Cahier Technique – La lumière qui soigne

luminothérapie

Il a beaucoup été question récemment des dangers de la lumière bleue des LED (voir Lumières N°18, Peur bleue : quand les médias raccourcissent le temps de la science, par Sébastien Point et Lumières N°20, Effets sanitaires des LED) et moins du rôle de la lumière au bénéfice de la santé. Elle revient un peu sur le devant de la scène, cependant via les questions liées au bien-être et donc au Human Centric Lighting. Mais ses bienfaits vont bien au-delà, car la lumière est utilisée dans le secteur de la santé plus souvent qu’il n’y paraît. Du jetlag à la maladie d’Alzheimer, en passant par la dépression saisonnière (SAD : seasonal affective disorder) ou l’ictère néonatal, il y a bien longtemps finalement que la lumière aide à soigner toutes sortes de maux et qu’elle perpétue son lien avec les récipiendaires des prix Nobel de médecine.

Luminothérapie ou photothérapie ? Parlons plutôt de thérapie par la lumière. Celle-ci remonte à la fin du XIXe siècle. L’effet de la lumière naturelle sur la stimulation du système immunitaire et pour lutter contre les infections fut mis en évidence par un médecin danois, Niels Ryberg Finsen, qui reçut le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1903, pour sa découverte des vertus curatives de la lumière et en particulier pour le traitement du lupus vulgaire. Encore étudiant en médecine, Finsen souffre des premiers symptômes de la maladie de Pick qui atteint progressivement les organes vitaux. Finsen pense que l’exposition à la lumière du soleil lui serait bénéfique et entame des recherches sur les causes physiologiques des effets de la lumière ; il montre que la lumière est composée de différents types de radiations, dont les ultraviolets. Il remarque l’importance du dosage et de la nature des radiations appliquées, notant les effets destructeurs d’un surdosage et le rôle protecteur de la pigmentation cutanée. Parallèlement, passant à des essais cliniques, il découvre le traitement de maladies de la peau, la variole soignée avec la lumière rouge, le lupus vulgaire traité localement avec des faisceaux de rayons concentrés, ou encore le lupus tuberculeux avec des bains de soleil.

© Photo Rocky89

La dépression saisonnière
En France, il faudra attendre 1984 pour voir la luminothérapie utilisée en médecine, et plus spécifiquement pour soigner la dépression saisonnière (appelée SAD en anglais seasonal affective disorder), grâce aux découvertes de Norman E. Rosenthal du National Institute of Mental Health aux États-Unis. Et il faudra attendre encore une vingtaine d’années de plus avant que le corps médical (toutefois pas à l’unanimité) reconnaisse les vertus thérapeutiques de la lumière. Chez les personnes affectées, la production de la mélatonine (hormone du sommeil) augmente durant le jour, tandis que le taux de sérotonine (neurotransmetteur) baisse, entraînant un dérèglement de l’horloge interne qui explique une grande fatigue durant la journée. Comment la lumière agit-elle ? Elle stimule les régions de la base du cerveau et augmente le niveau de sérotonine qui a un effet antidépresseur et régulateur de l’appétit. Par son inhibition de la sécrétion de mélatonine, la lumière permet un réveil amélioré et une meilleure synchronisation des rythmes biologiques, ce qui entraîne plus de vitalité. De plus, cette reprogrammation de l’horloge biologique permet une sécrétion normale de la mélatonine la nuit en fonction des phases du sommeil. On utilise un spectre lumineux solaire mais sans ultraviolets (UV) qui pourraient nuire à la peau et la cornée. Le niveau d’éclairement (plusieurs milliers de lux), la distance à maintenir par rapport à la source de lumière ainsi que la durée d’exposition doivent être indiquées par des spécialistes, selon la technologie utilisée. La température de couleur de la lumière est généralement de 4 000 K.

L’ictère néonatal
Un ictère, ou plus communément appelé jaunisse, traduit l’excès de bilirubine dans le sang, qui teinte la peau et les muqueuses en jaune par transparence. Les globules rouges sont fabriqués en permanence dans la moelle osseuse. Ils passent ensuite dans le sang et, après une vie de 120 jours, vont mourir dans la rate. Cette destruction normale donne lieu à la libération de bilirubine libre qui est toxique pour le cerveau à partir d’un certain taux. Il y a quelques décennies, la transfusion de sang était presque systématique, mais aujourd’hui, la jaunisse du nouveau-né « banale » disparaît après quelques heures de photothérapie. La procédure : le bébé, nu, est exposé à une lumière bleue (sans ultraviolets) dans une pièce spéciale, les yeux protégés par un masque. Le pigment jaune de l’ictère, rendu soluble dans l’eau par cette lumière spécifique, est transformé dans la peau, ce qui permet ensuite son élimination plus rapide par le foie et les reins. Généralement, quelques jours, voire quelques heures, suffisent à faire disparaître l’ictère.

© Andresr, Ictère de nouveau-né soigné par
photothérapie.

La lumière qui apaise
Sans parler vraiment de maladie, le jetlag, syndrome du décalage horaire, parfois nommé arythmie circadienne, est une condition physiologique qui résulte d’un voyage rapide à travers plusieurs fuseaux horaires, généralement en avion. Un tel voyage décale effectivement les différentes horloges internes (rythme circadien ou cycles du sommeil) et l’activité extérieure (alternance jour/nuit). Pour pallier cet inconfort, Airbus a créé en 2016 « Airspace », un nouveau design des A320 qui met en œuvre, entre autres, un éclairage de plafond et d’ambiance, par LED avec 16,4 millions de couleurs, adaptable à volonté et commençant dès l’entrée dans l’avion. Les changements de couleurs s’effectuent à la fois en fonction des repas et du pays de destination, permettant aux passagers de passer en douceur le cap du décalage horaire.

Autre exemple d’utilisation de la lumière colorée : dans les salles de scanner ou d’IRM. Il y a une dizaine d’années, Philips Lighting (aujourd’hui Signify), développait un système pour les salles de scanners et IRM qui intégrait un éclairage personnalisable (le patient pouvait choisir la couleur de la lumière) afin d’apporter davantage de sérénité aux patients confrontés à des examens souvent anxiogènes. Une personne apaisée ne bouge pas pendant l’examen, ce qui permet d’optimiser l’efficacité de ce dernier. D’autres fabricants de matériel d’éclairage ont pratiqué des études sur l’influence de la lumière dans le secteur de la santé ; il s’agit de Trilux pour un éclairage dynamique en unité Alzheimer et de Zumtobel pour une en maison de retraite St. Katharina à Vienne (voir Lumières N°18).

luminothérapie
© Johnny Greig

Dans le cadre de l’étude effectuée par le groupe Orpea, en collaboration avec le CHU de Nice, le Centre d’Innovation et d’Usages en Santé, Trilux avait installé ses solutions d’éclairage Liventy Flat et Plenar HD1-Q ; la température de couleur des luminaires variait entre 3 000 et 6 500 K, reproduisant le rythme de 24 heures de la lumière naturelle. Les résultats ont montré une amélioration statistiquement significative de la qualité de vie des résidents, due uniquement à l’installation d’un éclairage circadien dans les espaces d’activités. Le gain de sommeil était en moyenne de 55 minutes par 24 h, avec une diminution du nombre de réveils nocturnes, ainsi qu’une diminution significative des troubles du comportement.

Dans la maison de retraite de St. Katharina, le concept d’éclairage a été réalisé dans l’espace collectif de l’unité et mettait en œuvre des plafonds lumineux équipés de lampes fluorescentes de 3 000 K, 6 500 K et 8 000 K avec un IRC supérieur à 80. Deux éclairages statiques et un éclairage dynamique (simulant les changements de la lumière naturelle au cours de la journée), variant au niveau de l’intensité et de la couleur de lumière, ont été conçus avec trois situations lumineuses : la situation lumineuse 1 comprenait une augmentation de l’intensité de 300 à 2 200 lux ; la situation lumineuse 2 une modification de la couleur de lumière de 3 000 K a 8 000 K ; la situation 3 une variation dynamique de l’éclairement (de 300 à 2 200 lux) et de la couleur de lumière (de 3 000 à 8 000 K) en fonction du moment de la journée. Les mesures se sont étendues sur deux ans.

Dans l’espace collectif, un éclairage dynamique simule les fluctuations de la lumière naturelle au cours de la journée, variant au niveau de l’intensité et de la couleur de lumière.

Toutes les situations lumineuses ont été réalisées deux fois au cours d’une année. Les résultats ont montré que les résidents communiquent nettement plus intensément avec le personnel soignant dans la situation lumineuse 1, surtout l’après-midi ; plus souvent et plus intensément avec plusieurs personnes dans les trois situations lumineuses que dans la situation d’éclairage standard, en particulier l’après-midi. Ils participent plus souvent à des activités sociales, surtout avec un éclairement élevé (L1).

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