GTB et bâtiment intelligent, en route vers le Smart Building 3.0 ?

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Smart Building, l’expression est de plus en plus répandue, voire à la mode, mais avec quelles réalités ? Doit-on enlever tous les anciens équipements pour rendre « smart » un bâtiment ? Et dans le neuf, quelles sont les étapes pour obtenir un bâtiment « smart » et se préparer au Ready2Services ?

Smart Building ou bâtiment communicant ?
Pour Alain Kergoat, directeur des programmes au sein de la Smart Buildings Alliance (SBA) et cofondateur du cabinet de conseil Urban Practices, « on peut définir le Smart Building comme la rencontre entre les deux univers, celui des “Operations Technology”, c’est-à-dire des contrôle-commande, régulateurs et actionneurs du bâtiment, et celui de l’“Information Technology”, pour principalement capter les données de terrain et permettre leur traitement. Sans prise en compte des données, les technologies de l’information ne peuvent alimenter les systèmes et services externes, souvent dans le cloud, tels par exemple de gestion des espaces et de réservation de salles, ou encore de gestion énergétique ou de maintenance, avec ou sans intelligence artificielle. Pour que les systèmes d’informations apportent une vraie valeur, il faut pouvoir remonter aisément les données, mais dans les projets du bâtiment, les séparations en lots et le “travail en silo” ne facilitent pas l’accès à celle-ci. Les industriels et leurs produits techniques ont évolué et leurs systèmes communiquent de mieux en mieux : API (Application Program Interface) pour échanger des informations avec un formalisme d’interfaçage ou bien encore accessibilité par Internet via des Web services, on sait libérer ainsi les données pour proposer des services ». 

Alain Kergoat

Cependant, dans les faits, la conception avance moins vite dans ses pratiques que les évolutions de la technique. « Chaque lot est communicant mais la notion de “lot smart” recommandé par la SBA n’est pas encore entrée dans les mœurs de mise en œuvre des projets. Ce lot devrait porter tous les éléments relatifs à l’informatique technique, coordonner et partager tous les éléments autour du réseau unique IP. Le porteur de ce lot serait le garant qui attribue l’adresse IP à tout nouvel équipement, et les switches de chaque lot – CVC, électricité, éclairage… – y seraient alors gérés et mutualisés », illustre Franck Mouchel, responsable développement Smart Buildings au sein d’ABB France.

Le constat est partagé par tous les acteurs, les cahiers des charges sont encore trop succincts et on parle de Ready2Services (R2S) sans trop donner de niveau à atteindre.
« Le fait est que l’on n’a pas encore atteint la notion de “Smart Building 3.0”, c’est-à-dire avec un seul chemin/réseau smart Ethernet IP fédérateur et qui innerverait le bâtiment, et ce pour toutes les informations qui y sont liées. Il y a des étapes incontournables et préalables, et l’expression de besoin par le maître d’ouvrage reste souvent encore trop vague. Des questions doivent être posées : quels services sont-ils souhaités pour les occupants ? Jusqu’où aller, et donc avec une clarification de la programmation des services qui soit ad hoc ? Ensuite, il est vraiment nécessaire que l’ensemble des systèmes communicants soit géré par un intégrateur dans un lot à la fois technique car IT, mais aussi de coordination avec les lots techniques de terrain. L’intégrateur qui en aura la charge sera aussi responsable du commissionnement de l’ensemble, et donc de s’assurer que les données sont bien sécurisées et accessibles, et que l’exploitant sera ensuite capable de maintenir l’ensemble », poursuit l’expert.

Le Smart Building n’exclut pas les anciens bâtiments
L’adage « on peut faire du neuf avec du vieux » est aussi valide pour rendre « smart » un ancien bâtiment. « Lorsque les équipements anciens sont suffisamment communicants, ils n’ont pas forcément besoin d’être changés et il est possible de rajouter une ou des briques pour rendre la couche terrain accessible à l’extérieur. Pour exemple, le délestage de charge ne date pas d’hier et on savait couper des lignes complètes dans le TGBT. Désormais, on parle d’intelligence et, pour illustrer, on va modifier la température de consigne de 24 à 26° et abaisser de 50 % la luminosité de certains éclairages pour atteindre la valeur souhaitée de délestage. Le Smart Building permet d’arriver à consommer moins et de façon intelligente, mais également à consommer ce qu’on peut produire en priorité. » C’est également une fausse idée que de penser qu’un Smart Building, pour être R2S, doit être équipé de capteurs sans fil, les technologies traditionnelles ou filaires conviennent également parfaitement.

Franck Mouchel

La certification apporte aussi la pérennité et une meilleure évolutivité dans le temps, le label R2S va aider à se poser les bonnes questions, par exemple quand le bâtiment change de preneurs. Aujourd’hui, on se pose rarement la question : est-ce que l’information existe ? Ainsi, plutôt que d’installer de nouveaux détecteurs pour gérer les salles de réunion, il serait possible de s’appuyer sur des détecteurs déjà existants de gestion de l’éclairage.

« Le label Ready2Services valorise aussi le bâtiment, car le fait de penser infrastructure dès le début du projet, de placer les bons multi-capteurs aux bons endroits est important, car il conditionne la qualité des services que l’on sera capable de mettre en place avec le preneur. Le bâtiment peut ainsi être loué à un tarif plus avantageux car économe, mais aussi avec des services intelligents et de confort qui sont de plus en plus clés », complète Franck Mouchel d’ABB.

Les réseaux et protocoles standard terrain répondent présents
« KNX fêtera ses 30 ans en 2020, et demeure plus que jamais un standard de références au niveau des automatismes du bâtiment, avec une couverture complète des fonctions requises dans un bâtiment, mais aussi en interopérabilité avec tous les autres réseaux filaires comme BACnet, Modbus, ou sans fil tels que ZigBee et EnOcean, qui innervent les couches terrain du bâtiment sur tout ou partie des lots du bâtiment. KNX s’intègre ainsi comme une brique essentielle dans le Smart Building, et KNX France confirme son engagement au côté de la SBA (Smart Buildings Alliance) pour répondre aux enjeux des bâtiments de demain », explique Rémy Ostermann, président de KNX France.

Remy Ostermann

Sur le réseau KNX, ce sont encore les produits communicants sur paire torsadée qui offre la meilleure solution ; il est très facile, via des routeurs ou interfaces et des contrôleurs, de se connecter sur des architectures IP et échanger les informations vers un écosystème plus large que les lots prévus pour une mise en œuvre en KNX. Ces données sont alors utilisables par des applicatifs extérieurs pour proposer de nouveaux services au sein du bâtiment, pour interconnecter ledit bâtiment au sein d’un quartier, ou bien encore pour faciliter la mobilité des usagers.

« On en est encore au début de l’histoire, les éco-quartiers permettent de mettre en œuvre la notion de Smart Building en grandeur réelle et sur une échelle limitée, cela participe à une démarche d’apprentissage car les villes avancent et rendent “intelligents” progressivement leurs bâtiments, puis vont ensuite évoluer doucement vers les interconnexions », ajoute l’expert.

Si l’on prend en séquence les données des capteurs, les programmes d’occupation, les horaires d’ouverture/fermeture, les agendas et activités des entreprises, etc., cela pourrait permettre de synchroniser les infrastructures de mobilité, les affichages aux usagers (mobilier urbain, signalisation), et par exemple changer les cycles de feux de la ville en fonction des différentes sorties dans les bâtiments. Demain, oui, cet exemple sera possible, le Smart Building comme brique essentielle de la Smart City.

Toutes les technologies de terrain évoluent de façon assez similaire, avec des gammes de produits étoffées et de plus en plus performantes. L’ensemble de la filière et les installateurs se sont enrichis des expériences passées, le niveau de compétence progresse, la performance augmente grâce notamment à des outils de conception et de paramétrage toujours plus simples. « Pour 2020, nous introduisons une nouvelle couche de sécurisation KNX Secure pour répondre aux enjeux de sécurité des données dans le bâtiment. Est prévue également une ouverture avec une couche IoT pour communiquer directement avec le monde des objets connectés », précise Rémy Ostermann.

Smart Building et R2S, l’intérêt est de plus en plus marqué
Le coup est parti, le label suscite clairement un engouement fort, mais on est encore en phase de découverte de ces notions et de leurs impacts pour beaucoup d’acteurs, et même au-delà du tertiaire, car le logement social est touché aussi par de nouveaux services et par la nécessaire performance énergétique et l’amélioration du confort. Le label « R2S Résidentiel Collectif » prévu pour 2020 pourra servir de points d’appui à cette démarche.
La filière du bâtiment doit s’approprier le fait que le bâtiment devienne de plus en plus numérique, en premier lieu en faisant évoluer ses processus et ses compétences internes, un élément vital face à la révolution des usages et à la chaîne de valeur qui est attendue du Smart Building. Les projets en cours y participent beaucoup, « mais pourquoi pas, demain, avec un éclairage réalisé au travers d’un Observatoire du Smart Building », lance Alain Kergoat. Une idée qui consacrerait pleinement l’intérêt pour le sujet et participerait au partage des bonnes pratiques.

Jean-François Moreau


Le Smart Building se préoccupe aussi de la connexion aux grids

Côté énergie, le R2S-4Grids
Lancés il y a un an, à l’occasion du dernier SIMI, le volet sur les services énergétiques et l’extension attendue du label R2S-4Grids, que l’on pourrait qualifier aussi de déclinaison énergétique du label R2S, seront à nouveau mis en lumière fin 2019. Quatre fonctions principales sont concernées : la possibilité de contractualiser une tarification « dynamique », d’établir des prévisions de consommation d’énergie, de gérer les ordres de modulation et enfin d’assurer des délestages sélectifs sur sollicitation externe.
GOFLEX ou indice de l’effacement du bâtiment
Imaginé par les adhérents du Gimélec, l’indice de flexibilité énergétique des bâtiments, baptisé GOFLEX et développé en collaboration avec l’IFPEB, s’inscrit pleinement dans le cadre du R2S-4Grids, lancé par la SBA et Certivéa. Ni label ni certification, cet indicateur initialement destiné aux bâtiments tertiaires pourra également s’adapter aux bâtiments résidentiels collectifs dans un second temps, notamment dans le cas du chauffage électrique. Son objectif est de mesurer et révéler le potentiel de flexibilité énergétique d’un bâtiment ou d’un parc de bâtiments sur les marchés de capacités, et de faciliter l’intégration des EnR tout en veillant à l’optimisation des réseaux électriques.
L’indice est essentiellement composé d’une combinaison de trois indicateurs : la classe du système de pilotage (A, B, C ou D), la durée de préavis de la demande de flexibilité (préavis supérieur à 24 h, supérieur à 3 h et sans préavis), la puissance modulable exprimée en kW pour l’été et l’hiver.

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