Alors que la CRE fixe le coût complet du nucléaire à 60,3 €/MWh pour 2026-2028, la disparition de l’ARENH met fin à quinze années de prix régulés. Les entreprises doivent désormais composer avec un marché de l’électricité davantage indexé sur la réalité économique de la production et soumis à une volatilité accrue.
Un nouveau paradigme : le nucléaire n’est plus tarifé, il est valorisé
Le dispositif ARENH prendra fin le 31 décembre 2025. À sa place, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) mettra en œuvre un cadre de régulation fondé sur le coût complet du parc nucléaire, estimé à 60,3 €/MWh pour 2026-2028. Ce basculement n’est pas un simple ajustement technique : il marque la fin d’un régime de prix plancher et l’entrée dans une logique de valorisation économique du nucléaire, où les prix reflètent davantage les conditions de production, la rémunération du capital investi et la prolongation de la durée de vie des réacteurs.
Pour les entreprises, cette évolution signifie la disparition d’un filet de sécurité tarifaire. Le prix de l’électricité ne dépendra plus d’un cadre régulé uniforme, mais des dynamiques de marché. Dans un contexte où la disponibilité du parc nucléaire reste sujette à aléas, la volatilité des prix à terme risque de s’accroître. Les directions achats doivent désormais se préparer à un environnement où les écarts entre coûts de production et prix de gros pourront évoluer librement, avec des impacts directs sur la compétitivité industrielle.
Des impacts structurels pour les entreprises et les directions achats
Jusqu’à présent, l’ARENH garantissait aux acheteurs un prix de référence clair, servant de socle pour la construction des offres et la gestion budgétaire. Sa disparition efface ce repère. Le prix de l’électricité nucléaire deviendra désormais un indicateur mouvant, dépendant du coût complet et de la dynamique de marché, que la CRE anticipe autour de 60 à 70 €/MWh sur 2026-2028. Pour un industriel fortement électro-intensif, ce glissement de quelques euros par mégawattheure représente plusieurs centaines de milliers d’euros de coûts supplémentaires sur un exercice.
Ce nouveau contexte expose directement les entreprises à la volatilité du marché. Les directions achats devront revoir leurs stratégies d’approvisionnement, en repensant la durée et la structure de leurs contrats. Les achats à court terme deviendront plus risqués car ils amplifient l’exposition aux hausses de prix. La maîtrise des coûts passera par des approches plus intégrées : contrats pluriannuels, mutualisation des volumes et diversification des fournisseurs pour sécuriser les conditions d’achat.
Vers une nouvelle génération de stratégies d’achat et de couverture
La fin de l’ARENH ouvre une ère de refondation des pratiques de gestion de l’énergie. Les acheteurs doivent renforcer leurs capacités d’analyse et de veille : surveiller les signaux du marché à terme, anticiper les effets de la disponibilité du parc nucléaire ou de l’évolution des taux d’intérêt sur les coûts de production, et intégrer ces paramètres dans leurs prévisions budgétaires. La fonction achats devient un acteur central de la gestion du risque énergétique.
Dans ce nouveau cadre, la coordination entre directions achats, financières et RSE revêt une importance stratégique. L’électricité n’est plus un simple poste de dépense : elle devient un levier de compétitivité et de transition. Les stratégies d’achat devront désormais intégrer les critères ESG et l’empreinte carbone des fournisseurs. La fin de l’ARENH pourrait d’ailleurs accélérer le déploiement des contrats de gré à gré (PPA), permettant de sécuriser des prix sur plusieurs années tout en soutenant les investissements bas carbone.
La disparition de l’ARENH ouvre un cycle nouveau dans la régulation du marché électrique français. En liant le prix du nucléaire à ses coûts réels de production, la CRE replace la vérité économique au cœur du système. Pour les entreprises, cette mutation impose une nouvelle maturité stratégique : anticiper, couvrir, diversifier et piloter activement les risques énergétiques.
Par Benoît Vilcot, cofondateur et directeur général de Capitole Énergie, EPSA Energy






