
Francis Soler est architecte, diplômé de l’École d’architecture de Paris/Villemin. Il est inscrit à l’Ordre des architectes de France depuis 1976 et compte près de 35 ans d’expérience. Depuis 1976, il a participé à plus d’une centaine de concours d’architecture pour lesquels il a été déclaré lauréat, dans la plupart des cas. En 1985, il crée une structure libérale, Francis SOLER architecte, et, en 1994, la SA Architectures Francis SOLER, dont il est le dirigeant. Il compte une vingtaine de bâtiments construits comme le Centre de recherches et de développement EDF à Saclay, ou le projet du Centre de conférences internationales de Paris (1990) qui lui valut sa célébrité et lui ouvrit une voie particulière et personnelle à la commande : celle des ouvrages bâtis « sur la limite étroite entre les espaces de l’architecture et ceux de l’art ». Il est récompensé par le Grand Prix National d’Architecture en 1990 et est nommé au grade de Commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres en 2005, puis au grade de Chevalier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur, en 2007.
« Rien que d’imaginer que je puisse lire encore “La lumière est ce matériau noble qui accompagne l’architecture et qui met en valeur ses formes visibles et audacieuses”, me met dans un tel état d’énervement que je me retrouve dans une impasse momentanée et sombre… » C’est ainsi que Francis Soler répondait à la question Qu’est-ce que la lumière pour les architectes ? dans l’ouvrage collectif éponyme (Archibooks, 2013). Nous voilà prévenus. Entre franc-parler et poésie, le propos est direct, pragmatique et sans concession, et nous laisse « entendre cette lumière chuchotante qu’on n’a ni besoin d’allumer, ni d’éteindre ».
Dans notre article consacré au centre de R&D d’EDF Saclay que vous avez conçu (voir Lumières N° 17), vous évoquiez votre fascination pour la lumière. Comment l’intégrez-vous à votre architecture ?
Naturelle ou artificielle, la lumière est utile et nécessaire. C’est bien d’abord une question d’hygiène physiologique et psychologique. Elle se modèle et se travaille un peu comme on manipulerait une matière que l’on dit « première ». À Saclay, j’ai mis l’accent sur la quantité des apports de lumière du jour, en dotant les bâtiments de grandes baies transparentes, permettant aux espaces de recherches de bénéficier le plus longtemps possible, dans la journée, de lumières étonnantes.

On m’a souvent reproché de dénoncer les lieux communs ou les idées toutes faites et redondantes. Je ne suis pas un architecte influencé par les modes et quand je dessine ou construit un bâtiment, je me situe tout de suite à l’intérieur des lieux, à regarder dehors. Il est certain que proposer des murs épais à peine percés fait toujours plus l’unanimité que de larges baies. Plusieurs de mes amis parmi les architectes partagent cette approche : Renzo Piano, avec ses façades généreuses, mais aussi Rudy Ricciotti, Finn Geipel et Anne Demians avec lesquels j’ai œuvré à la construction de quatre immeubles de logements, place d’Auteuil, à Paris. Chaque bâtiment porte la signature de son auteur, mais leur écriture est soumise à une règle précise conjuguant matériaux communs et dispositifs de façades mettant en valeur une luminosité forte des logements et dispositifs « non contrariants » de confidentialité.

“La lumière, comme la technique,
est la clé d’une architecture
d’utilité publique ”
Comment avez-vous abordé la lumière dans ce projet ?
J’ai ouvert tout ce que je pouvais ouvrir, en façades et en structure, en tutoyant les limites de l’effondrement. Les étages sont ceints de balcons courts. J’ai ainsi pu privilégier un espace extérieur qui s’installe dans le prolongement immédiat de l’appartement. Les baies s’ouvrant sur la totalité du linéaire du logement, la lumière naturelle est maximale. On voit ainsi des terrasses intérieures, protégées du vent et des fortes variations de température et fermées comme des vérandas, prolonger l’espace habitable. Les dispositifs, accompagnant des châssis repliables sur eux-mêmes (fenêtres en accordéon), laissent la possibilité à chacun de composer sa lumière, à sa main. La lumière naturelle contribue pour 90 % à la qualité des espaces construits et qu’il s’agisse d’habitations ou de lieux de travail, j’essaye d’anticiper ce qui se passera derrière les baies. Les dispositifs sont à chaque fois redessinés suivant leur destination. L’immeuble de bureaux des Frigos, à Paris, met en scène des verres clairs et des verres dépolis pour que la lumière soit reçue directement ou de manière diffuse.

Quel regard portez-vous sur l’éclairage artificiel ?
Dès que j’aborde ce sujet, dans un projet, je fais appel à des spécialistes. L’éclairage artificiel peut être un projet, en soi, mais à condition qu’il prolonge une lumière naturelle. Pour EDF Saclay, l’étude fut confiée à l’agence 8’18’’, mais je me suis pris au jeu et j’ai dessiné avec Rémy Cimadevilla et Georges Berne l’ensemble des appareils posés. De l’éclairage le plus technique au plus extravagant.

Ainsi, dans le hall d’entrée du Centre, ce sont les puits de lumière du jour circulaires qui se transforment, la nuit tombante, en cercles lumineux projetant des faisceaux circulaires au sol et au plafond. Dans le grand auditorium, sur les larges rubans courbes faits en fonte d’aluminium, nous avons disposé, latéralement et au plafond, des massues de jongleurs éclairées à travers leur membrane acrylique roto-moulée (fabrication originale de Sécante). Ce sont des formes saillantes toute blanches qui s’expulsent des arches acoustiques comme des grappes lumineuses qui viennent éclairer la salle. Et si le rendu esthétique est très important pour la mémorisation de la lumière dans des immeubles qui n’hésitent pas à montrer leur attachement à ses effets positifs, il faut comprendre qu’au préalable, une haute technicité est requise pour canaliser, construire et valoriser une énergie lumineuse, quelle que soit sa place dans le projet.