Stephan Kreutzer, Managing Director Zone Continental West, Hager

Stephan Kreutzer

Hager Group est un fournisseur franco-allemand de solutions et de services pour les installations électriques qui propose une offre complète, de la distribution d’énergie électrique à la gestion technique des bâtiments, en passant par le cheminement de câbles et les dispositifs de sécurité. Après sept ans à la tête du marché français, Sophie Breton est remplacée par Stephan Kreutzer, pour poursuivre les évolutions du groupe. L’objectif de Hager Group : s’appuyer sur son savoir-faire dans le résidentiel pour développer ses solutions pour le tertiaire.

Vous avez été nommé à la tête de Hager en France et en Belgique en janvier dernier. Quelle est votre ambition pour le développement de l’activité de Hager ?
Stephan Kreutzer – L’objectif est de bâtir sur l’historique de Hager et de renforcer notamment deux piliers principaux que sont notre proximité avec nos clients et nos partenaires, je pense notamment au réseau Elexium, mais également notre offre de formations pour accompagner les acteurs du marché. Ces deux éléments constituent l’ADN de Hager et sont nos véritables points différenciants. L’objectif est également de nous tourner vers l’avenir, en travaillant sur nos marchés à forte croissance comme la mobilité électrique, mais aussi l’efficacité énergétique et le building automation, avec par exemple notre solution Agardio.manager, destinée aux bâtiments tertiaires. Historiquement, nous sommes très présents sur le marché résidentiel et nous devons renforcer nos offres. Mais l’enjeu aujourd’hui est également de structurer nos offres tertiaires, qui présentent un fort potentiel de développement.

Vous remplacez Sophie Breton, qui était également présidente d’Ignes et très active dans la filière électrique. Souhaitez-vous vous impliquer dans les instances de la filière électrique française ?
S. K. – Mon objectif est d’inscrire mon action dans la continuité de Sophie Breton. Je souhaite donc poursuivre cette implication. Il faut aujourd’hui définir les modalités de contribution à Ignes pour que Hager puisse continuer d’y être représenté. Mais je ne suis pas le seul représentant de Hager et nos équipes sont déjà engagées au sein de la filière.

Quel est votre niveau de connaissances des particularités de la filière électrique en France et quelle en est votre ressenti ?
S. K. – La gestion de l’énergie et le numérique sont au cœur des besoins et de l’actualité de la filière française. Grâce à des organismes comme Ignes, très bien organisés, les sujets et les défis de la filière sont bien identifiés. Nous pouvons notamment citer l’efficacité énergétique, l’autonomie et le maintien à domicile, ou encore la mobilité électrique. Les syndicats professionnels qui forment le monde de l’électricité en France ont bien identifié les priorités, sont bien organisés et bénéficient d’une grande légitimité qui leur permettra de répondre aux grands défis de transition énergétique et numérique du bâtiment.

Quelles seront les grandes orientations stratégiques de Hager Group dans les mois et les années à venir ?
S. K. – Au sein de Hager Group, des plans stratégiques sont mis en place tous les cinq ans. Nous sommes aujourd’hui en plein “Projet 2020”, qui a démarré en 2016, donc bien avant mon arrivée. À court terme, l’objectif est de poursuivre l’accompagnement des lancements en cours, je pense notamment à la gamme d’appareillage mural “gallery”, constituée d’interrupteurs, de prises, de variateurs connectés, etc. Cette gamme universelle est destinée à la fois aux marchés du résidentiel et du tertiaire. À plus long terme, notre objectif est de renforcer notre positionnement historique sur le résidentiel et de développer nos offres dans le tertiaire, car c’est sur ce marché que nous avons la marge de progression la plus importante. Mais il faut pour cela nous adapter aux particularités de ce marché, qui fait appel à d’autres interlocuteurs que le résidentiel. Dans le résidentiel, il faut être proche des artisans, mais aussi de la distribution, qui occupe une place centrale. Pour le tertiaire, nous devons aussi cibler d’autres acteurs, je pense principalement aux prescripteurs. Cela nous demande d’adapter nos procédures et nos démarches. Pour vous donner quelques exemples concrets, nous encourageons notamment la création de contacts en région, par le biais de chargés de projets tertiaire. Ces derniers sont en contact avec des promoteurs et des bureaux d’études. Des animations sont également mises en place pour nous adresser à ces acteurs : nous organisons des événements dans nos centres de compétences en régions et au Hager Forum d’Obernai, où nous avons récemment accueilli des architectes d’intérieur. Comme nous le faisons depuis le départ dans le résidentiel, nous avons mis en place des actions de formation et d’accompagnement pour nos clients, spécifiques au marché tertiaire. Enfin, nous animons un réseau d’installateurs spécialisés dans le tertiaire, baptisé “Parcours étoilé”.

Hager Forum d’Obernai. (c) Hager

Hager couvre principalement le champ des logements individuels et collectifs et, plus récemment, des bâtiments tertiaires. Pensez-vous que votre activité se poursuivra dans ce sens ou allez-vous développer des offres pour les bâtiments industriels ou les datacenters par exemple ?
S. K. – Nous n’avons pas d’objectifs prioritaires pour les bâtiments industriels, car ce n’est pas notre domaine. La force de Hager est de partir de son positionnement historique sur le marché du résidentiel et de gagner progressivement des parts de marché dans le tertiaire, en répondant à des projets comme des bureaux, des magasins ou des hôtels. Nous sommes en mesure d’apporter des réponses sur certaines composantes de bâtiments industriels, mais encore une fois, ce n’est pas notre priorité.

Quelles sont les solutions de Hager en faveur de l’efficacité énergétique des logements et des bâtiments tertiaires ?
S. K. – Nous avons parlé tout à l’heure de la solution Agardio.manager, qui en est le parfait exemple. Déployée dans les bâtiments tertiaires, cette solution permet de suivre et de visualiser les consommations énergétiques et s’intègre pour cela dans un véritable écosystème de produits Hager. Avec l’arrivée du véhicule électrique, l’enjeu de l’efficacité énergétique est central et le véhicule pourrait devenir le plus gros consommateur d’électricité du bâtiment. Hager Group travaille avec les constructeurs automobiles sur les systèmes de recharge, avec pour objectif de gérer la charge et la décharge en fonction de la consommation énergétique du bâtiment. Demain, si les bâtiments autoconsomment, les systèmes de gestion devront être de plus en plus pointus et les logiciels prendront une place de plus en plus importante. Hager est déjà présent avec sa borne de recharge Witty dans des bureaux, des parkings ou encore des hôtels.

Comment percevez-vous le potentiel de la France dans le cadre de la transition énergétique ?
S. K. – En reprenant l’exemple de la mobilité électrique, la France compte 31 000 véhicules électriques, contre près de 80 000 en Allemagne. Et contrairement à l’Allemagne, la France dispose pour plus de 75 % d’une électricité d’origine nucléaire, avec comme conséquence, des coûts deux fois moins élevés pour le consommateur en France. Dans ce contexte, l’autoconsommation peine à se développer en France et les incitations fiscales sont encore trop faibles, ce qui ne permet pas une réelle accélération de la transition énergétique. Le plus gros frein en France est le prix de l’électricité, qui empêche pour l’instant encore l’émergence de nouvelles technologies, comme les solutions de stockage, par exemple.

Pensez-vous que les mesures prises par les pouvoirs publics pour accélérer la transition énergétique poussent le marché dans la bonne direction ?
S. K. – La transition énergétique a commencé plus tôt en Allemagne qu’en France, en raison de la décision de sortir du nucléaire. Ce choix de sortir du nucléaire a un impact sur les émissions de CO2 allemandes, en raison de l’utilisation de centrales à charbon. L’électricité allemande a donc un impact carbone bien plus élevé qu’en France et c’est notamment pour cela que l’Allemagne cherche des alternatives. Des dispositifs d’incitation ont donc été mis en place pour l’autoproduction, l’autoconsommation et le stockage. Avec la montée en puissance du véhicule électrique en France, ces enjeux prendront de plus en plus d’importance pour maintenir l’équilibre offre/demande sur le système électrique et pourront, par là même, contribuer à l’accélération de la transition énergétique.

Borne de recharge Witty Park de Hager. (c) Hager

Souhaitez-vous apporter une touche allemande à l’entreprise, aux modes de management et aux process ?
S. K. – J’ai eu la chance d’effectuer 50 % de ma carrière en France et 50 % en Allemagne. Hager Group est, depuis sa création, une véritable entreprise franco-allemande et tire le meilleur des deux cultures. Mon objectif n’est pas d’apporter une “patte allemande”, car les contextes des marchés sont bien trop différents. L’objectif est d’échanger les bonnes pratiques entre les deux pays, car à la fin de la journée, il s’agit d’une question de femmes et d’hommes qui souhaitent aller dans la même direction.

Le numérique occupe une place de plus en plus importante dans le bâtiment. Comment percevez-vous le potentiel du numérique pour la performance énergétique ?
S. K. – Le numérique permet de mettre en place des systèmes de gestion intelligents et connectés. En reprenant l’exemple du système véhicule électrique, charge et autoconsommation, ce triplet doit être géré de manière optimale, en prenant en compte des informations relatives au fonctionnement des différents équipements, à l’équilibre offre/demande du réseau électrique et du logement, ainsi qu’aux données d’usages liées aux habitudes de consommation des utilisateurs. Le numérique, qui permet de mettre automatiquement en relation ces données pour prendre les meilleures décisions, prendra de plus en plus de place dans les années à venir. À l’heure actuelle, les équipes de Hager travaillent sur un projet baptisé “HEMS” (Home energy management system). Ce projet a pour objectif de développer une solution de gestion des consommations et des usages en fonction des besoins des utilisateurs. Pour ce projet, nous sommes partis du constat que le bâtiment va passer d’un acteur passif à un acteur actif, grâce à la production, à la distribution et à la gestion de l’énergie.

Quelle est la stratégie d’Hager pour le développement d’offres connectées pour le bâtiment ?
S. K. – Hager était parmi les pionniers de la domotique et poursuit ce mouvement aujourd’hui avec la solution radio Coviva, et Domovea pour des installations plus grandes. Le marché du bâtiment connecté évolue très rapidement aujourd’hui. Nous nous reposons donc sur nos relations avec nos clients pour développer de nouvelles offres ouvertes et des solutions qui peuvent s’intégrer dans des écosystèmes. Je peux d’ores et déjà vous annoncer que d’ici à 2020, nous allons lancer de nouvelles solutions destinées à la domotique.

De quelle manière Hager associe ses clients au développement de ses offres ?
S. K. – Hager est historiquement proche de ses clients et met un point d’honneur à les impliquer au plus tôt dans le développement des produits. Le VOC (voice of consumers) revient tout au long du processus de développement produit. Pour la nouvelle gamme Gallery, nous avons impliqué les installateurs, les clients finaux, mais aussi des architectes et des bureaux d’études. Notre objectif est de constituer des panels les plus larges possible. Dans le cas du développement de Gallery, nous avons consulté plus de 400 clients tout au long du processus. En interne, nous avons également intégré un flux de remontée d’informations de la part de nos commerciaux de terrain, permettant de détecter d’éventuels besoins clients ou de nouvelles idées. Nous traitons ces informations avec la plus grande attention et nous inscrivons cette démarche dans un processus de réflexion à long terme et d’amélioration continue.

Parmi les technologies et process clés, le BIM (Building information modeling) nous semble être une avancée majeure et porteuse d’un fort potentiel pour la gestion du bâtiment. Hager développe-t-il des offres reposant sur le BIM ?
S. K. – Nous croyons fortement au BIM ! Aujourd’hui, certains de nos produits et composants ont déjà été modélisés, ce qui leur permet d’être intégrés aux logiciels de maquettes numériques. Je reste convaincu que le BIM est un outil destiné principalement aux bâtiments tertiaires, d’une part en raison de son coût, mais aussi car il est plus adapté à la gestion de bâtiments plus importants. Le BIM pourrait atteindre le résidentiel, mais dans un second temps. Nous croyons en cette démarche et allons poursuivre la modélisation de nos solutions.

Pour accompagner la transition énergétique, écologique et numérique, de quelle manière Hager aide-t-il ses clients à monter en compétences ?
S. K. – Historiquement, Hager accorde une grande importance à la formation de ses clients, ce qui est un élément différenciant fort vis-à-vis de nos concurrents. Hager croit en son devoir d’accompagner ses clients pour les garder à la pointe de ce qui se fait. Nous proposons 70 programmes de formation, que nous appelons des “blocs de compétences”. Nous organisons des formations dans nos 10 centres de compétences en régions ainsi qu’au Hager Forum sur notre site de production à Obernai, ou chez nos clients. L’objectif est d’aider nos clients à se former sur les offres à haut potentiel, en leur apportant les connaissances produits, mais aussi réglementaires, conjoncturelles et financières. Il s’agit de les accompagner en allant au-delà de la technique, ce qui est essentiel.

Quel est votre sentiment sur l’entreprise et sa dynamique depuis votre prise de fonction en janvier ?
S. K. – J’ai effectué un tour de France de nos 10 centres de formation en régions, afin de pouvoir échanger avec les formateurs ainsi qu’avec nos clients. J’ai été particulièrement touché par le professionnalisme, l’engagement et la détermination des équipes de Hager. Mon sentiment est très positif.

Quels ont été ou quels seront vos premiers chantiers dans les mois à venir ?
S. K. – Comme je vous l’expliquais, nous sommes actuellement en plein “Projet 2020”. En 2019, ma priorité est de poursuivre les lancements, comme c’est le cas pour la gamme d’appareillage mural Gallery. De manière générale, je m’inscris dans la stricte continuité de l’action de Sophie Breton. L’objectif est donc de déployer notre business plan et d’accompagner au mieux nos clients.

Comment imaginez-vous Hager et ses offres dans cinq à dix ans ?
S. K. – En France, Hager a su garder et cultiver sa proximité avec ses clients artisans, mais également avec la distribution. À long terme, l’objectif est donc de renforcer ces relations. Dans les 5 à 10 ans, l’objectif sera de nous développer sur de nouveaux marchés en concevant des solutions à fort potentiel de croissance. Comme je le disais tout à l’heure, nous nous penchons actuellement sur la mobilité électrique et l’efficacité énergétique avec le développement de systèmes de gestion de l’énergie intelligents. De plus, nous allons poursuivre notre développement sur le marché tertiaire en adaptant nos solutions. Enfin, l’objectif est de développer et renforcer l’accompagnement commercial, tout en conservant l’ADN de Hager, qui a fait son succès depuis bientôt 65 ans.

Propos recueillis par Alexandre Arène

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