Enfin une place au soleil pour le solaire thermique ?

(c) Viessmann

Et si l’on utilisait vraiment la chaleur gratuite du soleil ? Une chaleur bien mal exploitée en France avec, pourtant, des solutions fiables, mais délaissées notamment au profit du solaire photovoltaïque. Quels sont les freins, les solutions, comment lancer ou relancer un projet solaire thermique avec succès ?

Hello, le soleil brille, brille, brille !
Malgré ce refrain ancien et toujours aussi entraînant, Nadine Berthomieu, de l’ADEME, souligne que « les ventes sont toujours à la baisse sur le marché de l’individuel pour le chauffe-eau solaire (CESI) et pour le système solaire combiné (SSC) ». Pour le collectif et tertiaire, la décroissance des années précédentes semble s’achever, avec un maintien des ventes entre 2017 et 2018, selon les très récents chiffres d’Uniclima. À l’Ademe, une cinquantaine d’installations collectives aidées dans le cadre du Fonds Chaleur ont été recensées en 2018 contre une quarantaine en 2017.

L’énergie gratuite et pérenne produite par les solutions solaires,
oui on sait faire

Pour Olivier Manteau, porte-parole de la FEDENE (Fédération des services énergie environnement) « Oui, les exploitants savent s’engager et maintenir dans la durée une installation solaire. Contrats de résultats, engagement d’économie d’énergie, il est possible de contracter dans le temps sur 10 ou 15 ans. Cet engagement participe à une vraie démocratisation du solaire thermique, qui n’est plus une affaire de spécialiste pour des spécialistes. Le maître d’ouvrage est ainsi sécurisé en exploitation, jusqu’à possiblement un co-investissement de l’exploitant et, pourquoi pas, du bureau d’études. » Ensuite, nous travaillons avec l’ADEME sur une « habilitation solaire » dont l’objectif est de former les techniciens au contexte du solaire et à ses particularités (risques, méthodologie) et de valoriser les compétences et le technicien habilité pour que le solaire soit, dans le quotidien, complété du suivi d’exploitation.

En amont, en conception, « la consolidation des schémas hydrauliques à utiliser, les études de faisabilité qui comptabilisent les pertes de bouclage et calculent le taux d’économie apporté par le solaire thermique permettent au maître d’ouvrage de s’engager dans la confiance de ce qu’il peut attendre de son installation solaire », ajoute Nadine Berthomieu. « Ensuite, la Mise en service dynamique, ou commissionnement avancé avec recherche de performances, qui implique des étapes jalons de transmission de l’ouvrage, notamment à l’exploitant, permet à la maîtrise d’ouvrage de garantir une bonne mise en œuvre et durabilité de l’ouvrage. »

Enfin, il est aussi possible d’agir sur les installations actuelles en défaut, « mais avant toute remise en état, cela nécessite un audit technique précis pour comprendre ce qui s’est passé, avec une identification détaillée des besoins d’utilisation de l’énergie solaire et des modifications à apporter à l’installation en conséquence » complète Olivier Manteau de la FEDENE.

Le soleil chauffe sans surchauffer et sans risque sanitaire
« La surchauffe en été, c’est du passé, il n’y a plus de risque », insiste René Schmitt, responsable Produits solaires pour De Dietrich. « Avec les systèmes autovidangeables, la température du fluide est toujours limitée à 80 °C. Le fluide est de l’eau glycolée, biodégradable, associé à un système de récupération des fluides, et des ensembles prémontés et assemblés qui facilitent la mise en place. Les performances sont à peine plus faibles qu’un système pressurisé, mais il n’y a pas de nécessité de surdimensionner ou de connaître parfaitement le besoin, poursuit-il. D’une façon générale, nous recommandons, même s’il est possible de mixer, de sourcer la chaîne complète chez un même fabricant (capteurs, ensemble de régulation et ballon(s)), car cela facilite l’installation, et si l’installateur n’est pas l’exploitant, le suivi d’exploitation est plus simple et efficace. »

(c) De Dietrich

Recommandation similaire pour Viessmann, qui conseille également une mise en place globale avec télégestion. Pour éviter toute surchauffe, Viessmann a développé en collaboration avec un laboratoire de recherche, un revêtement surfacique qui limite automatiquement les températures de stagnation à un maximum de 145°, que cela soit pour les capteurs plans ou les capteurs à tubes sous vide. « Dans le cas du capteur plan, au-dessus d’une température d’absorbeur d’environ 75 °C, la structure cristalline du revêtement se modifie et réémet une partie du rayonnement solaire. Il en résulte une augmentation moins rapide de la température de l’absorbeur compte tenu de l’augmentation progressive de l’émissivité thermique. On pourra alors augmenter la pression de l’installation jusqu’à 3 bars pour maintenir le fluide sous forme liquide. Il est ainsi possible de grimper jusqu’à 95 % de taux de solaire collectif sur le mois le plus chaud, et d’améliorer le fonctionnement en intersaison », détaille Adrien Letullier, chef Produit EnR, Ballons ECS et Solaire thermique de Viessmann.

Courbe effet Thermprotect. (c) Viessmann

« Côté risque sanitaire, pour éliminer tout risque de développement de bacilles dans les bâtiments touchant au domaine de la santé, de la petite enfance, mais aussi le collectif, nous privilégions une solution avec un ballon solaire et un ballon ECS, l’énergie “eau morte” » réchauffe l’eau chaude ECS, le tout couplé à un échangeur ECS performant » complète Olivier Manteau de la FEDENE.

Panneaux solaires vitrés. (c) Viessmann

Les grandes centrales solaires (2000 car)
Pour Nadine Berthomieu, « c’est le secteur en essor, avec un modèle d’affaires qui repose sur de la vente de chaleur. Les effets d’échelle lui permettent d’être compétitif, la cible de ces grandes installations étant l’industrie, essentiellement agroalimentaire, et les réseaux de chaleur ». « Pour les réseaux de chaleur, le solaire thermique se couple bien à de la biomasse en permettant un arrêt estival de la chaudière, durant des périodes où les températures réseau sont plus basses. Deux exemples, avec le réseau de chaleur de Limeil-Brévannes ou encore celui récent de Châteaubriant avec 2 200 m2 de panneaux solaires qui fournissent pour 900 MWh de chaleur par an », explique Olivier Manteau. Avec, à la clé, un contrat de garantie solaire engageant le bureau d’études techniques (Tecsol), l’exploitant du réseau (Cofely) et le fournisseur de capteurs. « Le solaire assure le besoin estival et n’est pas en concurrence avec les énergies de base, à savoir la biomasse et pour les pointes, le gaz. Le solaire laisse quand même la possibilité de faire du stockage journalier et il y a aussi un intérêt financier, car le prix du kW thermique solaire ne varie pas », ajoute l’expert. Enfin, le solaire thermique peut être aussi une première étape de diversification pour des réseaux de chaleur 100 % gaz, si la mise en place d’une biomasse s’avère difficile. L’ADEME a créé depuis 2015 un appel à projets intitulé Grandes installations solaires thermiques, qui permet de consacrer du temps à l’étude de ces dossiers complexes. Nadine Berthomieu indique que « L’ADEME reste vigilante sur la pertinence du choix de cette technologie, surtout dans un environnement industriel où l’approche doit être globale et privilégier la récupération d’énergie. L’enjeu principal étant le coût global de la chaleur. Les résultats des premiers appels à projets indiquent que la chaleur solaire approche des coûts de production de l’ordre de 60 €/MWh et peuvent baisser jusqu’à 40 €/MWh pour les plus grandes centrales (> 10 000 m2) ».


ENCADRÉ

Le panneau hybride photovoltaïque et thermique,
PVT, production d’électricité d’abord, de chaleur ensuite

Panneaux PVT Dualsun associés à une PAC pour près de 90 % du besoin total d’ECS. (c) Heliopac

« Le PVT est une technologie développée à l’origine pour de l’intégré bâti, afin de permettre aux panneaux photovoltaïques de produire dans des conditions proches de celles du non-intégré, introduit Nadine Berthomieu, de l’Ademe. La récupération de chaleur en face arrière permettait aux cellules PV de ne pas être en surchauffe. Les produits PVT ont ensuite évolué pour être posés en surimposés sans intégration aucune et l’épaisseur d’isolation en face arrière a été optimisée pour avoir un bon compromis entre récupération de chaleur et échauffement des cellules. Selon les résultats des tests de certification, les panneaux PVT-eau sont d’un tiers à trois fois moins performants que les capteurs thermiques classiques vitrés calorifugés, pour une production d’ECS à température cible de 55 °C », poursuit l’experte.

Il n’en reste pas moins que ces produits sont intéressants aujourd’hui, notamment si la surface disponible en toiture est limitée, bien que, à surface totale égale, la configuration PV et thermique séparés génère au global plus d’énergie. « En zone climatique H3, les produits PVT enregistrent des performances satisfaisantes et, dans certains cas, ils peuvent satisfaire un peu plus de la moitié des besoins d’ECS. Cette solution est alors accompagnée d’autoconsommation pour la partie électrique sur d’autres usages non réglementaires. Ces applications PVT-eau sont enfin pertinentes pour le préchauffage de bassins de complexes sportifs aquatiques très énergivores », conclut l’experte de l’Ademe.



Les aides en 2019

Par ailleurs, les aides Fonds Chaleur pour le solaire thermique sont maintenues en 2019 à l’identique de celles des années précédentes. Un maître d’ouvrage qui souhaite hybrider sa chaudière existante ou la remplacer intégralement par une installation solaire thermique peut y faire appel à condition de se tourner vers un bureau d’étude qualifié 20.14 ou bien, pour les installations inférieures à 50 m2, à un installateur qualifié Qualisol Collectif ou Qualibat 82.13, engagé impérativement dans une démarche de commissionnement. L’étude de faisabilité qui constitue la note de dimensionnement est indispensable et le maître d’ouvrage peut contacter l’ADEME pour financer cette étude. Les installations de plus de 500 m2, doivent être déposées dans l’appel à projets « Grandes installations solaires ». En rénovation, le coût moyen d’une installation de chaleur solaire de 50 m2 est d’environ 900 € HT par mètre carré de capteurs (source SOCOL*). Pour René Schmitt, de De Dietrich, « il y a une vraie rentabilité, qui plus est pour le collectif en rénovation, qui est soutenu par le CITE ».

Enfin, une incitation nouvelle, avec le taux de TVA réduit sur le solaire thermique (article 18 de la loi de finances 2019). Grâce aux actions, notamment de la FEDENE, la loi de finances pour l’année 2019 permettra de comptabiliser l’énergie solaire thermique dans la détermination du seuil de 50 % d’énergie renouvelable ou de récupération permettant l’application du taux réduit de 5,5 % de la TVA à la fourniture de chaleur dans les réseaux. « Cette disposition, applicable au 1er janvier 2019, permet ainsi de traiter l’énergie solaire thermique dans les mêmes conditions que celle issue de la biomasse, de la géothermie et des déchets, ou que l’énergie de récupération », ajoute Olivier Manteau.

La réglementation n’aide pas vraiment
Actuellement, pour le collectif en neuf, les énergies renouvelables ne sont pas indispensables. C’est le frein n° 1, insiste René Schmitt, de De Dietrich.
Les formules actuelles n’incitent pas et/ou ne favorisent pas le solaire thermique par rapport au chauffe-eau thermodynamique et au solaire photovoltaïque ; mais avec la future RE 2020, le soleil aura-t-il… sa place au soleil ? « Nous l’espérons, il y a un vrai bras de fer entre toutes les énergies renouvelables, mais il est clair que le solaire thermique a toute sa place dans notre pays. Pour le groupe Viessmann, c’est un vrai pari d’investissement aux niveaux européen et mondial, la technologie permet de réaliser des installations pérennes et de profiter de façon fiable de l’énergie thermique du soleil », souligne l’expert de Viessmann. Un point de vue partagé par René Schmitt, pour qui la nouvelle RT doit changer la donne : « pour 20 m2 de panneaux, nous avons un potentiel d’environ 100 kW d’énergie thermique gratuite, la seule consommation étant la pompe de circulation. Une PAC aura besoin à minima de 30 kW d’énergie électrique pour fournir la même énergie de chauffe. Sur une copropriété, les capteurs solaires peuvent couvrir à minima la consommation de chaleur de la boucle de recirculation, souvent estimée à près de 30 % de la consommation ECS (eau chaude sanitaire). Enfin, soulignons que la situation géographique de la France est favorable, pour au moins sa moitié sud ».
Conception et produits fiables et efficaces, méthodes de commissionnement et engagement d’exploitation, tout est au vert. Il ne reste donc que les signaux politiques ad hoc pour relancer et rendre au solaire thermique sa place en France dans le panel des énergies renouvelables.

 

Jean-François Moreau


ENCADRÉ

Les solutions solaires atmosphériques :
capter l’énergie du soleil et aussi l’énergie de l’air

Capteur solaire souple en élastomère (EPDM) sur toiture plate. (c) Heliopac

« Le principe est simple : le capteur solaire se transforme en échangeur atmosphérique lorsque l’énergie solaire n’est plus disponible (nuit, temps pluvieux, brouillard…) et devient ainsi une source d’énergie pour la pompe à chaleur (PAC) avec laquelle il est couplé. L’ensemble permet de produire en continu, jour et nuit, de l’eau chaude sanitaire (ECS) en grande quantité, stockée dans des ballons, et ce avec une faible puissance installée », explique Michel Danjou directeur commercial d’Heliopac.

Pour tout besoin de puisage supérieur à 1m3/jour d’ECS, la solution est intéressante, avec, en fonction des zones géographiques, une surface en toiture de 30 à 50 m² de capteur thermique atmosphérique par pompe à chaleur, sachant qu’une PAC traite une cinquantaine de logements et que nous pouvons mettre plusieurs PAC en série pour traiter des besoins importants. Cette solution est par exemple très bien adaptée pour les résidences seniors, les résidences étudiantes ou encore le secteur hôtelier.

« Avec son Titre V, cette solution peut se mettre en place aussi bien en neuf qu’en rénovation et consomme 30 kWh pour chauffer 1 m3/jour, ce qui est plus efficient que beaucoup de solutions standards basées sur des énergies classiques et/ou renouvelables, explique Michel Danjou. Avec sa nouvelle régulation connectée et ses compteurs intégrés, Heliopac s’engage également sur la performance de son système. Il n’y a aucun risque de surchauffe, même l’été en absence de puisage grâce à sa faible température de stagnation de 55 °C.


QUELQUES LIENS UTILES

Détails sur la mise en service dynamique d’une installation : cliquez ici !

Informations sur le Fonds Chaleur : cliquez ici !


 

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