Câblage structuré, le système nerveux central du bâtiment

Sur sa route vers le tout-connecté, le bâtiment se transforme pour assumer l’émergence de l’Internet des objets (IoT), l’augmentation du nombre d’utilisateurs et d’équipements connectés, mais aussi des points d’accès sans fil et de la télé-alimentation, notamment dans les salles de réunion. Les réseaux voix, données, images (VDI) traditionnels ont laissé la place depuis quelques années au câblage structuré, avec pour principal objectif de supporter la demande exponentielle en débit.

Le processus de convergence des différents systèmes du bâtiment est rendu possible par le protocole IP (Internet protocol), qui signe la fin des protocoles propriétaires ou la nécessité de rendre compatibles ces protocoles avec l’IP. L’IP permet d’attribuer à chaque appareil une adresse, autorisant ainsi la circulation des données dans le réseau. Initialement utilisé pour la transmission des données sur le réseau Ethernet, l’IP prend actuellement en charge les transmissions téléphoniques et, plus récemment, l’ensemble des outils de gestion du bâtiment. Ces derniers, très fortement marqués par les protocoles propriétaires, qui rendaient complexe l’interopérabilité entre les équipements des différents fabricants, ont effectué leur migration vers les protocoles IP sur paires torsadées. Et les paires torsadées, plus souvent connues sous le nom de câbles RJ45, permettent également la transmission des données audio et vidéo. Comme l’explique Olivier Parizot, Directeur marketing de CAE Groupe : « L’accélérateur de la convergence vient du couple paire torsadée et connecteur RJ45. »

Olivier Parizot

Le PoE, nouvelle donne dans le bâtiment intelligent
Après avoir su prendre en charge les liaisons Ethernet, téléphoniques, l’audio, la vidéo et la communication entre les équipements de gestion du bâtiment, les câbles RJ45 permettent aujourd’hui, en plus d’apporter de la connectivité, d’alimenter les équipements en électricité. Plus besoin de deux câbles (un pour la connectivité et l’autre pour l’alimentation), un seul suffit, ce qui représente des économies substantielles en ressources, mais aussi en main-d’œuvre lors des opérations d’installation. À terme, l’objectif est de remplacer l’ensemble des câbles de connexion basse tension par des paires torsadées/RJ45. Initialement de 24 W, les puissances vont rapidement augmenter pour atteindre les 90 W (4p PoE). Une puissance qui pourrait permettre d’alimenter un téléviseur ou un ordinateur en électricité et en connectivité.

Connecteur RJ45 sur une paire torsadée ou câble Ethernet. © DR

Pour le Sycabel (association française des fabricants de fils et de câbles), « la nouvelle norme 4p PoE IEEE 802.3bt prévue pour fin 2018 est une évolution majeure qui permettra de répondre à de nouveaux usages (éclairage LED et raccordement en puissance et données d’affichage dynamique, ordinateur…) ». Cependant, explique Julien Leroy, Structured Cabling Solutions Product Manager chez Acome, « des précautions sont à prendre sur le choix du câble. En particulier, les câbles avec des conducteurs en aluminium plaqué de cuivre (CCA) sont à proscrire (ils ne sont d’ailleurs pas conformes aux normes en vigueur), car l’augmentation de température due au passage du courant sera beaucoup plus importante pour ces câbles dans la mesure où la résistance du conducteur est plus élevée ». Or, la principale problématique avec l’arrivée du 4p PoE est la montée en température du conducteur cuivre qui ne doit pas dépasser 60 °C. « Il faudra donc veiller à choisir des composants (câbles et également connecteurs) de qualité et spécifiés comme conformes à l’utilisation en 4p PoE », précise l’expert. Une attention particulière devra être apportée aux conditions d’installation favorisant la dissipation de chaleur, les câbles blindés étant bien meilleurs que les câbles non blindés de ce point de vue.

Julien Leroy

PoE et évolutions de l’éclairage
Le PoE représente également des applications intéressantes dans le domaine de l’éclairage. Avec le déploiement massif des solutions LED, les sources lumineuses nécessitent une faible quantité d’électricité pour fonctionner. Alimentés par un câble RJ45, ces luminaires s’intègrent à un système de gestion de l’éclairage. Un autre type d’installation, les systèmes de « ceiling switches », consiste à intégrer des switches dans les faux plafonds, alimentant des ensembles de points lumineux en électricité et en intelligence. Ces systèmes, couplés aux détecteurs de présence, de mouvements ou de lumière du jour permettent d’éclairer les différents espaces d’une manière efficace, générant ainsi des économies d’énergie substantielles.

Les protocoles VDI convergent vers l’IP
Après le HDMI, les équipements audio et vidéo convergent également vers l’IP, avec le nouveau protocole HDBaseT, fonctionnant avec une connexion câblée en RJ45. Ce protocole oblige à faire partir le câble d’un sous-répartiteur, mais permet d’éviter de connecter les équipements en HDMI (et de ne pas être contraint par des cordons de faible longueur). Il est donc important d’équiper les salles de réunion ou les bureaux de câbles RJ45, qui acheminent l’électricité et les données depuis un sous-répartiteur jusqu’à l’équipement installé.

Le câblage structuré, nouvelle architecture réseau
Toutes ces évolutions permettent de remplacer le réseau VDI traditionnel, composé d’une multitude de câbles d’alimentation et de connexion divers, en un réseau de câblage structuré. Ce câblage structuré se caractérise par une ou plusieurs connexions entrantes, qui relient le bâtiment au reste du réseau. Ces connexions entrantes irriguent la salle d’équipements réseaux qui accueille les serveurs informatiques qui sont eux-mêmes connectés aux salles de télécommunication, aussi appelées locaux techniques d’étages ou sous-répartiteurs. C’est à cet endroit que le réseau vertical, qui relie la plupart du temps en fibre optique les salles de télécommunications entre elles ainsi que les réseaux extérieurs, rencontre le réseau horizontal, qui fait le lien entre les salles de télécommunications et chaque connecteur individuel dans les bureaux ou encore les équipements connectés. Enfin, un câble de raccordement connecte les équipements de l’utilisateur au câblage horizontal.

Différentes topologies d’architectures réseaux. © Sycabel

Les architectures réseaux vont poursuivre leurs évolutions
La première tendance consiste à décentraliser les locaux techniques et à les éclater dans le bâtiment. Cette décentralisation, en raison des coûts de l’immobilier, permettrait de gagner de l’espace dans les bâtiments en favorisant des « mini-locaux techniques », disséminés dans les faux plafonds, plutôt que les locaux actuels, qui occupent des mètres carrés utiles. Il s’agira donc d’une nouvelle topologie, constituée de points de consolidation actifs.

Une autre évolution viendra, pour les infrastructures étendues, d’un câblage réalisé dans son intégralité en fibre optique. Deux types d’installation vont émerger : le « Fiber to the office » (FTTO), qui repose sur le protocole Ethernet utilisé actuellement dans le bâtiment, permet d’amener la fibre jusqu’au bureau en le raccordant au dispositif de terminaison intérieure optique (DTIO), et le « Passive optical LAN », qui s’appuie sur les protocoles utilisés actuellement par les entreprises de télécoms.

Des études en TCO (Total Cost of Ownership) permettront d’évaluer les cas de figure les plus intéressants pour ces nouvelles solutions.


Les normes et labels

ISO/IEC 11801-1 à -6 (octobre 2017) : cette norme définit le câblage dans son intégralité, qu’il s’agisse de performance, de topologie ou d’environnement d’installation.
RPC : loi européenne fixant les exigences de sécurité feu des produits installés de façon permanente dans les ouvrages de construction, comme les câbles. Elle est en vigueur depuis le 1er juillet 2017 pour ce qui concerne les performances de réaction au feu des câbles qui lui sont soumis.
EN 50575 spécifie les caractéristiques produits, les méthodes d’essai, l’évaluation et la vérification de la constance de la performance, le marquage CE et la déclaration de performance des câbles soumis à l’exigence de réaction au feu du RPC.
EN 13501-3 définit les niveaux de sévérité (EUROCLASSE) et les critères additionnels (acidité, gouttelettes, fumée) de l’exigence de réaction au feu du RPC.
– La série de normes IEC EN NF 61156 spécifie les performances et les méthodes d’essai des catégories de câbles Ethernet.


L’objectif du câblage structuré
Le câblage structuré permet de faire circuler les informations de la manière la plus fluide possible entre les différents points de raccordement et d’apporter un maillage suffisamment important pour interconnecter l’ensemble des équipements et créer ainsi un réseau unique, faisant appel exclusivement à des paires torsadées reliées aux différents points par les fameux connecteurs RJ45. Ce type d’architecture diffère des infrastructures VDI traditionnelles, séparées selon la nature des équipements, qu’il s’agisse de communication, de sécurité ou de gestion technique du bâtiment.

Le câblage structuré permet de prendre en charge tous les équipements
Ces nouvelles architectures réseaux prennent en charge l’ensemble des équipements du bâtiment selon les trois domaines que sont la communication (téléphonie, informatique, vidéo, audio), la sécurité (vidéosurveillance, contrôle d’accès, sécurité incendie, alarme et intrusion) et la gestion technique du bâtiment (éclairage, CVC, ascenseurs, gestion de l’énergie). « La sécurité et la gestion technique du bâtiment sont deux domaines où de fortes évolutions d’infrastructures sont attendues. En effet, la plupart de ces applications utilisent des réseaux et des protocoles dédiés ; avec l’IP, elles transiteront sur un support unique et seront gérées de manière centralisée générant ainsi des gains de planification, d’installation et de maintenance majeurs », explique Jean-Jacques Sage, Europ Sales & Marketing Director chez Nexans.

Ne pas sous-estimer le dimensionnement des installations
Selon Olivier Parizot, « il est essentiel, au moment de la conception de l’installation, de prendre en compte les potentiels besoins futurs. Il faut donc faire bien attention à ne pas sous-estimer la densité du maillage et le nombre de points d’accès. » À titre d’exemple, aujourd’hui, dans un bâtiment moderne, c’est a minima 16 points accès pour une salle de réunion (couverture Wi-Fi, point d’accès 4G-5G, contrôle de la luminosité, de la présence, de l’intensité lumineuse, luminaires, serrure et gâche commandée, interface de gestion de la salle, gestion des stores, VMC…), Il est conseillé de prévoir une certaine marge lors de la conception du câblage structuré, évitant ainsi de devoir revoir l’installation et d’occasionner des coûts supplémentaires. Un autre point essentiel est d’anticiper les technologies, comme nous l’explique l’expert : « La catégorie 6a permet d’atteindre les 10 Gb d’Ethernet. La 6a blindée s’est donc imposée comme la catégorie à installer aujourd’hui pour prévoir les évolutions technologiques de demain. » La préférence pour cette catégorie de câbles est donc un moyen d’anticiper les contraintes de débit et d’échauffement liées au PoE.


Le Règlement des Produits de Construction appliqué aux câbles


Gestion du réseau et disponibilité des équipements
Pour optimiser la circulation des données dans le bâtiment, il est essentiel de s’adosser à un logiciel d’administration du réseau. Ces logiciels contrôlent la disponibilité des équipements et surveillent le réseau en identifiant les différents flux ainsi que les boucles de cicatrisation. Ils permettent également de monitorer l’ensemble des switches du bâtiment en créant des VLAN (réseaux locaux virtuels), essentiels pour faire cohabiter les différents métiers au sein du même réseau. Selon Thierry Vajsman, Responsable Activité Infrastructures urbaines chez Phoenix Contact : « Ces VLAN font office de barrière virtuelle software pour séparer les métiers et ainsi, dissocier les différents médias. Au sein d’un même câble RJ45 circulent des données issues des caméras de surveillance, d’interphonie, ou encore de contrôleurs GTC. » Il est donc nécessaire de hiérarchiser les informations qui circulent dans les switches. L’IP, en générant des domaines d’adresses différents selon les métiers du bâtiment (contrôle d’accès, VDI, caméras…), permet de créer une hiérarchie entre ces métiers. Selon l’expert : « Si tous ces métiers cohabitaient sans être séparés et hiérarchisés en VLAN, cela créerait des goulots d’étranglement entre les différentes données qui circulent dans un même câble, notamment entre les informations entrantes et sortantes. Il est donc essentiel de créer des priorités par métier. Le plus souvent, les équipements IT sont prioritaires, suivis par les métiers de la sécurité, puis de la GTC. »

Thierry Vajsman

Un autre point clé est celui de la disponibilité des équipements et ce, en permanence. Pour cela, les modes de câblage évoluent et les architectures plus traditionnelles dites « en étoiles », conçues avec un switch pivot relié à un ensemble d’équipements, sont remplacées par des architectures « en boucles ». La création de boucles imbriquées au sein du réseau permet la cicatrisation (ou redondance) des équipements et une disponibilité avoisinant les 100 %. Selon Thierry Vajsman, « en plus de la création de boucles, il faut opter pour des switches capables de gérer jusqu’à 10 Gb de données, ce qui permet d’accroître davantage la disponibilité des équipements qui composent l’installation. »

Switches Ethernet industriels administrés FL SWITCH 4808E-16FX-4GC – 2891079.
© Phoenix Contact

Quid de la supervision ?
Au sein d’un réseau de câblage structuré, la circulation des informations, en plus d’être gérée physiquement, peut faire l’objet d’une supervision, comme nous l’explique Christophe da Fonseca, Sales Development Manager France chez Paessler, éditeur de la solution de supervision PRTG : « La supervision consiste à surveiller l’ensemble des éléments qui composent le réseau, en détectant les éventuels dysfonctionnements ou franchissement de seuils. » Auparavant, ces réseaux incluaient différents types de câblages, différents protocoles indépendants les uns des autres. Aujourd’hui, toutes les données générées par les équipements du bâtiment empruntent les mêmes canaux : « Le premier élément à surveiller est la bande passante, c’est-à-dire la taille de l’autoroute et les types d’informations qui y circulent. À titre d’exemple, la circulation des données vidéo est très gourmande en bande passante, les données vocales ne sont pas gourmandes, mais nécessitent un signal constant. Il est donc essentiel d’administrer le réseau pour que le passage de données vidéo n’altère pas la transmission des données vocales ou ralentisse l’ensemble du réseau », poursuit Christophe da Fonseca.

Christophe Da Fonseca

De plus, dans un réseau IP, tous les éléments connectés au réseau peuvent être supervisés et plus le bâtiment est intelligent, plus le nombre de points à superviser est important. L’objectif est donc de centraliser l’ensemble des informations et d’agir en fonction des problèmes détectés : dans un bâtiment intelligent, si les administrateurs souhaitent surveiller le fonctionnement global de la fonction climatisation, ils doivent disposer des informations concernant l’ensemble des points de climatisation du bâtiment et vérifier lesquels répondent ou ne répondent pas. De plus, des vérifications peuvent être effectuées en mode d’utilisation normal ou en mode réduit, comme le soir et le week-end, par exemple. « En plus de la supervision, il est possible d’ajouter des éléments actifs qui permettent d’assurer la qualité de service (QoS). Souvent intégrée aux switches, cette fonctionnalité permettra de prioriser les flux de données en leur accordant une part de la bande passante, par usage et/ou par type de données. Ce qui permet de s’assurer des flux constants, pour les communications voix (VoiP), par exemple », conclut l’expert.

Interface de supervision du réseau. © Paessler

Gain de temps et d’argent pour la maintenance-gestion du réseau
Le câblage structuré, en prenant en charge l’ensemble des équipements du bâtiment, génère des économies substantielles en maintenance et en gestion. Dans le cas d’une architecture réseau VDI dite classique, il est nécessaire de disposer d’un gestionnaire par type de réseau. Dans le cas d’un bâtiment intelligent, équipé d’un système de câblage structuré, la gestion du réseau est donc simplifiée et souvent confiée dans son ensemble au service informatique. De plus, les réseaux IP sont accessibles de l’extérieur ou « remotables ». La gestion du réseau et des équipements qui le composent peut donc se faire depuis un point unique et ce, depuis l’autre bout du monde.


Bâtiment, réseau, câbles et empreinte environnementale

 

 

Minimiser l’impact environnemental du bâtiment et de tout ce qui le compose est une nécessité. Le réseau de communication peut contribuer efficacement à réduire cet impact tout en garantissant la plus grande performance du réseau en jouant sur les critères suivants :
– diminuer la consommation électrique du réseau ;
– réduire les quantités des matériaux constituant le réseau ;
– limiter les mètres carrés dédiés aux locaux techniques ;
– PEP ecopassport® : unique en Europe.

Créée par le syndicat des câbliers français (SYCABEL) et les principaux acteurs de la filière électrique et du génie climatique, l’association PEP ecopassport® est une initiative française. Elle est opérationnelle depuis juin 2010. Le programme PEP ecopassport® fournit un cadre de référence international.


La centralisation, vecteur d’économies d’énergie
Mais cette rationalisation ne concerne pas uniquement les effectifs. Ce système centralisé permet de gérer au plus juste la consommation énergétique, car l’IP est capable de faire communiquer des équipements complémentaires, éclatés auparavant sur différents réseaux. Le réseau lié à la sécurité du bâtiment, intégrant par exemple des capteurs de présence, donne aujourd’hui des informations aux systèmes d’éclairage ou de climatisation sur l’occupation du lieu. Cela permet d’éviter de continuer à faire fonctionner les équipements lorsque le lieu n’est pas occupé. Et les exemples sont nombreux.

Selon Olivier Parizot, « il n’y a plus de différences entre les infrastructures smart building, datacenter ou Industrie 4.0. En revanche, les équipements à installer peuvent être différents. À titre d’exemple, dans le cas des hôpitaux ou de l’industrie alimentaire, les câbles installés peuvent être antimicrobiens. Mais les architectures restent quasiment semblables. » Ce qui est valable pour les bâtiments tertiaires est donc valable pour tous les bâtiments. Une précision qui simplifie le travail des installateurs, qui se basent sur un déploiement standardisé, rendu spécifique par les équipements et l’environnement qui composent le réseau.

Alexandre Arène

 

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