largement, le secteur connait une transformation majeure : passer de l’automatisation traditionnelle à des bâtiments véritablement intelligents, intégrant IoT, Edge, intelligence artificielle et gestion énergétique.

Chez ABB, notre stratégie est claire. Nous voulons développer des équipements connectés et IoT, enrichis de plateformes Edge flexibles et évolutives et de logiciels modulaires, accessibles et orientés solutions. Chez ABB, cette stratégie est mise au service du développement durable : réduction des consommations et des émissions, prolongation de la durée de vie des équipements, confort et santé des occupants, etc

Et pour KNX, quelles perspectives ?
KNX est au cœur de cette stratégie. ABB investit pour enrichir le portefeuille KNX, en intégrant plus d’intelligence, d’efficacité énergétique et d’IA. KNX doit se démocratiser pour adresser les projets de taille intermédiaire, notamment en France où la réglementation (décret BACS) encourage à équiper un grand nombre de bâtiments de taille moyenne qui ne disposent pas encore de gestion technique des bâtiments (GTB). Notre vision est claire : KNX n’est pas seulement une technologie haut de gamme, c’est une solution adaptée à tous les bâtiments.

Propos recueillis par Alexandre Arène