La rénovation du parc tertiaire : volontaire ou réglementaire ? Surtout prioritaire !

Philippe Pelletier, avocat et président du plan Bâtiment durable

Par l’un des derniers JO du précédent quinquennat, le décret organisant l’obligation de travaux d’amélioration de la performance énergétique dans le parc tertiaire a enfin été publié. Mais c’était sans compter le recours formé par trois fédérations, recours qui a conduit le Conseil d’État à suspendre l’application du texte réglementaire.

Après sept ans d’attente, le décret organisant l’obligation de travaux dans le parc tertiaire public et privé a été enfin publié. Très vite attaqué et aujourd’hui suspendu par le Conseil d’État : pouvez-vous nous éclairer sur ce feuilleton ?
Philippe Pelletier –
La loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 a posé, en son article 3, le principe d’une obligation de rénovation thermique dans le parc tertiaire public et privé, à réaliser entre 2012 et 2020. La loi promulguée, l’administration avait confié au plan Bâtiment durable le soin de conduire une mission de préfiguration du texte réglementaire. Au terme d’une large consultation, les lignes forces de ce texte avaient été élaborées. Faute de voir le texte publié, nous avons décidé de lancer en 2013 la charte d’engagement volontaire pour la rénovation du parc tertiaire, qui a permis une véritable dynamique collective. Fin 2015, la rédaction du texte réglementaire remise sur le métier, le plan Bâtiment durable et le comité de pilotage de la charte tertiaire ont largement participé à l’élaboration du texte. Transmis au Conseil d’État début 2016, le texte a finalement été publié en mai 2017. Trois fédérations, issues du secteur du commerce et de l’hôtellerie, ont formé deux recours, l’un visant à suspendre l’application du texte, l’autre sur le fond, visant son annulation. Le Conseil d’État a suspendu le texte jusqu’en 2020 avant de se prononcer sur le fond d’ici quelques mois.

Et maintenant que faire ? Le sujet de la rénovation énergétique des bâtiments tertiaires n’est-il plus prioritaire ?
P. P. –
Au contraire ! La rénovation énergétique des bâtiments tertiaires, spécialement dans le champ public, est l’une des priorités de l’action gouvernementale. C’était un engagement fort du candidat Macron et c’est désormais l’un des piliers du plan Climat. Une enveloppe de 4 milliards d’euros issue du grand plan d’investissements devrait favoriser la rénovation des bâtiments de l’État. L’accent sera également mis sur un vaste plan de rénovation des locaux éducatifs, en contractualisant avec les différentes collectivités. C’est le « Plan Bâtiments scolaires » que j’appelais de mes vœux depuis plusieurs années ; je suis persuadé qu’il y a là une approche vertueuse qui peut également conduire à amplifier la rénovation énergétique des logements, en faisant des enfants les ambassadeurs du sujet. Un focus particulier devrait également être opéré sur les hôpitaux et les bâtiments de santé. Enfin, il faut rappeler que la loi de transition énergétique a prolongé jusqu’en 2050, par périodes successives de dix ans, l’obligation de rénovation initialement posée jusqu’en 2020 par la loi Grenelle 2. L’objectif est de parvenir in fine à une réduction de 60 % de la consommation d’énergie du parc.

Quel rôle entend jouer le plan Bâtiment durable ?
P. P. –
Il nous faut sans attendre poursuivre la dynamique volontaire pour éviter que la suspension du décret ne vienne casser le mouvement qui s’était mis en place. Nous allons proposer une version « 2017 » de la charte tertiaire, en accord avec l’évolution du contexte et des objectifs. Le plan Bâtiment durable va également mettre rapidement en place un groupe de travail sur la rénovation énergétique des bâtiments éducatifs : faire connaître les expériences, susciter les échanges, informer les élus, mobiliser les financements, simplifier l’action…  Enfin, du point de vue réglementaire, il faut vite se remettre au travail. Le Conseil d’État a  suspendu l’application du décret au motif notamment que les modulations de taille ou de spécificités des activités n’étaient pas inscrites dans la loi. Il est donc urgent de donner au décret, dont les modulations étaient justes, la base légale nécessaire. Il faut rapidement reprendre le dialogue avec l’ensemble des acteurs pour préparer un nouveau décret à l’horizon 2030 et construire ainsi les étapes qui nous conduisent jusqu’en 2050.

 

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