Éric Michel, plasticien lumière, vient d’éclairer le clocher de l’église Saint-Étienne, à La Livinière, commune héraultaise située sur les contreforts de la Montagne noire et connue pour ses vins d’appellation d’origine contrôlée Minervois-La Livinière. Voyage à travers l’histoire, les vignes et la lumière.
L’histoire commence au pied des vignes, lorsque le Syndicat de l’AOC Minervois-La Livinière choisit d’illuminer le clocher de l’église Saint-Étienne pour marquer la célébration des vingt ans de l’appellation du cru éponyme. « Ce choix n’est pas un hasard : il incarne les valeurs humaines portées par ce territoire dédié à la culture du vin, à travers son engagement vers la modernité, la création, l’expérience, la rigueur et l’attachement profond à son terroir », commente Isabelle Coustal, présidente du Syndicat de l’AOC Minervois-La Livinière. La mise en lumière, conçue par le plasticien lumière Éric Michel, s’inscrit dans le cadre de la manifestation régionale IN SITU Patrimoine et art contemporain, qui conjugue subtilement l’architecture patrimoniale et l’art contemporain en Occitanie. Porté par l’association Le Passe Muraille, l’événement dont le commissariat général est assuré par Marie-Caroline Allaire-Matte et Pascal Pique, a lieu du 21 juin au 29 septembre 2019 (l’œuvre d’Éric Michel sera jusqu’au 15 novembre). Il s’attache à valoriser de manière originale le riche patrimoine de la région, établissant un dialogue renouvelé chaque année entre l’architecture et l’art contemporain à travers des installations éphémères adaptées à l’esprit des lieux, tout en promouvant une action de médiation à l’attention de tous les publics. Cette année, la manifestation se développe pour rayonner sur l’ensemble de la région, des Hautes-Pyrénées jusqu’au Gard, avec une quinzaine de sites d’exception, la plupart classés ou inscrits à l’inventaire des Monuments historiques.
Une histoire ancrée dans le site
L’intervention d’Éric Michel sur le clocher, que les vignerons surnomment le « phare du cru », révèle une succession de tableaux lumineux, monochromes ou en deux couleurs. Distinguant ainsi l’intérieur de l’extérieur du clocher, elle efface les limites spatiales du monument qui, subitement isolé dans un espace onirique, brille dans la nuit comme un phare. C’est ainsi que IN SITU Patrimoine et art contemporain présente l’œuvre du plasticien lumière intitulée « Le Clocher de Lumière ». Mais pour Éric Michel, l’histoire a commencé il y a bien des années, une histoire familiale qui le lie aussi fortement à la région que les vignes au territoire. S’y ajoute la passion de l’artiste pour l’alliance de l’architecture et de la lumière, intérêt que l’on retrouve dans plusieurs de ses œuvres. C’est au XIVe siècle que cette petite église prend sa forme actuelle, à la suite de l’édifice roman construit au XIIIe siècle. Aujourd’hui, on distingue très facilement l’œuvre du XIVe siècle superposée aux restes de l’église romane. Le clocher, une massive tour carrée dont la moitié inférieure est médiévale, est situé immédiatement au nord de la naissance de l’abside. Les deux étages supérieurs, ouverts d’arcades et abritant les cloches, sont couverts d’un dôme du XVIIe siècle. « Le clocher est emblématique de la région et du cru, mais il représentait aussi un symbole pour moi, déclare Éric Michel. J’ai donc essayé de faire dialoguer ces différentes histoires avec la lumière et en cohérence avec mon travail sur l’immatérialité. J’ai choisi cinq couleurs qui correspondent aux éléments présents dans le cycle viticole : le bleu pour le ciel, le vert pour la vigne, le rouge qui évoque le vin, l’or la pierre et le soleil, le rose l’alchimie du savoir ancestral, mais dans une démarche qui reste onirique. »
Des glissements colorés qui subliment l’architecture
« L’architecture ajourée du clocher sur deux niveaux exprime à la fois le vide intérieur par cette transparence et la puissance par la présence des cloches. La lumière intérieure traduit l’idée du cœur lumineux perçu de l’extérieur et dialogue avec les faisceaux lumineux qui éclairent la façade », poursuit Éric Michel. À l’intérieur, huit projecteurs ont été installés afin d’obtenir une uniformité de lumière. Ils sont orientés de sorte à rencontrer quatre projecteurs disposés sur les toits des maisons et dans les arches faisant communiquer les effets lumineux intérieurs et extérieurs et qui, parfois, combinés entre eux, créent une autre couleur. Chaque séquence est programmée sur 10 minutes et joue avec les cinq couleurs de prédilection de l’artiste, évoquant l’aventure du vigneron au travers du travail du vin : la vigne qui puise ses ressources dans la terre, puis le raisin qui est transformé pour devenir du vin. En parallèle, les jeux de lumière soulignent l’architecture qui se cisèle et s’élève vers le ciel. Le câblage a été effectué à partir de l’intérieur de l’église et l’allumage et l’extinction se déclenchent en même temps que l’éclairage public. Pour Isabelle Coustal, « cette réalisation, très exigeante techniquement, exprime une forte puissance poétique en transformant le monument en un signal lumineux visible de loin, dans le paysage nocturne du magnifique terroir de La Livinière ».