Tribune : Philippe Pelletier, avocat et président du plan Bâtiment durable

Philippe Pelletier, avocat et président du plan Bâtiment durable

Le 21 mars, Philippe Pelletier, président du plan Bâtiment durable, a remis ses conclusions à la ministre du Logement et de l’Habitat durable, suite à la mission qu’elle lui avait confiée en fin d’année 2016 sur les « Financements de la rénovation énergétique des logements privés et le déploiement du tiers-financement ».

Dans un contexte de renforcement des objectifs environnementaux, la rénovation énergétique des logements constitue l’une des priorités de l’action publique. Les dispositifs sont aujourd’hui en place et une réelle dynamique de la rénovation s’installe. Pour atteindre les objectifs fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, il est cependant indispensable d’accroître cette dynamique et de renforcer la mobilisation, déjà en place, de l’ensemble des acteurs, notamment des acteurs du secteur bancaire.

C’est pourquoi, par lettre de mission du 21 novembre 2016, Emmanuelle Cosse m’a confié une mission relative aux financements de la rénovation énergétique des logements. La lettre de mission appelait à révéler et consolider les initiatives déjà menées sur le territoire et à porter un regard particulier sur la distribution des éco-prêts à taux zéro. La mission supposait aussi de dresser un état des lieux des initiatives de tiers-financement sur le territoire, en précisant les liens qui pourraient être développés avec les acteurs bancaires.

Un premier rapport d’étape a été remis à la ministre en décembre 2016, dressant alors une première cartographie des initiatives repérées. Il a depuis été largement complété, aussi bien dans les nombreuses initiatives territoriales qui y sont relatées que par des pistes d’actions susceptibles d’accroître la mobilisation des acteurs et la dynamique de rénovation. Le rapport remis ce 21 mars 2017 est le fruit d’une large concertation avec les acteurs du financement et de la rénovation énergétique, au plan national comme territorial.

Après avoir dressé un état des lieux des financements de la rénovation énergétique des logements privés, le rapport recense plus d’une soixantaine d’initiatives menées sur le territoire. Il formule plusieurs recommandations pour favoriser le financement et accroître la dynamique de rénovation. Le rapport s’attache à analyser le déploiement du tiers-financement et à identifier les freins à lever pour son développement.

Le rapport formule 14 propositions se regroupant dans cinq actions :

  1. Acquérir une meilleure connaissance des modes de financement, par les ménages, de la rénovation énergétique : le rapport constate que les données sont multiples, éparses et parfois indisponibles pour caractériser la façon dont les ménages financent leur projet et apprécier la pertinence des dispositifs ;
  2. Stabiliser l’écosystème des dispositifs publics, particulièrement des éco-prêts à taux zéro : l’immense besoin de stabilité et de visibilité des éco-prêts à taux zéro individuel et collectif, comme du Cite, est marqué. Le rapport formule une proposition pour associer éco-prêt à taux zéro et bonification des certificats d’économies d’énergie ;
  3. Tirer les enseignements de la diversité des initiatives déjà menées : le rapport révèle que de nombreuses actions ont été menées sur le territoire, avec des résultats contrastés, sans doute pas à la hauteur des attentes, même s’ils sont particulièrement bénéfiques sur le plan de la collaboration des acteurs ;
  4. Favoriser et multiplier les actions partenariales et des dispositifs de droit souple, particulièrement à l’occasion des transactions immobilières : des partenariats amont pourraient utilement accompagner les ménages dans leur projet de financement et les sensibiliser au moment opportun que représente l’achat ou la vente d’un logement, pour engager sa rénovation énergétique ;
  5. Soutenir le déploiement du tiers-financement : principalement porté par les conseils régionaux, le tiers-financement se déploie progressivement, mais rencontre encore des difficultés ; le rapport identifie trois actions de nature à lever les freins.
Remise du rapport par Philippe Pelletier à Emmenuelle Cosse, ministre du Logement et de l’Habitat durable

Nous allons maintenant nous attacher à poursuivre le travail entamé avec les acteurs du financement de la rénovation, notamment en faisant mieux connaître la mobilisation des établissements bancaires. Nous sommes convaincus que le moment de la transaction est un moment opportun pour engager la rénovation du bien qui vient d’être acheté.

Il reste cependant essentiel d’assurer une stabilité des aides afin de maintenir la dynamique amorcée, tout en restant attentif aux simplifications possibles et aux dispositifs innovants de financement tel que le tiers-financement.

Les 14 propositions du rapport « Financements de la rénovation énergétique des logements privés et déploiement du tiers-financement : état des lieux et perspectives », plan Bâtiment durable, mars 2017

  1. Développer une meilleure connaissance collective des modes de financement mobilisés par les ménages pour la rénovation énergétique de leur logement.
  2. Mesurer régulièrement, par des enquêtes plus approfondies que celles existant déjà, l’appétence des ménages au recours à l’emprunt pour le financement des travaux de rénovation énergétique.
  3. Inscrire dans la durée la distribution de l’éco-prêt à taux zéro individuel.
  4. Autoriser, pour cinq années, le cumul sans condition de ressources entre l’éco-prêt à taux zéro et le crédit d’impôt pour la transition énergétique.
  5. Assurer jusqu’en 2022 la stabilité de l’éco-prêt à taux zéro collectif en copropriété.
  6. Fixer le régime du Cite applicable, en cas de travaux réalisés dans un immeuble en copropriété, au jour du vote desdits travaux en assemblée générale des copropriétaires.
  7. Approfondir l’idée d’une bonification des CEE pour les travaux d’efficacité énergétique financés par un éco-prêt à taux zéro.
  8. Dresser rapidement un bilan des AMI régionaux pour mesurer l’efficacité des programmes amorcés.
  9. Proposer aux banques et établissements financiers de recourir aux dispositifs de droit souple (green deals, chartes d’engagement volontaire, inscription dans les plans Bâtiment durable régionaux) pour favoriser et sécuriser la demande de financement.
  10. Engager des actions fortes de mobilisation des agents immobiliers et des notaires pour faire, de toute transaction immobilière, l’occasion privilégiée de la rénovation énergétique du logement financé par un prêt acquisition-amélioration.
  11. Susciter, à l’échelle territoriale, la réalisation de groupements pluridisciplinaires susceptibles d’expérimenter une organisation attractive combinant l’organisation du programme de travaux et les financements dédiés à ces travaux.
  12. Engager, à l’échelle des régions volontaires, une action collective de développement du tiers-financement, dans l’objectif de mutualiser l’action et les moyens vis-à-vis des autorités de tutelle et autres autorités publiques ; encourager des partenariats pour préparer le refinancement des créances.
  13. Recommander aux organismes de caution concernés de développer une offre destinée aux sociétés de tiers-financement afin de favoriser le financement collectif des travaux en copropriété. Le cas échéant, réfléchir au cadre législatif et réglementaire portant sur la sécurisation des syndicats de copropriétaires ayant recours à des prêts collectifs.
  14. Explorer la possibilité d’un régime spécifique de la dette « verte », au plan national ou européen, pouvant aller jusqu’à la déconsolidation totale ou partielle de la dette de la collectivité de rattachement.

 

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