Avenir énergétique de notre pays : la programmation pluriannuelle de l’énergie en point d’orgue

Par Florence Lievyn, déléguée générale de Coénove – association engagée sur les usages énergétiques et leur rationalisation dans le bâtiment.

La programmation pluriannuelle de l’énergie, plus souvent dénommée sous son acronyme PPE, aura été l’un des textes les plus débattus et attendus de 2018. Et non sans raison, s’agissant du document programmatique de court et moyen terme (2019-2023 & 2023-2028) déclinant la trajectoire emmenant notre pays vers un avenir énergétique plus sobre et décarboné. Sont en effet visées la diminution par deux de nos consommations et la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Si les objectifs sont bien connus de tous, la question qui reste sur toutes les lèvres est de savoir comment y parvenir et à quel coût. Une chose est sûre, la crise sévère des gilets jaunes engagée fin 2018 aura remis sur le devant de la scène une évidence, quel que soit le chemin emprunté : il ne peut y avoir de transition écologique sans justice sociale. Un casse-tête complexe pour le Gouvernement, qui retarde d’autant la sortie du projet de décret PPE ensuite appelé à passer par les arcanes de nombreuses consultations. Une parution avant l’été devient donc de plus en plus improbable.

Alors que pouvons-nous retenir à date de ce projet de décret, sur la base des déclarations du président Macron et du ministre de Rugy ? Tout d’abord, un certain nombre de bonnes nouvelles puisque 420 000 emplois devraient être créés d’ici à 2028, selon l’étude d’impact du projet, et près de 225 milliards d’euros investis, notamment dans le soutien au développement des énergies renouvelables. L’augmentation du Fonds chaleur de l’Ademe fait également partie des mesures très positives et devrait permettre d’atteindre les 350 millions d’euros en 2020 (vers 255 en 2018) pour soutenir le développement de la chaleur renouvelable, dont les réseaux de chaleur urbains et les unités de méthanisation.
Concernant le gaz justement, le projet réaffirme l’objectif de 10 % de gaz renouvelable dans la consommation finale en 2030, ce qui signifie concrètement une production, en 2028, de 24 à 32 TWh issus majoritairement de la méthanisation. Autre gaz, l’hydrogène se voit quant à lui assigner l’objectif d’être vert à 40 % à cette échéance, c’est-à-dire produit principalement par électrolyse de l’eau, sans émission de carbone.
L’épineuse question du nucléaire n’est pas en reste. 2035 devient le nouvel horizon pour atteindre l’objectif de 50 % de nucléaire dans le mix électrique français, ce qui correspond à la fermeture de 14 réacteurs nucléaires, dont les deux de Fessenheim.

Que penser de ces annonces ? On ne peut pas dire qu’elles aient globalement suscité un enthousiasme au sein du microcosme de l’énergie… Manque d’ambition, diront certains, manque de moyens, répondront d’autres, quand les troisièmes dénonceront un manque de vision prospective…

Et si de la critique nous passions au pragmatisme ? Trois fondamentaux devraient ainsi ressortir de ce texte :
• La nécessaire complémentarité des énergies afin de répondre aux besoins hivernaux tout en assurant la sécurité d’approvisionnement de notre pays :
• l’accélération de la rénovation énergétique afin de baisser durablement les besoins et donc les consommations en mettant l’accent sur une rénovation par étape soutenue par un mécanisme d’accompagnement notamment financier visible et pérenne ;
• le verdissement de notre mix énergétique, passant notamment par le verdissement du gaz au travers d’une production locale et renouvelable, porteuse de nombreuses externalités positives dans les territoires.

C’est ainsi, en cessant d’opposer les énergies entre elles et en cherchant avant tout à tirer le meilleur parti de chacune, que nous atteindrons les objectifs cibles de la loi de Transition et à plus court terme, de la PPE en 2028 qui, pour rappel, vise une diminution de 14 % de la consommation finale d’énergie (vs 2012) et une baisse de 35 % du recours aux énergies fossiles.  Si nous sommes là confrontés à un défi où l’urgence climatique telle qu’elle est de plus en plus souvent mise en exergue, nous ne devons jamais oublier que dans « Transition énergétique », il y a Transition et que, par essence, celle-ci prend du temps. Un paradoxe ? Non, une réalité qui nous rappelle que confondre vitesse et précipitation peut avoir des conséquences dramatiques, et ce ne sont pas les événements récents qui détrôneront cet adage.

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