Patrimoine public : le long chemin vers la réhabilitation énergétique

PAR ÉLODIE PARIER, spécialiste de la gestion financière des contrats public-privé, Dé.FI

Tout le monde s’accorde sur le fait que la rénovation des bâtiments publics est nécessaire. Mais comment s’engager dans la voie quand les pouvoirs publics reculent sur les objectifs et les investisseurs sur le financement ?

Prendre conscience de son environnement et contribuer à le maintenir en bon état pour les générations futures donne du sens à nos existences. Nous sommes tous pour l’efficacité énergétique : l’État, les citoyens, les fournisseurs, les constructeurs, les mainteneurs… Notre objectif national : une consommation d’énergie en France divisée par quatre d’ici à 2050, pour réduire d’autant les émissions de gaz à effet de serre. Amélioration thermique de l’enveloppe, exploitation efficace des équipements performants, utilisation d’énergies renouvelables, comportement sobre des utilisateurs : les leviers de la performance énergétique sont maîtrisés par les professionnels du bâtiment.

Au coeur de l’action, un enjeu majeur : les bâtiments publics représentent 40 % des bâtiments tertiaires et 15 % des bâtiments résidentiels. Leur consommation d’énergie représente 1,5 milliard d’euros par an sur les 2 milliards de charges annuelles d’énergie, en comptant les transports. Leur rénovation énergétique doit être conduite. En même temps, l’idée première qui consistait à payer les travaux réalisés à l’aide des économies d’énergie rendues possibles a fait long feu. Le modèle est bancal pour plusieurs raisons : méconnaissance des coûts et consommations de référence, évolution non maîtrisée des coûts unitaires des sources d’énergie, incertitudes sur les évolutions comportementales des usagers. De plus, pour les collectivités, peu d’incitations à l’investissement existent : restrictions des subventions de l’Ademe, pas d’encouragement fiscal du gouvernement sous la forme, par exemple, d’une TVA réduite globale sur ce type de projet. L’État a reculé sur les objectifs du Grenelle, constatant l’ampleur de la tâche. Les banques se cachent derrière le « track record » qu’elles réclament, même pour des projets par définition pionniers. Alors comment rénover nos hôtels de ville, gymnases, écoles, musées ? Outre le resserrement généralisé des sources de financement, deux principaux facteurs ralentissent l’accès au financement pour ces projets : leur échelle et leur modèle technico-économique.

L’échelle du projet dans l’espace, le périmètre technique : comment optimiser une GTC sur un nombre restreint de bâtiments ? Comment créer un « pool » d’économies d’énergie de taille critique sur la base d’un périmètre de bâtiments hétérogènes et pourtant parfois réduit ? Et l’échelle du projet dans le temps, la durée du projet : serait-il possible d’obtenir un meilleur taux de retour sur une globalité de projets que sur plusieurs projets traités individuellement ?

Son modèle technico-économique : la performance énergétique fait le plus souvent l’objet d’une politique d’investissement initial à faible retour, voire nul. Si l’identification en amont des investissements les plus rentables en termes d’économie d’énergie, voire les plus reproductibles sur un patrimoine, est bien entendu un préalable nécessaire, il semble aussi nécessaire de valoriser la dimension qualitative environnemen-tale de l’investissement, à la manière d’une survaleur, pour faire accepter des retours sur investissement plus longs que pour des investissements traditionnels. Comme nos autoroutes, comme nos aéroports, comme nos écoles, comme nos réseaux haut débit, la performance énergétique est un investissement public nécessaire. Sa survaleur, la valeur qui ne correspond pas à un montant mais à un ressenti, est comprise par tous. S’impliquer activement dans le bien-être de son environnement, contribuer aux économies de consommations et de dépenses, se projeter dans le long terme, impulser en tant qu’individu un mouvement général bénéfique sont autant de qualificatifs pour cette notion de survaleur. Des arbitrages sont donc nécessaires. Des efforts doivent être consentis par les différents acteurs. Les prêteurs gagneraient à assouplir leurs exigences de « track record » sur des dossiers qui, par définition, en sont aujourd’hui orphelins. Un mix investisseurs complexe, qui intègre des retours sur investissements différenciés en montant et en temps, serait adapté aux caractéristiques du modèle technico-économique de la réhabilitation énergétique. Les pouvoirs publics doivent faire des arbitrages d’investissement à long terme. Un complément en crowdfunding pourrait être envisagé.

La réhabilitation énergétique des bâtiments publics a été reléguée en arrièreplan du Grenelle lorsque la première source de financement identifiée, les économies d’énergie réalisées grâce aux travaux, est mort-née. Elle doit retrouver une place de premier plan.

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