Effacement : jouet technocratique ou vrai pas dans l’eco-efficacité énergétique ?

Ghislain de Pierrefeu / (c) DR

145 pages absconses, illustrées de formules mathématiques complexes… c’est la montagne à gravir pour tenter de comprendre les « Règles pour la valorisation des effacements de consommation sur les marchés de l’énergie », autrement appelées Règles Nebef 2.0. S’il est vrai que ces règles s’adressent plutôt à des spécialistes, et qu’un effort certain a été fait pour accompagner cette prose de supports plus didactiques, il n’en reste pas moins que peu nombreux sont les acteurs en mesure d’évaluer réellement l’impact de ces règles sur le décollage ou non de l’effacement en France.

Deux constats aujourd’hui assez criants : le premier est que, à quelques jours de la COP21 à Paris, très rares sont les citoyens français « non-initiés » à savoir ne serait-ce que ce qu’est l’effacement d’électricité et à quoi il sert. Le second est que la France et son historique prédominance du « chauffage électrique » est l’un des pays les plus concernés par la problématique de la pointe, et se situe pourtant très loin derrière les États-Unis, l’Espagne et l’Italie en terme de quantité d’énergie effacée (environ 0,7 GW/an pour un potentiel de 15 GW / an).

En réalité, la complexité technocratique qui entoure ce sujet apparemment simple est le résultat d’un changement significatif dans la chaîne de valeur de l’énergie qui n’est pas sans créer de réelles tensions et donc de (trop) nombreux compromis entre les « anciens » et les « modernes » : de façon simplificatrice, les premiers, fournisseurs installés, estiment qu’un MW/h effacé ne vaut pas le même prix qu’un MW/h produit, et les seconds, agrégateurs d’effacement, jugent que si on n’aligne pas ces deux prix, on bridera le décollage réel de l’effacement en France. Cela ajouté à d’autres débats d’experts sur l’économie d’énergie réelle ou non générée par l’effacement diffus (vraie économie ou simple décalage dans le temps), la nécessité ou non de reverser une part de la prime aux ménages choisissant de s’effacer, la nécessité ou non de dédommager les fournisseurs subissant sans maîtriser des effacements sur leurs clients… a fini par constituer, de projet de règle en décret en passant par la loi de Transition énergétique, une véritable usine à gaz et une incertitude législative qui a largement plombé le décollage de ce marché de l’effacement.

Alors dans ces conditions, 2016 sera-t-elle l’année du décollage de l’effacement en France ? La réponse est à plusieurs vitesses : ce sera en partie le cas pour l’effacement industriel déjà bien engagé pour les entreprises disposant de process industriels aisément décalables. Sans doute pas encore pour l’effacement diffus piloté (tel que celui prévu par les fameuses Bluepod de Voltalis), car de nombreuses incertitudes persistent dans l’article 168 de la loi de Transition énergétique et remettent – encore – beaucoup de décisions aux décrets d’application qui n’apporteront rien de stable avant 2017. En revanche, un vrai potentiel existe pour l’effacement tarifaire (indissociable d’une offre de fourniture) qui est reconnu comme une forme d’effacement valorisable sur le mécanisme de capacité, ce qui devrait générer, rapidement, un vrai décollage.

En attendant le 3e volet de la trilogie Nebef, il semble donc que, sans vraies décisions politiques sur le sujet, la France devra patienter un peu encore avant de pouvoir réellement jouer de façon significative sur sa non-consommation plutôt que sur sa production pour maîtriser cette pointe qui, elle, continue à augmenter année après année.

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