
Diplômée de Génie civil, Architecture et Construction, parcours « Ambiance et Confort dans l’Architecture et l’Urbanisme » de l’université de Bordeaux 1, Loeïza Cabaret a intégré l’agence Concepto en 2011. « J’aime penser la lumière en couleurs, en formes, avec des images, des rythmes et des sensations que je traduis en infographie. J’essaie à chaque fois d’utiliser la lumière comme un outil nous permettant d’améliorer, de transformer, d’imaginer une ville et une vie nocturne à l’écoute des gens qui la vivent. » C’est donc tout naturellement que la plasticienne lumière s’est investie pleinement dans la « carte lumière » de Paris lorsque l’agence Concepto s’est vu confier ce projet.
Loeïza Cabaret, vous faites partie de la nouvelle génération de concepteurs lumière, comment abordez-vous vos projets ?
Issue des arts appliqués, j’ai plutôt une approche créative, qui tient compte des sensations que peut offrir la lumière, un peu en dehors des conventions d’éclairagisme. Et si mes propositions sont les bienvenues au sein de l’agence, il m’est parfois difficile de les transmettre à l’extérieur. Cependant, cette sensibilité, que j’ai mise au service des concepts développés dans le cadre de la carte lumière de Paris, a su convaincre.
Sur quoi repose le principe de cette carte lumière ?
Dans le cadre du marché à performance énergétique signé avec Evesa et la Ville de Paris, l’agence Concepto a été consultée pour établir un diagnostic portant sur toutes les illuminations existantes de la ville ; l’objectif étant de redistribuer le patrimoine illuminé de Paris dans chaque arrondissement. Nous avons procédé tout d’abord à un inventaire qui a abouti au classement des installations en trois catégories : celles que l’on pouvait supprimer, celles qui devaient être rénovées et donc prises en charge par Evesa, et enfin, les nouvelles illuminations dont les concepts ont été confiés à Concepto.

Quel était le cahier des charges ?
Les mises en scène concernent uniquement des bâtiments publics construits récemment et des places de quartier (validés par la Ville de Paris), elles doivent être simples, respecter des contraintes de budget (à 75 000 € pour les équipements et 45 000 € pour les places) et surtout, consommer moins de1 kW. Nous avons sélectionné les bâtiments par typologie – gymnases, crèches, écoles, collèges et médiathèques – et selon leur géographie : ils sont tous situés dans les arrondissements périphériques. Le contrat prend fin en 2021 et 20 réalisations devraient être terminées. Aujourd’hui, six installations ont vu le jour. Le processus est un peu long : une première esquisse est validée par les élus de l’arrondissement et toute l’équipe de la section éclairage public dirigée par Patrick Duguet ; ensuite, il nous faut l’autorisation de l’architecte qui a conçu le bâtiment, l’aval d’Evesa et enfin, la validation du choix des matériels.
Pouvez-vous nous citer quelques exemples et les commenter ?
Tout d’abord, je tiens à souligner que nous avons défini une stratégie lumière, un fil conducteur pour chaque typologie de bâtiments : à chacune d’elles, nous avons attribué un code de couleurs et d’effets lumineux ;par exemple, pour les écoles, nous utilisons l’orange, le jaune, le blanc, le rouge, le violet ; pour les gymnases, le vert, le cyan, le rouge, le framboise. Nous créons ainsi des mises en lumière de petite dimension sur les façades et l’utilisation de gobos sert également notre propos. La crèche Dagorno (architecte Emmanuelle Colboc), dans le XXe arrondissement, reproduit notamment des dessins d’enfants via l’utilisation de gobos. L’allumage démarre le matin (en hiver), puis s’éteint dans la journée, pour reprendre le soir jusqu’à la fermeture de la crèche. Les horaires sont mis en oeuvre par les services techniques de la Ville de Paris pour chaque type d’établissement. En ce qui concerne le gymnase Reuilly, dans le XIIe (architecte Stoffel et Lefebvre), l’approche a été différente : nous avons joué sur la transparence du bâtiment et sa structure vitrée et ainsi que l’impact de l’éclairage intérieur. De plus, tous les luminaires devaient être installés en extérieur, de façon à être accessibles aux opérateurs de maintenance d’Evesa.
Vous évoquiez votre approche intuitive de la lumière : est-ce que cela vous a incitée à contacter les riverains ou les utilisateurs pour chaque projet ?
Ce n’est pas toujours facile, mais en effet, nous avons à chaque fois visité le site et présenté le concept d’éclairage aux élus ou aux services techniques, et parfois échangé avec les riverains lors des essais. Je rappelle qu’il s’agit de bâtiments utilisés par les Parisiens au quotidien, il n’est donc pas rare que les habitants s’en approprient spontanément l’éclairage. Ces mises en lumière sont d’ailleurs perçues comme un accompagnement de la vie nocturne des riverains, qui sont bien conscients également qu’elles s’inscrivent dans une démarche de développement durable.

Conception lumière : Loeïza Cabaret, Concepto. – Des dessins d’enfants sont
projetés à l’aide de gobos (Philips Lighting) sur la façade, tandis que les fenêtres
bénéficient d’un éclairage coloré réalisé à l’aide de réglettes LED (LEC).


Retrouvez l’interview de Loeïza Cabaret dans le Cahier Technique de notre précédent numéro.