Guy Lacroix, président du Serce : « Le Serce appelle de ses vœux le passage de la parole aux actes en matière de mesures liées à l’efficacité énergétique des bâtiments tertiaires. »

Guy Lacroix, président du Serce.

Le Serce, Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique, fédère un réseau de 250 adhérents. Les entreprises qui le composent représentent un large périmètre d’activités, allant des installations industrielles et tertiaires aux systèmes d’information et de communication, en passant par les réseaux d’énergie électrique, ce qui les met au cœur des enjeux de la transition énergétique.

Pouvez-vous nous présenter les actions du Serce en faveur de l’efficacité énergétique des bâtiments tertiaires, industriels et collectifs ?
Guy Lacroix – Le Serce valorise depuis près de 10 ans les démarches d’efficacité énergétique dans les bâtiments. C’est donc tout naturellement que nous sommes intervenus lors de la discussion du projet de loi Elan (portant sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) à propos de l’article relatif au décret sur la rénovation énergétique des bâtiments tertiaires. Nos demandes ont été entendues par les parlementaires, notamment sur la comptabilisation des économies d’énergie en énergie finale et l’introduction d’une procédure de sanction pour les bâtiments qui ne respectent pas l’objectif fixé par la loi.
Nous participons aussi aux groupes de travail mis en place par l’Administration à la suite de la parution de la loi en novembre dernier. Nous y apportons l’expérience des experts d’entreprises dans chaque domaine de bâtiments concernés, qu’il s’agisse de bureaux, de commerces, de bâtiments publics, d’hôtels ou de restaurants, de bâtiments d’enseignement, de santé, de gares, d’aérogares, ou encore de hangars logistiques. Ils donnent des exemples concrets, soulignant le fait que beaucoup a déjà été fait et que l’atteinte des objectifs est tout à fait réalisable. Enfin, le Serce participe activement aux travaux menés sur le dispositif des certificats d’économies d’énergies (CEE) au sein de l’Association technique énergie environnement (ATEE) et de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), afin de valoriser les opérations efficaces, déployées sur le terrain par ses adhérents. Le Serce travaille notamment sur la valorisation des contrats de performance énergétique (CPE) via les CEE.

Quelle est, selon vous, la place du bâtiment et de l’efficacité énergétique pour atteindre la trajectoire énergétique fixée par les pouvoirs publics ?
G. L. – Le bâtiment représente 45 % des consommations d’énergie et émet plus de 25 % des gaz à effet de serre. L’efficacité énergétique des bâtiments est essentielle et se trouve être l’un des piliers de la réussite de la transition énergétique. Les orientations de la PPE présentées en novembre 2018 font de l’efficacité énergétique le premier objectif de la stratégie française de lutte contre le réchauffement climatique, avec des mesures portant principalement sur la rénovation des bâtiments résidentiels et tertiaires. C’est un sujet pour lequel le Serce se bat depuis des années et sur lequel nos entreprises ont développé une véritable expertise en tant qu’intégrateurs. La publication du décret sur la rénovation des bâtiments tertiaires est donc essentielle à nos yeux. La concertation est menée avec sérieux et nous souhaitons que le texte soit suffisamment exigeant pour permettre la réalisation des objectifs ambitieux fixés par la loi Elan. Nous sommes confiants, car la grande majorité des acteurs concernés ont pris conscience de l’intérêt à agir, pour eux comme pour le climat. Cependant, si le secteur privé s’intéresse naturellement à la rénovation énergétique des bâtiments pour préserver la valeur locative des biens immobiliers, le secteur public n’a pas les mêmes contraintes et accuse un retard certain. Le Serce estime que l’État et les collectivités locales devraient se montrer exemplaires et agir dès à présent pour réduire leurs consommations énergétiques et diminuer ainsi leurs dépenses de fonctionnement.

(c) Phototheque SPIE

Quelles sont vos réactions suite aux mesures présentées par le président de la République dans le cadre de la PPE ?
G. L. – Le Serce accueille positivement les mesures présentées dans le cadre de la « Stratégie française pour l’énergie et le climat ». Nous approuvons notamment l’ambition de transformation du mix énergétique grâce à l’essor de moyens de production d’énergie « plus renouvelables et décentralisés ». Une politique volontariste doit permettre de dépasser les problèmes d’acceptabilité, notamment pour l’éolien, et d’accélérer la réalisation des installations. Les entreprises du Serce estiment qu’il faut lever les obstacles réglementaires au déploiement de l’autoconsommation collective d’électricité dans les territoires, et ce, en élargissant le périmètre géographique à l’intérieur duquel ces opérations peuvent être menées. L’Europe est motrice sur ce sujet. La version révisée de la directive « Énergies renouvelables » garantit un droit à l’autoconsommation et demande aux États membres de mettre en place un cadre favorable en évaluant les obstacles injustifiés toujours existants. Le Serce sera particulièrement vigilant à ce que la transposition nationale reste fidèle à l’ambition européenne en faveur du développement du photovoltaïque.

Les mesures liées à l’efficacité énergétique des bâtiments tertiaires et industriels n’ont-elles pas été sous-représentées par rapport au résidentiel ?
G. L. – On peut regretter, effectivement, que l’enjeu lié aux bâtiments tertiaires ne soit pas mis plus en avant. Cela dit, la précarité énergétique des ménages est un problème important qui pèse sur le niveau de vie des personnes concernées. Il est donc essentiel de prendre des mesures pour la rénovation des logements. En fait, il faut aborder l’efficacité énergétique des bâtiments dans son ensemble afin que tous se sentent concernés, et pas uniquement sous l’angle de l’isolation thermique. Les bâtiments tertiaires hébergent des activités et des process qui peuvent être très énergivores, par exemple les salles de serveurs, un restaurant d’entreprise, des groupes froids, ou encore de l’éclairage à vocation commerciale. Il existe de nouvelles solutions qui permettent de maîtriser au mieux les consommations énergétiques, de façon à ne consommer que ce qui est nécessaire quand c’est nécessaire. Ces solutions présentent des temps de retour sur investissement faibles, de l’ordre de 3-4 ans. Elles permettent de piloter l’énergie selon les différents usages (chauffage, climatisation, ventilation, éclairage…) et de réaliser jusqu’à 40 % d’économies d’énergie. En ce qui concerne le secteur tertiaire, les mesures annoncées pourraient générer des résultats considérables. Toutefois, nous restons très vigilants, car les annonces ont été trop nombreuses ces dernières années pour de faibles résultats. Le Serce appelle donc de ses vœux le passage de la parole aux actes en matière de mesures liées à l’efficacité énergétique des bâtiments tertiaires. Le secteur industriel est, quant à lui, déjà très impliqué, car la facture énergétique est une composante significative des coûts de production. L’ouverture du dispositif des CEE aux secteurs soumis au système de quota ETS (Système communautaire d’échange de quotas d’émission de CO2) est une mesure notable qui pourrait permettre de massifier certaines actions liées à l’efficacité énergétique ayant d’ores et déjà fait leurs preuves.

La Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixe la trajectoire de la France en matière d’émissions de CO2. Ce texte vise notamment la neutralité carbone et 100 % du parc au niveau BBC (Bâtiment basse consommation) en 2050, 500 000 rénovations par an de 2015 à 2030, puis 700 000 rénovations par an de 2030 à 2050, la rénovation des bâtiments tertiaires et en premier lieu des bâtiments de l’État ou encore la préférence des matériaux biosourcés. Ces mesures sont-elles réalistes sachant que nous n’atteignons pas aujourd’hui les précédents objectifs ?
Guy Lacroix – L’impact carbone doit être pris en compte dans les objectifs de la transition énergétique et la SNBC va dans le bon sens. Cela dit, les objectifs sont effectivement très ambitieux et supposent une politique incitative volontariste de la part du Gouvernement, ainsi qu’un contrôle des engagements pris en matière de rénovation des bâtiments avec la mise en place de sanctions si nécessaire. Pour porter ces objectifs ambitieux, l’incitation et la confiance ne suffisent pas. Il faut agir rapidement et nous militons pour une action à court terme, d’ici 4 à 5 ans. C’est pour cela que nous avons soutenu la mise en œuvre de sanctions dans le décret relatif à la rénovation des bâtiments tertiaires. L’État doit se montrer exemplaire et se fixer un jalon intermédiaire sur son parc de bâtiments à l’horizon 2025, pour faire vivre l’ambition de ce décret.

©SERCE

Quels sont, selon vous, les principaux freins pour atteindre les objectifs fixés par la loi de transition énergétique ?
G. L. – Il n’y a pas de freins techniques pour atteindre les objectifs de la loi de transition énergétique, il faut juste que les acteurs concernés aient la volonté de le faire. Les élus ne doivent pas considérer la rénovation énergétique comme un coût, mais plutôt comme un investissement pour le futur. Les entreprises du Serce les accompagnent pour réaliser des économies d’énergie significatives, qui auront un impact positif sur leur budget de fonctionnement. De nombreux chantiers de rénovation de bâtiments tertiaires ont déjà montré que l’atteinte des objectifs est réalisable. Nos adhérents peuvent aider les collectivités à trouver les leviers financiers les mieux adaptés. Différents dispositifs existent. Il faut maintenant un fort appui politique au niveau national, régional et local. À cet égard, la méconnaissance du parc immobilier de la part des collectivités locales et des consommations énergétiques qui leur sont associées est symptomatique.

Quels sont les atouts de la France pour mener à bien la transition énergétique ?
G. L. – La France dispose d’un écosystème d’acteurs mobilisés et innovants, susceptibles d’apporter de nouvelles solutions en réponse aux enjeux climatiques. La transition énergétique est une opportunité dont nos entreprises se sont rapidement emparées. Leur créativité leur permet d’innover et d’adapter leurs offres en développant de nouveaux marchés. Les partenariats se multiplient avec des entreprises issues du numérique, des laboratoires, des écoles, des pôles de compétitivité, des PME, ou encore des start-up. Grâce aux nouvelles technologies, qui permettent d’assembler des dispositifs de plus en plus complexes, les entreprises du Serce sont devenues de véritables intégrateurs de l’énergie et du numérique. Elles accompagnent l’évolution du système énergétique, favorisant ainsi le développement des territoires à énergie positive et de nouveaux services. Leur savoir-faire d’intégrateurs leur permet de concevoir et maintenir des infrastructures énergétiques durables, de développer des solutions d’écomobilité, d’être force de propositions dans l’usine 4.0, d’optimiser la gestion des espaces publics et des bâtiments de plus en plus interconnectés.

De quelle manière encouragez-vous vos entreprises adhérentes dans leurs démarches de transition énergétique ?
G. L. – Elles s’encouragent elles-mêmes et sont incontournables en la matière ! L’enjeu représenté par la transition énergétique ne leur a pas échappé. Elles accompagnent au quotidien les acteurs économiques et les collectivités territoriales dont elles construisent et entretiennent les réseaux, les installations électriques et numériques. Elles sont au plus près de leurs préoccupations et ont toujours su adapter leurs offres pour proposer, en s’appuyant sur les nouvelles technologies, des réponses innovantes, durables, en tenant compte de leurs besoins et de leurs contraintes.

© Michel Plassart

Quels sont vos grands chantiers de l’année à venir concernant le bâtiment ?
G. L. – Tout d’abord, la finalisation de la rédaction et la publication du décret tertiaire et de son arrêté conjoint sont une priorité pour 2019. Cela permettra d’insuffler une dynamique ambitieuse de transition énergétique dans le secteur tertiaire. C’est un enjeu important pour l’activité de nos entreprises et donc pour l’emploi au sein de notre profession. Nous allons également travailler à la promotion du CPE qui est un outil contractuel très intéressant en matière d’efficacité énergétique. Il permet une approche globale, intégrant la conception, la réalisation, l’exploitation et la maintenance (CREM) avec un engagement des entreprises dans l’atteinte des résultats. Le CPE permet aussi de renforcer la confiance, d’acculturer vis-à-vis de l’efficacité énergétique et de créer une meilleure proximité entre l’opérateur et le maître d’ouvrage.

De quelle manière percevez-vous l’arrivée du digital, dans le bâtiment et dans la ville, comme vecteur de services aux usagers et d’efficacité énergétique ?
G. L. – Nos entreprises allient des savoir-faire dans l’énergie et dans le digital permettant de développer l’intelligence des bâtiments et de la ville, notamment pour gérer les équipements publics. On peut considérer la Smart City comme un ensemble de systèmes qui apportent de l’information, du confort et de l’intelligence dans les services à destination des citoyens. Elle permet donc aux collectivités d’accroître leur efficacité. Les entreprises du Serce sont au cœur de cette dynamique, notamment pour l’éclairage public, la mobilité, la vidéoprotection, l’efficacité énergétique des bâtiments, la mesure du bruit, ou encore de la pollution.

Quel sera, selon vous, le plus grand bénéfice de la digitalisation ?
G. L. – La digitalisation va permettre le pilotage des différentes briques, qui vont constituer la ville intelligente, de les faire communiquer et de créer ainsi la « Smart City ». Elle permet également d’associer au plus près les citoyens à la vie de leur ville, par le développement d’applications liées aux usages du quotidien : éclairage, gestion des déchets, transports, stationnement…

Parallèlement à la digitalisation, de plus en plus d’acteurs mettent en avant les vertus du « Low Tech ». S’agit-il d’un retour en arrière ou est-ce une bonne chose, selon vous ?
G. L. – Il faut plutôt s’intéresser à la contribution que peut apporter la technologie aux enjeux climatiques. Si le développement du numérique peut entraîner une surconsommation d’énergie, comme c’est le cas pour les datacenters par exemple, il existe des solutions de récupération de chaleur, ou encore de pilotage des installations en fonction de la fréquentation d’un bâtiment, qui évitent ou compensent ces effets.

Propos recueillis par Alexandre Arène

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