Observatoire national du déploiement des BACS : L’édition 2025 souligne un fort potentiel, qui reste à concrétiser

Entretien avec Luís Liberal, président du GIMELEC Bâtiments

Le GIMELEC dévoile l’édition 2025 de son Observatoire national du déploiement des BACS, qui mesure la dynamique avec laquelle les bâtiments tertiaires français s’équipent et s’approprient le pilotage énergétique et numérique. L’étude a été menée avec CODA Stratégies, au travers d’entretiens, de sondages et d’un croisement
exhaustif des bases de données existantes.

Pourquoi cet observatoire est-il tant attendu ?
Luís Liberal –
L’Observatoire national du déploiement des BACS est une grille de lecture, partagée avec les pouvoirs publics et la chaîne d’acteurs concernés par le décret BACS, pour mettre en œuvre collectivement les conditions de succès de la politique énergétique de la France.

Le bâtiment est un contributeur indispensable à la réalisation de nos objectifs nationaux de décarbonation et de souveraineté énergétique. Le pilotage énergétique des bâtiments, via les BACS, est un levier opérationnel majeur de la transition énergétique, de l’électrification des usages et de l’équilibre offre-demande sur le système électrique national. Pas d’intégration du solaire photovoltaïque, de déploiement massif de la recharge de véhicule électrique ou encore des millions de pompes à chaleur dans les bâtiments sans pilotage énergétique !

Le bâtiment représente 44 % de la consommation énergétique en France.

100 000 bâtiments tertiaires équipés en BACS en 2030, c’est 20 % d’économies d’énergie et une capacité de modulation sur le système électrique national de 6 GW (3 à 5 réacteurs nucléaires) !

C’est pourquoi les professionnels de la gestion du bâtiment, de l’immobilier et du réseau se mobilisent ensemble pour viser 100 000 bâtiments sobres et flexibles d’ici 2030 (cf. Baromètre des flexibilités de consommation).

L’Observatoire permet de suivre quantitativement et qualitativement la bonne adoption des prérequis techniques de cette ambition : un éclairage essentiel tant pour guider les parties concernées que les politiques publiques.

Quelles sont les principales conclusions de l’édition 2025 de l’Observatoire national du déploiement des BACS ?
L. L. – L’Observatoire présente un bilan en demi-teinte. D’un côté, la filière est pleinement mobilisée, avec une coordination inédite entre monde des réseaux, du pilotage énergétique et de l’immobilier. La mobilisation observée est en ligne avec les objectifs des « 100 000 ».

De l’autre côté, le terrain peine à suivre. Le constat est saisissant : en 2025, seuls 16 % des sites en France sont équipés de BACS, quand la réglementation en attend 100 % dès 2027. Le déploiement reste donc très en deçà des objectifs fixés, avec un seul point de plus qu’en 2024. L’accélération attendue n’a toujours pas eu lieu. La mise en œuvre du décret BACS progresse au fil de l’eau, mais sans véritable passage à l’échelle.

ONDB – Déploiement des BACS
dans les bâtiments de France. © GIMELEC

Quels secteurs sont les plus volontaires ?
L. L. – Cette modeste progression est plutôt tirée par les secteurs des commerces et bureaux, qui commencent à prendre conscience d’une part du potentiel d’économie d’énergie et de réduction de leurs dépenses énergétiques, et d’autre part des opportunités de flexibilité rémunérée.

Elle est aussi portée tous secteurs confondus par les grands bâtiments (hôpitaux, gares, hypermarchés, grandes tours de bureaux, etc.) pour lesquels la valeur ajoutée de la gestion automatisée et centralisée de l’énergie s’est imposée depuis des années.

Dans ces grands bâtiments, équipés pour 86 % d’entre eux (+ 2 points en 2025), il faut noter en 2025 une multiplication des questionnements, audits des installations existantes, mises à jour de leur paramétrage (ou recommissionnement) : un phénomène encore timide mais prometteur pour une remise en performance durable des systèmes déjà en place mais laissés à l’abandon.

L’édition 2025 met en lumière deux secteurs représentant ensemble la moitié des mètres carrés à équiper : l’enseignement et les commerces. 19 % des commerces sont équipés de BACS. Ce chiffre cache des disparités importantes : 69 % des hypermarchés sont équipés, contre 40 % des supermarchés et hard discount, 20 % des commerces d’équipement, et seulement 9 % des petits et moyens commerces alimentaires, contre 29 % des entrepôts et plateformes logistiques. Tout cela s’explique, bien sûr, en termes économiques, organisationnels, sociaux.

Au-delà des chiffres, l’Observatoire nous donne des clés d’analyse qualitative pour étayer l’état des lieux. Concernant les grands commerces par exemple, on observe qu’ils sont en général plutôt enclins à se doter de capacités de pilotage énergétique, encouragés par la maîtrise des coûts mais aussi par les réglementations connexes, relatives au photovoltaïque et à la recharge de véhicule électrique. Par ailleurs, alors que les groupes intégrés ont engagé des stratégies volontaristes de réduction de leur bilan carbone et d’équipement en BACS, les réseaux franchisés ou indépendants (55 %) sont quant à eux un peu plus longs à mobiliser.

L’analyse complète sera partagée par le GIMELEC avec les acteurs intéressés, afin de tirer les principaux enseignements et de promouvoir ensemble les leviers opérationnels identifiés.

Cet observatoire est aussi une référence pour la mise en œuvre de la politique publique et de ses ambitions énergétiques. Quel message la filière souhaite-t-elle faire passer ?
L. L. –
Les ingrédients sont là : une filière professionnelle en ordre de marche, une technologie mature, un cadre réglementaire clair (dispositif écoénergie tertiaire, décret BACS). Le salon IBS (Intelligent Building Systems), qui se tiendra les 30 septembre et 1er octobre prochains à Paris, en est la vitrine. Il manque encore une impulsion pour atteindre notre objectif des 100 000 bâtiments sobres et flexibles en 2030.

Prévisions de l’évolution du taux d’équipement selon un scénario de continuité et un scénario de volontarisme. © GIMELEC

À quelle impulsion pensez-vous ?
L. L. –
Les pistes d’accélération sont déjà bien identifiées : inscrire le Plan des 100 000 BACS dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), engager une dynamique exemplaire sur les 100 millions de mètres carrés de l’État, les 200 millions de mètres carrés des collectivités locales ou encore sur les grands parcs du tertiaire privé, lancer un vaste programme de formation des acteurs et, enfin, héberger l’accompagnement depuis l’audit, le commissioning jusqu’à l’exploitation et la maintenance des BACS Flex Ready® dans un programme CEE.

Dans cette perspective, le GIMELEC et la Smart Buildings Alliance, en lien avec leurs partenaires de filière, s’apprêtent à publier tous les référentiels techniques et organisationnels nécessaires. Une « boîte à outils » essentielle destinée à guider les pratiques organisationnelles et contractuelles sur le terrain, alimenter les modules de formation et surtout asseoir un vrai soutien des pouvoirs publics, en ligne avec les ambitions nationales de décarbonation et de souveraineté énergétique.