Nuisances lumineuses, l’arrêté en questions

nuisances lumineuses
Parc Robinson, Mandelieu-la-Napoule (06) Luminaire Bazas de Ragni © T. L. Photography

La limitation des nuisances lumineuses et des consommations d’énergie avaient fait l’objet d’un arrêté (25 janvier 2013) et concernait l’éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels recouvrant à la fois l’éclairage intérieur émis vers l’extérieur de ces bâtiments et l’illumination des façades de bâtiments avec des exigences de temporalité. Avec l’arrêté de 2018, le législateur considère l’éclairage public et la préservation du ciel nocturne, mais a laissé de côté les critères d’amélioration de l’existant.

SYNDICAT DE L’ÉCLAIRAGE
Comprendre l’arrêté de décembre 2018

Lumières – Dans quelle mesure, selon vous, ce nouvel arrêté « oublie » les installations existantes ?

Sébastien Flet Reitz, Directeur technique du Syndicat de l’éclairage (DR)

Sébastien Flet Reitz – Le ministère de la Transition écologique et solidaire, s’il a consulté les différents acteurs de la filière, n’a pas travaillé en réelle concertation avec ces derniers, n’abordant le texte que sous l’angle de la protection du ciel étoilé, défendu par l’ANPCEN, en s’arrêtant aux futures installations alors que celles-ci sont déjà éco-performantes ; prenons l’exemple de l’ULR (proportion de lumière émise au-dessus de l’horizontale), la plupart des solutions installées, y compris en éclairage urbain, offrent un ULR inférieur à 2 %, ce qui est plus qu’acceptable puisque l’arrêté demande 4 % sur site. Or, il n’est rien dit des luminaires existants qui affichent 20 % ou plus, et ils sont pléthore ! Ceux-là ne sont pas concernés par l’article 8 qui stipule que « les installations lumineuses dont la proportion de lumière émise par le luminaire au-dessus de l’horizontale en condition d’installation est supérieure à 50 % sont remplacées par des luminaires conformes aux dispositions du présent arrêté au plus tard le 1er janvier 2025 ». Le Syndicat de l’éclairage a échangé à plusieurs reprises avec le ministère en espérant voir paraître une circulaire d’application… Pour l’heure, seul le Cerema a livré quelques commentaires sur son site, mais cela reste insuffisant.

– Quelles sont les pierres d’achoppement de l’arrêté ?
Les catégories nécessiteraient d’être redéfinies ou au moins précisées. Autre point : comment et qui détermine la surface à considérer, pour calculer la densité surfacique de flux lumineux installé ? Une circulaire explicative serait la bienvenue. Il est probable que c’est une mauvaise compréhension des lumens par mètre carré qui a conduit à des faux sens ou contresens : les éclairagistes considèrent le flux émis par le luminaire et non par la source seule. Si l’on prend en compte l’éclairage intérieur émis vers l’extérieur des bâtiments non résidentiels (ce qui correspond au d)), pour les bureaux par exemple, nous risquerions de nous retrouver avec 25 lux, ce qui est une aberration ! Par conséquent, le Syndicat considère que ces bâtiments ne sont pas concernés par ces exigences, du fait de l’absence de recommandations sur la manière d’effectuer les calculs et surtout de l’impossibilité de vérifier la conformité à ces exigences. L’ULR, avec une limite à 1 % pour les luminaires mais 4 % pour l’installation, est un paramètre assez brutal. En effet une installation réalisée avec des luminaires non orientables, qui n’ont qu’une seule position d’installation, aura le même ULR que celui des luminaires. Pourquoi différencier les deux ? Par ailleurs lorsqu’on utilise des luminaires orientables comme des projecteurs de façade, la notion d’ULR n’a évidemment pas de sens. L’ensemble de la filière attendait ce texte avec impatience, et nous étions convaincus d’avoir été entendus au cours des réunions avec le ministère, mais force est de constater que, tiraillé entre divers groupes de pression et voulant probablement ménager la chèvre et le chou, les services de l’état ont produit un texte difficile à comprendre. Le Syndicat de l’éclairage estime nécessaire de clarifier certaines formulations par exemple dans un guide de bonnes pratiques ou un référentiel afin de permettre une application plus souple du texte par les collectivités territoriales.

– Est-ce ce manque de précisions qui a conduit le Syndicat de l’éclairage à publier sur son site son propre communiqué ?
En effet, trois mois après la parution de l’arrêté, nous devions faire face à de nombreuses questions récurrentes, aussi le Syndicat de l’éclairage a-til livré quelques éclaircissements sur son site, toujours dans une volonté de rapprocher le texte de la pratique. Le balisage, par exemple, doit être dirigé en partie vers le haut, ce qui est complètement incompatible avec une exigence d’ULR < 1 %. Le Syndicat de l’éclairage admet donc que les installations de balisage ne sont pas concernées par l’arrêté, puisqu’elles ne sont pas destinées à éclairer mais signalent un danger, un risque ou même simplement un cheminement. Idem pour les encastrés de sol dont le flux émis au-dessus de l’horizontale en condition d’installation est supérieur à 50 % : ils ne peuvent pas être concernés par l’arrêté. Pour accompagner les villes, mais aussi l’ensemble des acteurs de la filière, le Syndicat de l’éclairage a mis à disposition un document de synthèse de l’arrêté en téléchargement à la fin du communiqué du 29 mars 2019.

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ASSOCIATION FRANÇAISE DE L’ECLAIRAGE
Vers un partenariat durable

Avant que le texte ne paraisse, beaucoup de choses avaient été engagées car le sujet des nuisances lumineuses mobilisait depuis longtemps l’ensemble des acteurs de la lumière, notamment les collectivités locales et le groupe AFE Métropoles. Pour Patrick Duguet, la parution d’un texte officiel était aussi attendue que souhaitée, mais l’AFE aurait préféré un texte plus ancré dans les fondamentaux de l’éclairagisme.

Lumières – Au moment de la parution de l’arrêté, vous étiez à la fois président du centre AFE Île-de-France et responsable de la section Éclairage public à la direction de la Voirie de la mairie de Paris*. Comment avez-vous appréhendé ce texte ?

Patrick Duguet Président du centre AFE Grand Paris Île-de-France (DR)
Patrick Duguet Président du centre AFE Grand Paris Île-de-France (DR)

Patrick Duguet – Pour la Ville de Paris, c’est une préoccupation un peu ancienne car le plan biodiversité voté en 2011 exigeait déjà d’adapter l’éclairage urbain à la biodiversité dans les projets d’éclairage, donc la démarche est instaurée dans les pratiques courantes. Le plan de 2018, quant à lui, prévoit même la mise en place de trames noires dans la capitale. Lorsque l’arrêté est paru, nous avons été un peu déçus du contenu car nous attendions des orientations un peu plus concrètes : or, il s’agit d’un texte qui vise la réduction des nuisances lumineuses sans tenir compte du projet d’éclairage. On n’y trouve pas tous les éléments nécessaires à l’éclairagiste qui voudrait concevoir un projet dans le respect de l’ensemble des critères à la fois de qualité de la lumière, des consommations énergétiques, et dans une démarche environnementale de préservation de la biodiversité. En fait, l’arrêté n’aborde qu’une partie des sujets et peut parfois s’opposer à d’autres textes, notamment la norme NF EN 13201 qui définit les modalités et les principes d’éclairage public.

– Quelles étaient les attentes de l’AFE concernant cet arrêté ?
Suite aux réunions que nous avions eues avec le ministère, nous étions convaincus que le texte s’appuierait sur la norme 13201 qui est la base de tout éclairagiste. Certaines notions d’éclairagisme sont citées ou utilisées dans le texte parfois avec inexactitude du point de vue terminologique, d’autres points ne sont pas abordés de manière globale, etc., ce qui donne plutôt l’impression d’une liste à la Prévert alors qu’on attendait des préconisations pour réaliser un vrai projet d’éclairage qui tienne compte de l’ensemble des items et des contraintes. On y trouve des sujets qui s’opposent à la norme ou bien qui sont contradictoires, des problématiques de transition énergétique insuffisamment prise en considération. Ce sont les villes qui vont investir dans la rénovation du parc et le texte ne leur donne pas vraiment les clés pour y parvenir. L’AFE a ainsi identifié cinq grands points discutables et a fait des contre-propositions lors de réunions avec la DGPR (Direction générale de la prévention des risques) ; malheureusement l’arrêté est paru et ne peut pas être modifié. Nous souhaitons poursuivre ce partenariat avec le ministère de la Transition écologique et solidaire, pour davantage de concertation et pas seulement une simple consultation, pour les textes à venir. Nous espérions également une rédaction plus fine, laissant moins de place à l’ambiguïté comme l’ULR des luminaires d’ambiance. Certes, le Cerema a bien donné quelques explications sur son site mais qui restent insuffisantes. On se pose encore des questions, par exemple sur le devenir des luminaires de style qui ne répondent pas à l’exigence d’ULR 1 % en laboratoire… Pour Paris, c’est très compliqué, particulièrement pour les matériels qui vont être posés en 2020. Un autre point concerne la lumière intrusive.

– Comment la « lumière intrusive » est-elle définie par le Cerema ?
Elle ne l’est pas, cette notion est juste paraphrasée. Sans définition, les élus sont à la merci de tout type de plainte des administrés dont la sensibilité à la lumière varie avec l’âge, le milieu social, etc. De même pour la densité surfacique : comment l’intégrer dans le projet d’éclairage ? Pour nous, le Code flux n’est pas significatif et pas utile ; également le facteur de maintenance a été complètement ignoré ! Enfin, pour les villes, les horaires d’allumage le matin des parcs et jardins restent une question importante qui n’a pas été abordée dans l’arrêté. Or, ils sont ouverts de plus en plus tôt et les agents de la propreté, d’accueil et de surveillance doivent pouvoir bénéficier de suffisamment de lumière lors de leur passage, avant d’ouvrir.Comment font-ils ? Ils travaillent dans le noir ? Et les joggeurs matinaux ? La gestion de l’éclairage doit s’adapter à l’usage, mais elle n’est pas abordée dans l’arrêté…

– Comment, dans ce contexte, respecter l’arrêté tout en restant dans le cadre des règles d’éclairagisme ?
La conception du projet part de la norme 13201 et ensuite l’éclairagiste vérifie qu’il respecte l’arrêté, parfois en étant obligé d’ajouter des points lumineux. Les collectivités n’auront pas plus de budget pour autant… On peut regretter que les remarques d’experts AFE n’aient pas été comprises ou prises en compte dans la rédaction de l’arrêté. Cependant, la collaboration avec la DGPR est instaurée et nous espérons inscrire ces échanges dans la durée pour aboutir à des textes consensuels et positifs sur la lumière.

* Patrick Duguet est désormais au service des Canaux, chargé de l’hydraulique fluvial ; il a été remplacé à la section Éclairage public par Teddy Tisba début septembre 2019.

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ASSOCIATION DES CONCEPTEURS LUMIÈRE ET ECLAIRAGISTES
Un accueil positif des concepteurs lumière

 

Virginie Nicolas, présidente de l’ACE (DR)
Virginie Nicolas, présidente de l’ACE (DR)

Le texte de l’arrêté a globalement reçu un accueil positif de nos confrères. Une petite enquête menée en mai montre qu’une large majorité des concepteurs lumière ACE est favorable au texte, même si une bonne moitié précise qu’il est assez mal formulé et peu clair. Sur le fond, un vrai consensus existe sur la nécessité de faire des efforts importants, et d’accepter de nouvelles contraintes, si basées sur un corpus scientifique solide. Nous en avons débattu lors d’un « café des Allumés » dédié aux conséquences de l’arrêté sur nos projets en cours et futurs.

Beaucoup de nos confrères expérimentent depuis de nombreuses années des pratiques innovantes pour que nos projets d’éclairage aient un impact minimal sur l’environnement : détection, gradation, bichromie ambre, études de trames noires, travail sur les revêtements, les appareils autonomes… Après avoir participé en 2018 à l’étude préliminaire menée par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) qui a nourri ce texte, nous avons émis des remarques sur la première version de cet arrêté. Une notion qui nous semblait formidable a hélas disparu dans le document final : l’exigence pour les agglomérations de se doter d’une réflexion globale de trame noire, accompagnant les schémas directeurs d’aménagement lumière. Nous regrettons que cette exigence ait été retirée ! Il est pourtant évident que les dispositifs de réduction des émissions doivent prendre une envergure territoriale pour que les efforts de préservation de la faune nocturne soient significatifs. On ne fait pas un corridor biologique d’obscurité sur 15 m de large et 100 m de long… Nous avons collégialement décidé de ne pas rédiger de synthèse ou de guide de lecture. Dans le droit, une synthèse, un résumé, c’est déjà une interprétation. Qui ne peut que distordre ou réduire le champ du possible.

Un arrêté qui oblige parfois à éclairer plus que nous ne l’aurions fait !
Certains points confortent des pratiques existantes : le 3 000 K, par exemple. Certes, avec 4 000 K, on pouvait varier les ambiances, mais nous nous en passerons… « On pourra jouer avec des contrastes chauds ! », m’a confié un confrère. Certes aussi, cette valeur tombe un peu du ciel : la réalité de l’impact des T(K) sur l’environnement est plus complexe que cela, cette valeur nous laisse nous aussi un peu dubitatifs… Mais cette mesure fait malgré tout consensus. L’urgence climatique exige que nous prenions tous des mesures immédiates pour réduire notre impact sur la planète ! Sur le détail, comme de nombreux acteurs du milieu de l’éclairage, nous constatons avec désarroi que ces formulations bien intentionnées ont parfois pour conséquence paradoxale de nous inciter à éclairer plus, ou à mettre plus de matériel ! Je pense en particulier au balisage par encastrés photovoltaïques de très faible intensité que nous utilisons justement en bordure de trame noire, pour accompagner les cheminements doux sans les éclairer. Ces appareils envoient bien moins de flux vers le ciel qu’un éclairage direct classique par mât, mais ce texte les pénalise sans finesse. Nous nous retrouvons avec deux options : laisser ces cheminements dans le noir (ce qui sera souvent refusé), ou revenir sur un projet d’éclairage classique par mât, plus consommateur et émettant in fine plus de photons vers le ciel. L’autre grand sujet est le code flux CIE3 95 %. En première lecture, j’ai trouvé cela très bien puis, comme beaucoup, j’ai pris la mesure de son impact sur l’espacement dans les projets existants et sa conséquence si on applique ce raisonnement sur les éclairages bas : bornes et garde-corps. Les bornes efficaces vont justement au-delà de ce seuil, et à raison. Il est absurde de ne plus pouvoir les prescrire… Il est aussi à présent plus compliqué d’offrir un grand confort visuel : poser une vasque prismatique, même horizontale sous la source, qui diminue la luminance d’une source directe, éclate le flux et nous fait sortir des 95 % dans le cône de référence.

Et la beauté de la lumière dans tout ça ?
Cet arrêté est une étape de plus dans un corpus réglementaire, qui, s’il préserve nos sociétés de pratiques toxiques, compose une vision de l’éclairage urbain très fonctionnaliste et techniciste : pour autant, il montre un véritable effort pour laisser du champ libre à chaque projet. Ces arrêtés et normes traduisent une perception du monde encore très « 4-roues-centré », avec une vue de l’espace d’en haut, de plan Autocad, et axée sur l’analyse des risques. Pour réduire l’impact environnemental de l’éclairage, d’autres pistes devraient être explorées : par exemple une refonte des normes EN 13 20-X qui permettrait de moins éclairer les voies que les espaces dédiés aux liaisons douces. Et j’espère, surtout, que les principes de l’économie circulaire transformeront rapidement cette industrie. Une belle perspective nocturne se construit avec un équilibre des luminances sur les surfaces visibles, pas avec une parfaite uniformité au sol. Tout un vocabulaire lumineux disparaît de notre palette avec ce texte : vasques sablées, colonnes lumineuses, guirlandes, contre-plongée rasante… C’est triste mais certainement nécessaire. Mais la catégorie « patrimoine bâti » offre une respiration bienvenue à la créativité des concepteurs lumière dans ce texte, comme la non-qualification de l’usage des couleurs. Il nous reste un large champ d’exploration et de créativité ! Le beau et le bien-être se quantifient mal, et par là même n’ont pas de place au cœur des débats d’experts en économie d’énergie ou de développement durable. C’est regrettable, car chacun a pu expérimenter que quand l’espace nocturne est mis en scène, et beau, on s’y sent bien, et souvent avec des niveaux bien plus bas que les recommandations européennes.

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RAGNI
Une approche pour un éclairage public cohérent et raisonné

Aymeric Courbis, chargé d’études photométriques chez Ragni (DR)
Aymeric Courbis, chargé d’études photométriques chez Ragni (DR)

L’arrêté sur les nuisances lumineuses s’inscrit complètement dans les stratégies mises en place par Ragni depuis quelques années. En effet, notre philosophie repose sur le développement de solutions qui permettent de disposer d’un éclairage raisonné. Pour ce faire, nos études définissent des niveaux d’éclairement et des zones utiles d’éclairage pour lesquels Ragni a adapté ses produits dans le respect de l’environnement et du développement durable.

Notre principal défi réside dans le changement de comportements des clients finaux, qui ont besoin de temps pour s’adapter. Les nuisances lumineuses représentent une pollution réelle qui a des effets sur les écosystèmes. Les techniciens et ingénieurs sont parfaitement conscients de ces enjeux et les ont complètement intégrés aux cahiers des charges des luminaires récemment développés et, évidemment, de ceux à venir. Notre ligne directrice est donc de concevoir et de fournir une lumière de qualité, non polluante et imaginée selon la réalité des lieux à éclairer.

Une approche projet essentielle
Depuis bientôt 10 ans, nous avons vu évoluer les méthodes et constatons qu’actuellement, l’approche projet prend réellement le pas sur l’approche produit. Ce qui compte en éclairage extérieur, c’est l’uniformité de l’ensemble, et non l’esthétique seule. Pour y parvenir, la démarche est aujourd’hui plus intéressante puisqu’elle implique un dialogue constructif entre les parties prenantes du projet : nous sommes désormais amenés à provoquer chez nos clients des questionnements sur les besoins réels de lumière. Prenons l’exemple de la « densité surfacique » évoquée dans l’arrêté, point qui pose le plus de problèmes, à nos yeux : grâce à nos échanges, nous parvenons à définir ensemble la surface à éclairer et à nous assurer de la conformité des résultats de nos études avec les contraintes réglementaires. Nous savons que, progressivement, cela permet de modifier les consciences et de rationaliser les divers aménagements subis par les villes. Au-delà des contraintes réglementaires, nous nous fixons des critères de bon sens, vers lesquels nous guidons nos clients.

Nous sommes acteurs de la réduction des nuisances lumineuses
Auparavant, lorsque les solutions à LED sont apparues sur le marché, on trouvait malin de « balancer » de la puissance et d’augmenter l’espacement des points lumineux. Désormais, nous savons que l’optimisation et l’efficacité lumineuse résident avant tout dans la définition précise de la surface à éclairer. Nous pouvons ainsi limiter au mieux l’éclairage intrusif et honorer au mieux les engagements de Ragni envers les objectifs de développement durable. Pour illustrer cela, les images ci-dessous sont parlantes. Nous prenons l’exemple d’un écoquartier, qui regroupe des critères à la fois de sécurisation des déplacements, d’éclairage résidentiel et de respect des espaces naturels. Ainsi, nous définissons avec notre client la zone d’éclairement (image de gauche), nécessaire pour le calcul de la densité surfacique : ici, la chaussée et les deux trottoirs. La conformité réglementaire va dépendre d’une définition correcte du besoin d’éclairement selon la norme NF EN 13201 et du choix d’un luminaire respectant les préconisations de l’arrêté du 27 décembre 2018 sur la prévention des nuisances lumineuses (température de couleur de 2 700 K, code CIE3 > 95 % et ULR 0 %). Pour ce qui concerne le choix de l’optique, nous tenons nécessairement compte des infrastructures et de l’environnement direct, car l’objectif est de maîtriser du mieux possible la lumière intrusive vis-à-vis de la faune et des riverains. La densité surfacique (image du milieu) découle de la zone d’éclairement définie en amont. Le rendu final (image de droite) montre la répartition lumineuse obtenue en tenant compte de toutes les contraintes. Dans cet exemple, l’éclairage n’est pas soumis à une temporalité car il concerne une voie de circulation et vise à assurer la sécurité des déplacements. Cependant, il peut être décidé de programmer un abaissement de puissance, accompagné ou non d’un système de détection, dans le but de réduire les consommations énergétiques et de prévenir les impacts négatifs de la lumière sur les écosystèmes. Nous invitons systématiquement nos clients à envisager des scénarios de gestion de l’éclairage afin de généraliser un usage cohérent et rationnel de l’éclairage urbain. Pour accompagner nos partenaires dans l’application de cet arrêté, nous avons publié une brochure que nous tenons à leur disposition sur simple demande.

nuisances lumineuses
À gauche, la zone d’éclairement définie avec le client. Au centre, la densité surfacique.
À droite, le rendu final.

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COMATELEC SCHREDER
Pour une bonne gestion de la lumière

L’arrêté sur les nuisances lumineuses a fait l’objet de la plus grande attention chez Comatelec Schréder. « Il faut dès à présent commencer à préparer l’avenir et anticiper les prescriptions de l’arrêté qui seront applicables au 1er janvier 2020, alerte Gilles Pierret. La lumière a pour objectif de guider, dessiner, souligner, émerveiller. Elle doit être utilisée à bon escient. Nous jouons avec les nuances pour préserver l’habitat naturel de la faune et de la flore. »

Lumières – Quels sont les principaux critères à retenir de cet arrêté ? Et comment les comprenez-vous ?

Gilles Pierret, directeur des fonctions support, Comatelec Schréder (DR)

Gilles Pierret – La plupart des mesures concernent les installations de type a), à savoir l’éclairage public. Prenons la limitation de la température de couleur à 3 000 K. Il est peut-être un peu réducteur d’avoir simplifié autant. En effet, dans d’autres pays, on a précisé qu’entre deux longueurs d’onde définies, il faut un certain pourcentage de flux émis, ce qui est plus pertinent. De plus, cela entraîne une perte d’efficacité non négligeable : prenons l’exemple d’une LED de 4 000 K dont le flux est de 185 lumens, une LED de même puissance en 3 000 K n’offre plus que 177 lumens (voire 161 lm), soit une baisse d’efficacité de 8 %. Prenons l’ULR, soit la proportion du flux émis audessus de l’horizon par rapport au flux sortant du luminaire (et non le flux source qui est l’ULOR) : deux valeurs sont données, l’une pour un luminaire non incliné, en position de laboratoire à 0° inférieure à 1 %, alors que les certificats d’économie d’énergie autorisaient 3 % et 15 % en ambiance. L’autre valeur est donnée sur site avec une tolérance de 4 % pour les luminaires réglables, mais pour y parvenir, il faudrait incliner les luminaires à des angles supérieurs à 30° ! Autre obstacle, les luminaires dits « d’ambiance » ne s’inclinent pas… Cette exigence, plus le Code flux CIE n°3 à 95 % pour un cône de 75,5° vont supprimer de fait les luminaires d’ambiance tels qu’on les connaît aujourd’hui.

– Qu’entendez-vous par « luminaires d’ambiance » ?
Je pense aux luminaires non inclinables, avec des vasques verticales, ovales, avec des stries, opalisées, etc. ; ces stries et cette opalisation permettaient de limiter l’éblouissement, notamment à 3,50 m de hauteur de feu, mais ne respectent pas le Code flux n° 3. En effet, le Code flux n° 3 empêche quasiment toute lumière entre 75° et 90° car c’est celle qui va plus loin en propagation. Le fait de rabattre ainsi la lumière vers le bas nous contraint à réduire les espacements entre les candélabres ; les calculs indiquent qu’il faudra sans doute réduire les espacements d’environ 25 % pour conserver l’uniformité, ce qui veut dire installer plus d’appareils ; ou alors relever la hauteur de feu, mais il faudra plus de flux pour couvrir la même zone. Dans les deux cas, on dépense plus : soit en augmentant le nombre d’appareils, soit en consommant plus d’énergie !

– Dans ce contexte, quelles solutions peuvent être apportées ?
Nous avons posé un certain nombre de questions qui appellent des précisions de la part du ministère. On peut parfaitement imaginer une note qui indique dans quel type d’application les valeurs doivent être respectées, sans les modifier, en nuançant l’ULR, le Code flux n° 3 et la température de couleur. Cela permettrait de rester dans un cadre d’économies d’énergie, de qualité de l’éclairage et de confort pour l’humain, autant de notions qui disparaissent si l’on applique stricto sensu les préconisations de l’arrêté. Il n’est plus question par exemple de considérer l’objet à éclairer puisqu’il faut raisonner en densité surfacique, soit en lumens par mètre carré, à ne pas confondre avec les lux (qui sont des lumens par mètre carré au sol). À l’heure où nous parlons, nous restons optimistes en espérant que les échanges actuels avec le ministère aboutiront à des éléments de réponses destinés à l’ensemble des acteurs de la filière éclairage pour lever certaines ambiguïtés.

– Quelles ambiguïtés par exemple ?
Par exemple, préciser que les 20 lux demandés pour les PMR sont à maintenir, et autoriser le fait que l’on puisse avoir plus de 20 lux au départ pour tenir compte de la dépréciation du flux et être conforme à l’arrêté PMR. Idem pour la température de couleur : les luminaires annoncés en 3 000 K peuvent faire un peu plus, ce qui est parfaitement toléré, mais est-ce que l’arrêté a la même tolérance ? Prenons les parcs et jardins : considère-t-on qu’il s’agit de mise en valeur ou d’éclairage public ? Cela change tout. Quid des encastrés de sol en 2025 (article 8), faudra-t-il les retirer, ou les éteindre ?

– Concrètement, quelle incidence l’arrêté a-t-il sur vos luminaires ?
Afin d’assurer la conformité de nos produits, Comatelec Schréder a mis en place un plan d’actions. Nous avons accessoirisé nos produits d’ambiance, nous refaisons les calculs photométriques des projets en cours. Avec le groupe Schréder, nous nous mobilisons en travaillant au déploiement de nouvelles optiques et en modifiant industriellement certains de nos luminaires. Notre objectif étant de garantir à nos clients un projet d’éclairage personnalisé et conforme aux dispositifs de l’arrêté.

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SIGNIFY
Bâtir un monde plus durable

Signify n’a de cesse de soutenir les nombreuses initiatives gouvernementales, institutionnelles (au travers de ses partenariats avec le Syndicat de l’éclairage et l’Association française de l’éclairage), ainsi que les acteurs du développement durable. Et ce afin de bâtir un monde plus durable, pour prévenir, limiter et réduire les nuisances lumineuses. À ce titre, Yves Pelliard, responsable du bureau d’études et du service relation clients de Signify, se félicite de la parution des arrêtés de décembre 2018 et apporte quelques points de précision, expliqués et commentés dans la brochure que Signify tient à la disposition de ses clients.

Lumières – Quels sont les points forts de l’arrêté, selon vous ?

Yves Pelliard, responsable du bureau d’études et du service relation clients, Signify (DR)

Yves Pelliard – Le texte va permettre, à long terme, de supprimer les luminaires les plus polluants, notamment les boules lumineuses qui éblouissent plus qu’elles n’éclairent. De plus, l’arrêté ne s’est pas limité à la préservation du ciel nocturne mais concerne également la gêne occasionnée par la lumière envers la faune et la flore. Enfin, il offre l’occasion d’assortir l’éclairage de systèmes de gestion qui permettent d’éclairer quand il le faut, et donc de réaliser des économies d’énergie importantes. Cela nous donne l’opportunité de promouvoir ces systèmes afin de mieux répondre aux exigences de l’arrêté, avec par exemple de la détection ou de la variation d’intensité automatique durant les heures creuses.

– Quelles précisions auriez-vous souhaité voir apportées par le ministère ?
Dans l’article 3.II, notamment, les exigences chiffrées sont indiquées sans notion de tolérance ou surtout d’exigence dans la précision des mesures effectuées par les constructeurs. Par exemple la proportion de flux émis dans le cône de 75,5° par rapport au flux émis dans l’hémisphère inférieure doit être supérieure à 95 %. Cela n’a de sens que si les valeurs mesurées en laboratoire répondent à des exigences strictes. L’arrêté demande que « la valeur nominale de la proportion de lumière émise par le luminaire audessus de l’horizontale est strictement inférieure à 1 % », sans que l’on sache dans quelle position le luminaire doit être posé, et juste après, il est dit que, sur site, « cette valeur assure une proportion de lumière émise au-dessus de l’horizontale strictement inférieure à 4 % ». Pourquoi cette tolérance pour les luminaires réglables sur site ? Faut-il comprendre que 4 % est la valeur à prendre en compte pour tout luminaire installé ? Sinon, quid des appareils non réglables ? Enfin, la densité surfacique est définie comme le flux des sources, mais si l’on prend en compte l’efficacité des luminaires, les valeurs demandées sont impossibles à atteindre dans le respect des normes d’éclairage. La lecture technique de l’arrêté nous oblige à considérer le flux du système et non pas le flux de la lampe.

– Quel impact l’arrêté peut-il avoir sur les projets en cours ?
Dans l’immédiat, c’est la température de couleur qui va être modifiée : les luminaires installés sont en 4 000 K alors que les appareils à venir seront en 3 000 K, ce qui risque de donner lieu à des différences de tonalités au sein d’un même quartier. En ce qui concerne la densité surfacique, nous serons obligés de faire des choix, comme l’espacement des luminaires ou l’implantation des luminaires (en latéral ou bilatéral), même si nous sommes en mesure de trouver les bonnes optiques qui éviteront de modifier l’esthétique de l’installation. Pour certaines installations, nous avons des exigences d’éclairement demandées par le client qui sont bien au-dessus de la norme, et pour respecter la densité surfacique de flux, nous serons contraints de baisser ces exigences. Par exemple, si l’on veut obtenir 40 lux, il nous faudra descendre à 20 lux pour rester dans le cadre de l’arrêté. Les collectivités doivent prendre conscience qu’elles devront dans certains cas revoir leurs prescriptions à la baisse.

– L’arrêté peut-il avoir une incidence sur les luminaires que vous développez ?
Non, pas vraiment, car nous nous attachons depuis longtemps à développer des solutions qui limitent déjà les nuisances. Il faudra passer certains produits en 3 000 K ; en effet, on privilégiait 4 000 K car on obtenait de meilleures efficacités. Cela va juste un peu accélérer l’introduction de nouvelles solutions ainsi que le retrait de certains produits en fin de vie. Signify a élaboré une brochure qui explique l’arrêté. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Ce document a été réalisé dans un but pédagogique afin d’accompagner nos clients et de les aider à comprendre l’arrêté. La brochure, disponible sur notre site Internet, explique certains termes et découpe l’arrêté au travers d’applications concrètes. Un tableau synthétique rassemble les données présentées sur une double page afin que nos clients s’y retrouvent plus facilement. Aujourd’hui, nous espérons obtenir des réponses aux questions que nous avons posées au ministère via le Syndicat de l’éclairage, sous la forme d’une notice explicative par exemple.

Retrouvez le cahier technique du numéro précédent ici.

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