Virginie Nicolas (ACE) : La transition écologique

Virginie Nicolas
Virginie Nicolas, Présidente de l’Association des concepteurs lumière et éclairagistes. © DR

En passant du sodium à la LED, sans oublier le décret de décembre 2018 sur les nuisances lumineuses, l’éclairage extérieur a fait faire un grand pas à la conception raisonnée et durable.

Virginie Nicolas : Ecological transition – By switching from sodium to LEDs, not forgetting the December 2018 decree on light pollution, outdoor lighting helped to develop sustainable and reasoned lighting design. (article in English after the French version)

Lumières : Quels constats faites-vous aujourd’hui sur l’évolution de la conception lumière ?
Virginie Nicolas : Depuis la dernière édition de Light+Building, voire la précédente, il a beaucoup été question de « smart cities », mais j’ai l’impression, et mes confrères à l’ACE partagent cet avis, que cette connectivité dont on nous parle tant est davantage le reflet de l’offre que de la demande. La connectivité en ville doit partir d’une considération politique générale de gestion des équipements urbains, éclairage compris, être pensée dès le départ, et ne pas se limiter à un quartier. Autre point : la lumière doit être modulable. Il n’est pas toujours nécessaire de déployer des gestions centralisées, mais on peut rendre les espaces publics plus confortables en proposant des gradations autonomes. Ce n’est plus une option, d’ailleurs : les collectivités en font le choix assez systématiquement. Tout comme elles optent pour des éclairages efficaces en LED. L’idée de la belle lumière a évolué au fil des ans ; par exemple, on a longtemps considéré qu’un IRC élevé, c’est-à-dire proche de la lumière du jour, était préférable. Or, on s’aperçoit aujourd’hui qu’un IRC élevé ainsi que des températures supérieures à 3 000 K ne sont pas indiqués pour la préservation de la biodiversité. C’est sans doute en extérieur que la lumière fait le plus débat, comme on l’a vu avec l’arrêté de décembre 2018 qui a pointé du doigt des étapes nécessaires à la transition écologique.

Comment définissez-vous cette transition écologique ?
Elle se déroule en cinq étapes ou en cinq paliers, pourrait-on dire : la réduction des consommations, les ressources, la réparabilité, la durée de vie et le recyclage des produits. La première étape a consisté bien entendu à réduire les consommations, notamment avec des luminaires LED moins énergivores, associés à des dispositifs de gestion et de programmation de la lumière qui permettent de tenir compte des apports de lumière du jour et d’éclairer uniquement là et quand cela est nécessaire. Nous avons les outils aussi bien en éclairage intérieur qu’en extérieur. Le deuxième point concerne les ressources : il reste encore beaucoup à faire, tant du côté des fabricants que des concepteurs lumière. Par exemple, fabriquer des matériels qui requièrent moins de ressources pour les uns, élaborer des projets d’éclairage en prenant en compte le plus grand nombre possible de critères pour les autres. Il nous manque encore des informations sur les produits et leur fabrication. Ce qui soulève d’autres questions : celles de l’obsolescence programmée et de réparabilité, qui font l’objet de toutes les attentions et devraient déboucher, nous l’espérons, sur des réglementations, au moins au niveau européen. Pour nous, la « réparabilité » veut aussi bien dire qu’on peut acheter des pièces détachées pour réparer un produit, que lui donner une seconde vie en le remettant sur le marché après complète rénovation.

La réparabilité n’est-elle pas liée à la durée de vie ?
Oui, bien sûr. Les collectivités n’ont aucune envie de remplacer leur matériel à la première panne venue. Les produits LED sont conçus pour durer plusieurs décennies, mais que se passe-t-il pour l’intérieur où l’on change fréquemment l’éclairage ? Il faudrait que les matériels puissent être interchangeables ; qu’une réelle interopérabilité se mette en place avec la possibilité de changer les accessoires ou les optiques ; et que nous puissions bénéficier plus largement de cette réparabilité, mais il s’agit d’une autre économie…

Qu’en est-il en éclairage extérieur ? Les problématiques sont-elles les mêmes ?
Non, car les installations durent 15, 20 ans, voire plus sans grand changement d’usage. En intérieur, une boutique peut se transformer en bureau, un bureau en accueil du public, etc. En extérieur, il est rare que l’on soit amené à changer l’usage. La modularité rêvée des espaces extérieurs reste un peu à la marge. En revanche, certains critères demandent à être reconsidérés : comme la gradation qui peut entraîner un papillotement des sources (flickering) qui peut être très dommageable pour certaines espèces animales, même si non visible par les humains. Le flicker n’est pas seul en cause : le décret de décembre 2018 recommande de passer à des températures plus chaudes, selon le site à éclairer. C’est à nous, concepteurs lumière, d’être vigilants ; d’ailleurs, lors de nos schémas d’aménagement lumière, nous consultons systématiquement les études d’impact qui nous permettent de savoir quels animaux sont présents sur les sites et quel type de lumière il faut favoriser. À chaque site, à chaque usage, il est possible désormais d’adapter une qualité de lumière, une technologie, à la faune et à la flore existantes : la transition écologique est peut-être la marque de l’évolution de la conception lumière en extérieur.

https://www.ace-fr.org/

Conseil d’administration de l’ACE : Virginie Nicolas, présidente - Vincent Thiesson, vice-président - François Gaunand, secrétaire - Christophe Luquet, trésorier - Caterina Colle, Nawel Creach-Dehouche et France Dubois, membres. ©DR
Conseil d’administration de l’ACE : Virginie Nicolas, présidente – Vincent Thiesson, vice-président – François Gaunand, secrétaire – Christophe Luquet, trésorier – Caterina Colle, Nawel Creach-Dehouche et France Dubois, membres. ©DR

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Ecological transition

Lumières : What can you say today about the evolution of lighting design?
Virginie Nicolas : Since the last edition of Light+Building, or even the one before, there has been a lot of talk about ‘smart cities’, but I think, and so do my colleagues at ACE, that the connectivity we hear so much about reflects more the supply than the demand. Connectivity in the city must be based on policy considerations on the management of urban facilities, including lighting, and must be considered from the start, and not be limited to one neighbourhood. Another point: the lighting must be modular. It is not always necessary to deploy centralized lighting control – public spaces can be made more comfortable by using autonomous dimming. This is no longer an option, by the way; local authorities choose this systematically, just as they choose efficient LED lighting. The idea of what beautiful lighting can be has evolved over the years. For example, a high CRI, i.e. close to daylight, was long considered preferable. Today, however, a high CRI and colour temperatures above 3000 K are not suitable for the preservation of biodiversity. It is undoubtedly outdoor light that is the most debated, as we saw with the decree of December 2018, which pointed out the necessary steps for ecological transition.

What definition can you give of this ecological transition?
It takes place in five stages, or in five steps, one could say: energy savings, resources, reparability, lifetime and recycling of products. The first stage has of course consisted of reducing energy consumption by using LED luminaires with light control and programming devices, which take into account daylight inputs and thus allow lighting only where and when necessary. We have these tools for both indoor and outdoor lighting. The second point concerns resources. There is still a lot to be done by manufacturers and lighting designers, for example, manufacturers making fixtures that require fewer resources, and designers developing lighting projects that consider as many criteria as possible. We still lack information about products and their manufacturing. This raises other issues: planned obsolescence and reparability, which are the subject of much attention and should, we hope, lead to regulations, at least at the European level. For us, repairability means both buying spare parts to repair a product and giving it a second life by putting it back on the market after complete renovation.

Isn’t repairability related to a product’s lifetime?
Yes, of course it is. Cities do not want to replace their equipment at the first breakdown. LED products are designed to last several decades, but what about indoors, where lighting is changed frequently? The equipment should be interchangeable; real interoperability should be established with the possibility of changing accessories or optics. And we should be able to benefit more widely from this reparability, but that is a different economy …

What about outdoor lighting? Is it the same?
No, because the installations last 15, 20 or even more years without much change in use. Indoors, a shop can be transformed into an office, an office into a reception area, etc. Outdoors, you don’t change the use. The modularity of outdoor spaces remains a bit on the fringe. On the other hand, a few criteria need to be reconsidered, such as dimming, which can lead to flickering and can be very harmful for certain animal species, even if not visible to humans. Flickering is not the only issue: the decree of December 2018 recommends switching to warmer-colour temperatures, depending on the site. It’s up to us lighting designers to be attentive. When we do lighting development plans, we systematically consult impact studies that tell us which animals are present on the site and which type of light should be favoured. At each site, for each use, it is now possible to adapt the quality of light, the technology, to the existing fauna and flora. Ecological transition might be an indication of outdoor lighting design’s evolution.

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