
Architecte DPLG, Dominique Perrault est également diplômé de l’École supérieure des Ponts et Chaussées et de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. Il crée son agence Dominique Perrault Architecture en 1981. En 1989, il gagne le concours de la Bibliothèque nationale de France pour laquelle il reçoit en 1997 le prix Mies van der Rohe. Parmi ses réalisations les plus emblématiques, le vélodrome et la piscine olympique de Berlin, l’extension de la Cour de justice de l’Union européenne à Luxembourg, le centre olympique de tennis à Madrid – couronné du Seoul Metropolitan Architecture Award –, ou encore la tour Fukoku à Osaka. Citons aussi le prix Afex pour l’université féminine Ewha de Séoul, reçu en 2010, tout comme la Grande médaille d’or de l’Académie d’architecture pour l’ensemble de son oeuvre et, en 2015, le Praemium Imperiale, catégorie architecture. Dominique Perrault est officier de la Légion d’honneur et membre de l’Institut de France.
Naturelle ou artificielle, la lumière a toujours été intimement liée à l’architecture et, curieusement, se trouve relayée au second plan, voire totalement absente des appels d’offres. Dominique Perrault souligne cet étrange paradoxe : alors qu’elle constitue une composante vitale de notre quotidien et donc des espaces que nous occupons, la lumière se limite trop souvent à l’expression de lux normés. « Puisse la perception de la lumière redevenir une composante du bonheur de la promenade architecturale. »
Qu’il s’agisse de s’en protéger ou au contraire de la laisser pénétrer dans le bâtiment, comment traitez-vous ce double aspect de la lumière naturelle dans vos concepts architecturaux ?
Dominique Perrault – À la fois matérielle et immatérielle, la lumière constitue un véritable matériau. Même si on ne peut pas la comparer au verre ou au métal, elle se manipule et se transforme, à l’image du son et du vide. Pour que l’architecture puisse être vécue par l’homme, le vide est nécessaire entre les parois, créant des espaces, des volumes habités par la lumière. Elle va donner naissance à des reflets, des ombres, des transparences, des zones plus claires, faisant vivre ainsi l’architecture.
Mais cette composante n’est curieusement pas prise en compte dans sa dimension essentielle. Il suffit d’analyser les appels d’offres : l’industriel fournit des appareils électriques, l’électricien se charge du câblage et le poseur finalise les installations. L’éclairage n’est pas considéré comme un élément global alors qu’il va animer et transformer les lieux dans lesquels ce matériel est installé. C’est pour cette raison que nous travaillons avec des designers et des éclairagistes qui se consacrent à définir et à développer des ambiances et des objets lumineux.

Si le contrôle de l’éclairage artificiel s’avère relativement facile grâce à la maîtrise des technologies, des formes, des matériaux eux-mêmes, il en va différemment en ce qui concerne la lumière naturelle. C’est au bâtiment de s’adapter : il peut être surexposé, sous-exposé, la lumière trop incidente, etc., il faut donc faire appel à des systèmes pour s’en protéger ou tout au moins la filtrer. L’architecture joue ici pleinement son rôle d’enveloppe protectrice en gérant, en termes de quantité mais aussi de qualité, les apports solaires et la relation entre le dedans et le dehors.
Sans lumière, les matériaux n’existent pas, la vie ne peut pas se développer, cette composante de notre environnement s’avère donc essentielle à la vie de l’architecture, en tant qu’objet construit et esthétique. Or, on s’attarde davantage à compter les mètres carrés qu’à porter attention à l’ambiance confortable au sein du bâtiment. Il existe une sorte de démagogie, de démocratie molle, qui cherche à ce que chacun bénéficie néanmoins de sa part de lumière. Ainsi, les normes répartissent les éclairements selon des coefficients et des performances prédéterminés, au demeurant tout à fait intéressants car ils garantissent des niveaux lumineux dans les espaces intérieurs, mais quid de la poésie, de l’émerveillement, de l’enchantement que la lumière peut nous apporter ? Des lux normés sur un plan de travail n’ont jamais fait le bonheur de l’humanité !
Une lumière diffusée, conduite, organisée en relation avec des usages, des moments dans la journée, avec toute une vie du quotidien, reste, pour l’instant, un peu loin des préoccupations des commanditaires. Il serait bienvenu que cette perception de la lumière redevînt une composante du bonheur de la promenade architecturale.
“La lumière
fait vivre
l’architecture ”

Qu’en est-il des illuminations extérieures de l’architecture ?
Mes bâtiments sont rarement illuminés, c’est un choix, mais ils ne restent pas pour autant dans l’ombre. Prenons l’exemple de l’université Ewha de Séoul : la nuit, elle est éclairée uniquement de l’intérieur, l’effet est absolument somptueux. Pensée comme une scénographie délibérée et choisie, la lumière issue de l’intérieur fait rayonner le bâtiment, c’est un spectacle nocturne élégant, magique, assez mystérieux, que je trouve extrêmement beau, comme la vision de la Bnf dont seuls les pignons éclairés en dessinent la silhouette, la nuit. Illuminer des monuments historiques avec des projecteurs sur les façades est d’un grotesque absolu.

Vous avez souvent créé, avec Gaëlle Lauriot-Prévost, des objets lumineux architecturaux inspirés de designs de luminaires industriels. Comment appréhendez-vous ces concepts ?
J’ai une certaine fascination pour ce qui est produit par l’industrie en matière de finition, de précision, de performance, de technique ; l’architecture s’inspire de l’industrie depuis toujours, c’est historique. L’idée consiste à inscrire dans nos concepts ce travail d’une formidable qualité, mais avec des tolérances bien moindres que celles de la construction. Nous cherchons à domestiquer cette production, à l’apprivoiser de façon à ce qu’elle entre dans la maison, les bâtiments publics, les bureaux et les musées, etc.
La fabrication de ces pièces industrielles prend une dimension très contemporaine et moderne une fois qu’elles sont contextualisées, et c’est le travail permanent de Gaëlle Lauriot-Prévost sur l’ensemble de ces objets et de ces matériaux.
Cet article est une bouffée de réconfort et d’espoir. A une époque où la cacophonie règne en maître avec l’arrivée des LED qui annoncent à grand renfort de lobbying une rupture technologique, les acteurs de la filière éclairage confondent les monuments avec les danseuses de cabaret.
Comment est-il encore possible, au troisième millénaire, que dans l’acte de construire la LUMIERE ne soit toujours pas considérée à sa pleine valeur. Neuf réalisations sur dix se font sans études professionnelles, alors que la trilogie LUMIERE / ECLAIRAGE / COULEUR est le point central de l’Interdisciplinarité, la base de presque tous nos apprentissages, régit notre perception du monde qui nous entoure, crée la visibilité et la lisibilité des espaces, permet nos a