Interview : Emmanuel Gravier, président de la FFIE

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En 2000, après avoir dirigé pendant 10 ans chez Sonepar à Paris, Emmanuel Gravier fonde le groupe RESO ELEC (installation électrique tertiaire, intégration industrielle et automatisme) qui compte actuellement 500 personnes. Il a toujours été engagé dans les instances professionnelles. Il a présidé la CSEEE (Chambre parisienne de la FFIE), a occupé les postes d’administrateur de la FFB, du MEDEF Paris et Vice-Président FFB Grand Paris. Avant d’être élu Président de la FFIE en juin dernier, il en était le Vice-Président Délégué.

Vous avez été élu président de la FFIE en juin dernier, pourquoi cet engagement ? Quel message avez-vous à transmettre ?
Je suis entouré d’une équipe jeune et avec un passage de génération à la FFIE au sein d’une filière en plein mouvement. J’ai toujours été engagé et je veux faire changer les choses. Pour moi, devenir président, me permet de défendre concrètement notre métier d’installateur électricien. J’ai ce besoin de participer à la vie sociétale et plus précisément de soutenir la profession, afin de participer à son évolution et d’aider les électriciens qui le souhaitent, à appréhender la mutation de notre filière.

En tant que dirigeant comment ressentez-vous l’activité économique ?
Ça va mieux depuis quelques mois mais ce n’est pas terrible. Les petites et moyennes entreprises souffrent encore même si le carnet de commandes augmente. La tension est énorme sur les prix et se répercute sur la trésorerie. Les entreprises ne peuvent pas reporter indéfiniment les investissements et les mises en chantier de logement ou de réhabilitation sont plus nombreuses. Le tertiaire bouge un peu pendant que l’industrie est véritablement repartie. La baisse des subventions aux collectivités territoriales diminue drastiquement et ne facilite pas les investissements. On sent qu’on a touché le fond. L’enjeu pour tous nos adhérents est de repérer les opportunités de croissance. Formation et stratégie sont nécessaires pour avancer pour être prêt pour les nouveaux développements, projets de notre secteur.

Quels sont les enjeux dont l’électricien doit avoir conscience s’il veut continuer son métier ?
La FFIE anime des commissions formation, économique, technique, veille prospective, sociale et artisanale. Tous ces sujets amènent débats et échanges. C’est important de partager avec des confrères sur les problématiques du quotidien. On s’aperçoit souvent que la concurrence n’est pas réelle et que l’entraide est salvatrice. Il faut réfléchir aux partages des compétences pour enrichir son offre. A la FFIE, nous travaillons de concert avec SVDI*. Bien sûr le virage du numérique est obligatoire et personne ne peut prétendre s’en affranchir, mais peut-être faut-il s’adosser à un spécialiste. C’est pourquoi, à la FFIE, la gestion prévisionnelle des carrières veille à maintenir les installateurs à jour des normes et des technologies. L’électricien doit connaitre l’évolution des véhicules électriques, l’autoconsommation et le photovoltaïque,…. C’est un métier très large et le dirigeant doit donc prendre du recul pour réfléchir. C’est très difficile quand on est constamment à suivre des chantiers et des devis. Notre implication en province est forte ; plus nous serons nombreux, plus nous pourrons peser sur la filière.

Pourquoi est-ce si long pour que l’électricien français se modernise et intègre les mots « service client » ?
Jusqu’à peu, ce secteur fonctionnait tout seul. En 2008, tout s’écroule et la maturité du dirigeant est mise à rude épreuve. Celui qui ne s’intéresse pas à son futur et n’anticipe pas les tendances lourdes ou petites est perdu. De là à parler de notion de service clients, le pas est grand. L’industrie a intégré le service client depuis 20 ans. Mais en passant de l’installation aux services, ne vaut-il pas mieux avoir des dirigeants avec des stratégies qui délèguent la technique aux équipes terrain ? Tous les installateurs devraient avoir intégré depuis longtemps la notion de proximité et l’exigence « client », au risque de disparaitre d’ici peu. Mais les jeunes ont cette logique au fond d’eux. Le rôle de la FFIE est de tout faire pour leur faire prendre conscience qu’il est nécessaire d’aller chercher eux-mêmes du business. Malgré tous les efforts des constructeurs, c’est à l’installateur d’avoir une démarche commerciale. D’ailleurs, la FFIE va se développer en région pour être plus présent aux côtés des installateurs/intégrateurs.

« La vraie valeur ajoutée vient de notre capacité d’offre et de service de l’installateur ; c’est nous qui avons le contact client final. »

Vous avez participé avec 6 autres organisations à Electricity for life pour la Cop21 le 23 novembre. Quelle idée avez-vous défendu ?
Nous avions très peu de temps pour parler de nos idées mais j’ai tenu à dire que nos adhérents sont au contact des clients et du terrain. Nous devons être pro-actif sur tous les sujets du moment parce que c’est du business. Tout le monde se plaint mais il faut agir pour faire vivre son entreprise.

Trop d’entreprises d’électricité sont de petites tailles et ne grandissent pas. Quels sont les freins à cette croissance ?
Ce n’est pas propre à l’électricité. Il parait que la France crée beaucoup d’entreprises mais elles restent de petite taille. La croissance est très faible et n’aide pas au développement mais il est évident qu’il y a des effets de seuils, des problèmes de financement, de limitation dans l’esprit des dirigeants qui n’osent pas.

Quel est l’impact des objets connectés sur le métier d’électricien ?
Avec la domotique, les objets connectés sont des constituants d’un ensemble plus large. Mais progressivement, cela s’intègre dans nos métiers, comme on l’a déjà dit. Ensuite l’installateur doit comprendre son client et lui proposer les solutions novatrices ce qu’il souhaite. Certain préféreront avoir quelqu’un qui se déplace à domicile si l’alarme retentit, d’autres non. Certaines maisons seront truffées de domotique, d’autres non. Une chose est sûre, l’installateur doit connaitre ces technologies et les proposer car ce sont les nouvelles technologies qui apportent beaucoup de services et donc de business. C’est pour cela que nous avons informé nos adhérents des journées nationales de la domotique de Promotelec. Notre rôle est de mettre en alerte pour retenir l’attention et dire : Levez le nez et regardez les sujets d’actualité.
Personne ne peut prévoir l’étendue des mutations qu’apporteront ces objets, tant dans les comportements que dans le positionnement des acteurs. Il est sûr cependant, que leur bon fonctionnement dépendra, qu’il s’agisse du particulier ou du tertiaire, d’une installation électrique de qualité et que les services associés à cette installation sont appelés à prendre de l’ampleur. Les objets connectés doivent être l’occasion de valoriser le métier traditionnel des entreprises d’installations électriques, à savoir disposer d’un réseau sûr et pérenne, mais aussi pour certains, d’étendre leur métier de base aux services associés.

Pensez-vous que les électriciens doivent avoir de nouvelles méthodes de travail pour se différencier de la concurrence étrangère (lean management, BIM…) ?
On commence. Le BIM est encore loin pour les installateurs tant que toute la filière n’y participe pas comme les architectes et les bureaux d’études. Côté fabricants, les référentiels se construisent. Nous avons d’ailleurs intégré le BIM dans notre commission « Veille et Technologies » depuis peu. Concernant le lean management ou toutes les méthodes de faire au plus juste avec plus d’économies, nous avons dû nous y mettre par la force des choses. Cela nous ramène à la nécessité de se former d’autant plus que les nouvelles technologies déportent des compétences en dehors de notre filière.

Quelle place prend le tertiaire dans votre activité ?
Depuis quelques années, de plus en plus de sociétés d’installation sont sur ces marchés-là. C’est même devenu le cœur de busines de la FFIE. D’ailleurs, la montée en gamme du tertiaire nous interpelle fortement et l’exigence des clients est tout autre que celle des particuliers. Le Bepos, les IRVE, les performances énergétiques globales, le toit photovoltaïque sont autant de sujets à maîtriser. La FFIE communique sur toutes ces thématiques. Cependant, seuls ceux qui s’y seront intéressés en bénéficieront. Dans le tertiaire, j’ajoute également la partie multimedia connectivité qui prend de l’ampleur et nous sommes associés à SVDI pour ce travail commun.

La FFIE était présente sur Interclima+Elec dans l’espace smarthome. Pourquoi ce choix et pourquoi être sur ce salon ?
On ne peut pas être absent de tels évènements et l’espace smarthome correspond à l’avenir de notre métier. Oui, les gros acteurs sont présents et font le marché et les technologies, mais être présent pour la FFIE, c’est rappeler à tous que ce sont les installateurs qui ont le contact terrain et c’est nous qui avons le contact client. La vraie valeur ajoutée vient de la capacité d’offre et de service de l’installateur. Nous en profitons pour rencontrer et enrichir nos offres. Il est normal pour une fédération d’être présente au salon interclima+elec, comme doivent l’être les distributeurs et les fabricants. L’installation a sa valeur ajoutée et apporte du service. Il y a une véritable opportunité. Nos entreprises sont agiles et nous pouvons rapidement nous adapter aux évolutions de marché.

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