Hôpital 4.0, le numérique au service des patients et des soignants

Infrastructure critique par excellence, l’hôpital nécessite des systèmes de gestion adaptés pour optimiser sa performance opérationnelle et assurer la continuité de service, quelles que soient les conditions. À l’heure où la performance des hôpitaux est au cœur des préoccupations, un tour d’horizon des solutions technologiques d’aujourd’hui et de demain s’impose.

« Pour nos clients hospitaliers, la feuille de route – ou stratégie de numérisation – est le plus souvent articulée en trois étapes : la première est la connaissance du bâtiment sous son format numérique. C’est le BIM qui est une étape incontournable pour tout nouveau projet. La deuxième est l’identification des cas d’usage du domaine hospitalier, qui s’adossent à des méthodes et savoir-faire en place. La dernière est la mise en place d’une architecture physique IoT et logicielle pour répondre à ces cas d’usage au sein du bâtiment », explique James Grivet, CEO de la start-up WITTYM, qui propose via sa plateforme Web dédiée au BIM une solution basée sur l’IA d’exploitation optimale des données, processus et connaissances métiers du secteur du bâtiment.

Hôpital 4.0, le bâtiment colonne vertébrale de la digitalisation
« Le bâtiment hospitalier constitue la colonne vertébrale qui génère des données pouvant répondre à des cas d’usage autour du patient, soignant, équipes techniques et direction. L’objectif étant que l’hôpital s’adapte au patient, avec des services qui lui permettent d’interagir sur son environnement, et de suivre son propre parcours de soins dans l’hôpital », explique Yann Le Loarer, directeur du marché Santé de Siemens France.

Yann Le Loarer, Siemens

« Dans un hôpital de l’ouest de la France, nous développons une plateforme logicielle d’hypervision basée sur notre technologie Desigo CC avec des applicatifs qui, par exemple, vont permettre à un patient à mobilité réduite de piloter son environnement de chambre, mais aussi d’aller en toute autonomie en salle de rééducation grâce à la géolocalisation et au pilotage d’automatismes à partir de l’hyperviseur. Pendant ce temps, le personnel est prévenu que la chambre est libre et qu’il est possible d’y intervenir », poursuit l’expert. Les exemples sont multiples, l’hyperviseur doit ainsi s’interfacer avec les équipements du bâtiment et les équipements hospitaliers, mais aussi au Système d’information hospitalier ou SIH, pour accéder aux « données patient » de façon anonymisée, pour personnaliser le service au patient. Ainsi, dans un autre cas, il s’agit de donner une meilleure vision du parcours de soins en médecine nucléaire au patient, avec des étapes et durées en fonction du déroulé de l’examen.

Pour les soignants, l’intérêt de la digitalisation est de centraliser les datas pour répondre à des usages, avec parfois des gains de temps importants quand il s’agit de rechercher des équipements tels que les échographes, pousse-seringues ou respirateurs. De ces données, on peut aussi extraire les taux d’utilisation des équipements et améliorer la gestion des ressources, « le personnel soignant est ainsi davantage focalisé sur son métier au service du patient », poursuit l’expert de Siemens.

Pour Fabrice Broutin, directeur du segment Santé pour Schneider Electric, « le futur sera centré sur la transformation numérique, l’échange d’informations en prenant en compte la collaboration entre les industriels et leurs partenaires. Pour exemple, la mise en place d’EcoStruxure pour la Santé, plateforme cybersécurisée et interopérable avec nos partenaires, que ce soit le DPI (dossier patient informatisé), les fournisseurs de tablettes numériques ou d’objets connectés offrant par exemple de la géolocalisation de patients et d’équipement ou des lits connectés. Toutes ces solutions sont prises en compte par la GTB, l’objectif premier est de faire oublier les contraintes du bâtiment et de faire se re-focaliser les soignants sur leurs métiers de base. L’Hôpital 4.0 devient ainsi véritablement au service de ses occupants en leur offrant du confort, de la sécurité et de la sérénité, de par un environnement mieux adapté. Pour donner un exemple, une chambre d’Ehpad bien éclairée permet de mieux prendre en compte le bien-vieillir” ».

Fabrice Broutin, Schneider Electric

Des services numériques adaptés permettent donc de rompre l’isolement, en tenant compte d’une complémentarité humaine qui est bien évidemment nécessaire. « Une chambre d’hôpital tamisée avec un confort adéquat permet également de mieux guérir, les contraintes étant prises en compte par nos solutions d’automatismes du bâtiment en fonction de la pathologie du patient », confie l’expert de Schneider Electric.

L’hôpital 4.0 n’est pas un produit « sur étagère »
« La co-création est un enjeu clé et l’implication des équipes soignantes est indispensable à la réussite du projet. En effet, chaque parcours patient est unique et constitue de multiples étapes suivant la pathologie, ce qui nécessite de fluidifier le process avec les parties prenantes. L’objectif est de donner aux patients et aux soignants une visibilité en temps réel du parcours de soins affectant ainsi le bon équipement au bon moment », illustre Yann Le Loarer, de Siemens.

« Avec notre plateforme Exchange, les données numériques sont partagées avec nos partenaires technologiques ou filières. Cela passe également par la coopération entre industriels et structures de santé, avec la mise en place de co-marketing ou de co-conception. Un exemple criant est la collaboration que nous mettons en place pour répondre à la crise actuelle du Covid-19 et répondre à la demande de nos clients hospitaliers, avec la plus grande agilité possible car le temps est aussi un facteur important », ajoute Fabrice Broutin, de Schneider Electric.
Un des points clés ces dernières années fut l’organisation des hôpitaux en pôles d’activités rassemblés autour d’un plateau technique : « En prenant les nouveaux besoins en compte, nous avons ainsi réfléchi avec nos partenaires technologiques à des solutions complémentaires dans un but précis de répondre au parcours du patient le plus fluide possible. Avec la transformation numérique associée autour du virage de l’ambulatoire, qui modifie les organisations et le parcours des patients avec des salles d’accueil, de consultation, d’attente et de repos. Ceci tout en prenant en compte une flexibilité adéquate qui fait preuve aujourd’hui avec la crise du Covid-19, notamment dans la demande de reconfiguration de chambres classiques en chambres de réanimation », ajoute l’expert de Schneider Electric.

Cybersécurité, « point de douleur » de l’Hôpital 4.0 ?
Avec l’open data et l’usage de protocoles standards, « la cybersécurité devient un enjeu stratégique qui est au centre de l’Hôpital 4.0 car il s’agit de protéger les données patient mais aussi les systèmes et équipements », explique Yann Le Loarer, de Siemens.

Et on le constate encore avec la crise actuelle, les hackers ont tendance à s’attaquer aux structures sous tension dont font partie les hôpitaux. « L’intégration des événements et la transformation climatique permettent également d’accompagner les structures de santé dans leur transition énergétique et de leur proposer des solutions intégrant du conseil, de la gestion de politique de risque, des projets d’efficacité énergétique. Cela pour répondre également aux nouvelles contraintes de diminution de leur empreinte carbone », ajoute Fabrice Broutin.

BIM et supervision pour les nouveaux projets d’hôpitaux
Stephan Taverni, directeur régional Sud-Est de SAUTER, estime : « L’interface de la GTC avec la maquette BIM doit faire partie intégrante de la stratégie Hôpital 4.0. La mise à jour régulière, voire à terme en temps réel, de la maquette BIM avec les informations disponibles sur la GTC sera un atout majeur dans la gestion des établissements et permettra d’apporter encore plus de confort et de sécurité aux patients, de diminuer les coûts d’exploitation et d’optimiser les opérations de maintenance.
De par leurs capacités d’ouverture et de traitement, nos solutions Modulo 6 et Sauter Vision Center permettront d’écrire dans un objet numérique de la maquette BIM les informations en temps réel, par exemple la valeur de température pourra être écrite dans un objet sonde, le défaut dans un organe de sécurité. »

Stephan Taverni, SAUTER

Pour les nouveaux hôpitaux, la conception BIM s’impose d’ores et déjà, notamment compte tenu de ses multiples réseaux – fluides médicaux, réseaux pneumatiques et autres réseaux spécifiques – qui s’ajoutent aux fluides classiques. « Le challenge sera de maintenir une maquette à jour tout au long de la vie du bâtiment, la mise à jour automatique des données entre GTC et BIM sera primordiale.
Nous pouvons imaginer que dans un avenir proche des actionneurs intelligents tels que le Smart Actuator de SAUTER, qui communiquent et se paramètrent déjà avec un simple smartphone, pourront envoyer directement des informations à la maquette BIM. Par exemple un objet BIM sera mis à jour automatiquement (temps de fonctionnement, état, numéro de série…) »,
 poursuit l’expert.

La digitalisation est incontournable pour toutes les activités hospitalières
L’usage numérique va continuer sa progression permanente, avec des outils adaptatifs et collaboratifs pour suivre au plus près les évolutions des missions de l’hôpital de demain.

« Les usages de l’intelligence artificielle vont nécessairement se démultiplier. D’une part dans les systèmes médicaux et de diagnostic, et d’autre part dans le prédictif sur les équipements techniques et sur la gestion de l’énergie avec un équilibre entre les besoins, la production et le stockage local éventuel. Mais aussi avec le BIM en exploitation, et la mise en œuvre d’un vrai jumeau numérique, qui sera un levier forcément exploité par les établissements de santé. Enfin, la crise sanitaire nous pousse à devenir encore plus créatifs et innovants pour accompagner nos clients dans la continuité d’activité et dans une démarche prospective de l’après-Covid-19 », conclut l’expert de Siemens. L’autre grand défi sera d’intégrer ces mutations technologiques dans un cadre budgétaire le plus souvent très restreint.


Le virage numérique des établissements de santé

Bernard Thuillet, directeur général de NephroCare Occitanie et Béarn

Les établissements de santé publics et privés, à fois sous leur propre impulsion et celle des tutelles de santé, se sont lancés au cours des dix dernières années de nombreux défis qui leur ont permis de réussir le virage numérique.

La télémédecine constitue le premier exemple de ce virage. Elle permet d’offrir aux patients, aux praticiens et à une grande partie des personnels paramédicaux un ensemble de services personnalisés. La téléconsultation et le télésoin sont autant de solutions qui apportent de nouveaux services aux usagers pour être acteurs de leur santé. Par exemple le suivi des pathologies chroniques (diabète, insuffisance rénale chronique…) est désormais en grande partie assuré par ces outils numériques. Les établissements de santé se sont ainsi organisés pour proposer des solutions qui se sont développées de manière spectaculaire au cours des dernières semaines en raison de la crise sanitaire actuelle. Un second exemple de ce virage numérique est celui de la gestion des indicateurs de qualité et de sécurité des soins (IQSS). Ces outils qui mesurent l’état de santé d’une population de patients ou une pratique professionnelle permettent d’évaluer de manière fiable la qualité des soins et la sécurité des patients. Ces indicateurs, dont l’évaluation annuelle est rendue obligatoire par les autorités de santé, participent désormais au financement des établissements de santé. Pour toutes ces raisons, il est devenu indispensable d’être en mesure d’établir automatiquement des tableaux de bord de suivi de ces indicateurs. Des outils numériques adossés aux systèmes d’information médicale permettent un calcul automatique de ces indicateurs qualité, simplifiant et sécurisant la détermination de leurs niveaux d’atteinte.

La troisième application du numérique dans le domaine de la santé est celle qui permet de tirer tous les bénéfices de l’intelligence artificielle. Le développement des algorithmes d’apprentissage automatique et la modélisation des données médicales permettent désormais de mettre à la disposition des praticiens de nouvelles générations de dispositifs médicaux et de puissants outils d’aide à la décision et à la prescription.

Un grand nombre d’autres processus gérés dans les établissements de santé le sont via des outils informatiques : dossier médical et pharmaceutique du patient, gestion des risques associés aux soins, logistique, maintenance tertiaire et biomédicale…, confirmant l’importance désormais prise par le numérique dans le domaine de la santé.


Appel d’offres hôpitaux de campagne « Hospi-Camp », un collectif d’acteurs du bâtiment se mobilise

Xavier Jaffray, CEO de la société de construction modulaire bois LECO
Laurent Perusat, architecte associé d’AIA Life Designers, Atelier Santé

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fruit d’un élan initié par la Smart Buildings Alliance (SBA) et BATIMAT, la réponse à projet rassemble de nombreuses innovations : fabrication hors site, conception BIM, suivi de projet transversal et ingénierie concourante, ouvrages durables et réutilisables pour d’autres missions, formation en e-learning des équipes de montage notamment.

« La rigueur imposée par la rapidité du projet impose la maîtrise du BIM à toutes les étapes », soulignent en premier lieu les deux experts. L’usage du BIM est ainsi le moyen de maîtriser la conception des modules dans leurs moindres détails, et ce jusqu’à la réalisation, et de bien gérer les besoins en matières nécessaires à leur construction grâce à un contrôle parfait des quantités qui sont inscrites, listées et quantifiées dans le modèle 3D. « Pour les systèmes CVC, nous avons travaillé à une base qui corresponde à une solution classique (chaudière, pompe à chaleur, convecteurs, etc.), avec un système mobile qui vient se plugger pour que l’air des espaces confinés des chambres de réanimation puisse avoir le classement aéraulique réglementaire d’asepsie requis pour ces espaces sanitaires aigus. »

Ce sont ces mêmes plugs qui fournissent les fluides médicaux (vide, oxygène…) et les alimentations électriques du matériel médical situés dans les espaces. L’alimentation électrique par elle-même dépendra évidemment de la situation de l’Hospi-Camp et de sa capacité à bénéficier d’une alimentation locale, mais la pose d’un groupe électrogène mobile est la solution la plus logique. Il y aura aussi des travaux de VRD, pour raccorder l’Hospi-Camp au réseau d’assainissement et l’alimenter en eau. La SBA intervient quant à elle dans la mobilisation des acteurs membres sur des fonctions spécifiques issues du cahier des charges.

Exemple de construction modulaire à Paris : le relais Italie.
(c) LECO

Une belle initiative qui, au final, a été écartée au profit de solutions traditionnelles, malgré l’agilité et la capacité démontrée à mobiliser une équipe de production et à délocaliser la production au plus près des sites de montage, le montage pouvant s’effectuer dans n’importe quel espace abrité. Il était ainsi prévu, en s’appuyant sur 7 centres de production déjà présents sur l’ensemble du territoire, une capacité de production permettant ainsi d’exploiter, à proximité des hôpitaux, près de 210 lits en moins de dix semaines. Une solution qui, comme le soulignent les porteurs du projet, peut s’adapter à n’importe quelle situation de crise mais répondre également à des usages réclamant précision et agilité comme des bâtiments déplaçables, ou bien encore pour du réemploi de bâtiment.


Les infrastructures énergétiques sont « vitales » dans la maquette BIM de l’Hôpital 4.0

Yohann Riffard, directeur commercial France-Benelux, et Mehmet Yuksel, responsable produit BIMelec pour l’éditeur ALPI

Vue 3D : modélisation d’un réseau électrique avec armoires, terminaux, réseaux de chemins de câbles.
(c) ALPI

« La numérisation des informations électriques implique, depuis la conception du projet, la réalisation de schémas de principe, de détails et de choix de matériels de l’appareillage de protection, et ce jusqu’au câbles en passant par les ultras terminaux. Dans un projet hospitalier, la cohérence des données de conceptions numérisées avec l’ouvrage est d’autant plus cruciale lors d’interventions de maintenance mais également dans l’assurance de continuité d’exploitation, par exemple dans les unités d’opération », estiment les deux experts d’ALPI.

Les projets hospitaliers font partie des installations électriques tertiaires les plus complexes et réglementées. Il en ressort un véritable défi, que ce soit en nombre de circuits, d’alimentation secourue, d’encombrement dans les faux plafonds en cohabitation avec les autres lots techniques, etc., et lors de la conception, une bonne vision des espaces et des confinements dans une vue d’ingénierie en trois dimensions est clé. Tous les aspects de sécurité et conformité à la norme hospitalière sont à prendre en compte : ainsi, le contournement d’une zone interdite, qui peut être en contradiction avec la norme électrique, doit être intégré et ajusté pour le dimensionnement final des câbles. Le régime de neutre hospitalier, les réseaux normaux et secourus, les séparations physiques de certains réseaux sont également inclus.

Pour les hôpitaux existants, il n’est pas rare de trouver des plans au format papier ou DWG sans lien avec une base de données technique, et donc non exploitable en l’état. La suite Caneco ONE propose un applicatif d’ingénierie électrique sur AutoCAD qui permet d’exploiter ces formats pour en extraire des plans à jour pour le courant faible (SSI, VDI, CFA) et le courant fort liés à des standards de dimensionnement d’installations électriques basse tension et moyenne tension. Ces mêmes plans sont exploitables avec des plateformes de maquette numérique modernes, comme Revit, avec Caneco BIM, tout en assurant l’intégrité des données sur tous les échanges, comme proposé avec le processus BIMelec d’ALPI.

Schéma unifilaire de puissance d’une installation électrique multi-source.
(c) ALPI

« La base de données multi-fabricants aussi bien de câbles que de matériels, et ce jusqu’à la prise de courant, est aussi un autre point fort de la suite logicielle, car même en rénovation on sait mixer et modéliser du matériel d’aujourd’hui avec des éléments plus anciens », confient Yohann Riffard et Mehmet Yuksel.

La suite logicielle Caneco ONE permet aussi de représenter la partie haute tension avec le calcul des boucles et jusqu’aux armoires HT avec Caneco HT. Le chiffrage complet peut être affiné à toutes les étapes du projet avec Office Elec.

Jean-François Moreau

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