DOSSIER : La sécurisation de l’alimentation des datacenters reste une priorité

© Vertiv

La sécurité et la continuité de service des centres de données, mais aussi des équipements électroniques ou industriels sensibles, passent par une alimentation sécurisée performante. Depuis plus de 50 ans, les alimentations sans interruption (ASI ou UPS) assurent ce service. Leurs performances évoluent pour une meilleure efficacité énergétique, une meilleure fiabilité et maintenabilité et une intégration dans tous les systèmes de supervision et contrôle.

Les solutions pour la sécurisation de l’alimentation des datacenters sont apparues dès l’origine des centres informatiques, car très vite, il est apparu qu’une coupure de réseau et les pertes d’information, de production ou les pannes qui en découlent n’étaient pas acceptables.

Mais comme le souligne Séverine Hanauer, Data Center & Telecom Sales Director-Consulting & Solutions Director de Vertiv France, « on ne dit pas assez à quel point la situation avec la Covid a accéléré la digitalisation des entreprises et surtout souligné l’importance des datacenters qui ont joué un rôle vital dans le maintien de l’activité, notamment celle des hôpitaux. Et pour maintenir « en vie » les applications informatiques indispensables au fonctionnement d’un établissement, quelle que soit l’activité critique de ce dernier, l’onduleur est primordial. Il assure en effet une grande partie de la sécurité globale de la chaîne électrique, depuis la source de production de l’électricité en amont jusqu’à l’équipement terminal comme un ordinateur ou un serveur ».

Des techniques en constante évolution
Les constructeurs travaillent depuis plusieurs années à l’amélioration de différents paramètres pour répondre à l’évolution de la demande, aux besoins plus diversifiés, que ce soit du petit centre de données aux très grands datacenters des très grands hébergeurs internationaux, mais aussi à la sécurisation de l’alimentation de process industriels sensibles ou d’équipements médicaux.

Ces améliorations concernent l’efficacité énergétique, la flexibilité des configurations, la fiabilité, la maintenabilité, la facilité d’exploitation, mais aussi la réduction des encombrements et poids pour une installation plus facile.

ASI modulaire triphasée DPA 500 d’ABB de 100 kW à 3 MW. © ABB

Un rendement élevé, clé de l’efficacité énergétique
La hausse du coût de l’énergie et les préoccupations environnementales ou de nouvelles réglementations ont poussé à améliorer le rendement d’appareils qui fonctionnent 7 jours sur 7 pendant des années sans aucune interruption. Le moindre pourcentage gagné sur des installations qui peuvent dépasser plusieurs mégawatts ou dizaines de MW représente des gains financiers importants.

 

Les dernières innovations de l’électronique de puissance, telles que les convertisseurs multiniveaux, une électronique de contrôle de plus en plus performante, la suppression du transformateur de sortie pour un gain de poids, d’encombrement et de rendement vont permettre, pour les nouvelles gammes, des gains de rendement significatifs. En quelques années, les rendements AC-AC des équipements sont passés de 93-94 % à 96-97 %, soit une division par 2 des pertes. Donc moins de coûts de refroidissement des locaux techniques.

Le développement de solutions modulaires permet également de minimiser les pertes en évitant d’avoir des appareils surdimensionnés travaillant à 20 ou 25 % de charge, donc avec un rendement plus faible.

Pour Hatem Bouzidi, Segment Sales manager Datacenters d’ABB France, « il faut avoir une approche avec des solutions faciles à faire évoluer. Rien ne sert de prévoir des onduleurs monolithiques ayant une puissance figée quand on sait que le datacenter aura sa vie durant des niveaux de charge fluctuants en fonction de la charge IT. Les onduleurs modulaires permettant d’ajouter « à chaud » de nouveaux modules de puissance pourront répondre à ce besoin d’évolution (Pay as you Grow). Les onduleurs modulaires d’ABB vont aujourd’hui de 60 kVA à plus de 9 MVA, avec des modules allant de 20 à 250 kVA. Ensuite, il est important que ces onduleurs aient un rendement le plus élevé possible : les onduleurs modulaires avec répartition des charges grâce à des systèmes optimisés pour le fonctionnement à faible charge (Xtra VFI) permettent de linéariser ce rendement de plus de 97 % entre 20 et 80 % de charge. La continuité de service pour des alimentations redondantes des charges IT passe par des inverseurs de sources fiables, rapides à installer comme notre nouvel inverseur TruONE associé à notre disjoncteur Emax 2 ».

Onduleur 300 kW modulaire d’Eaton 93PM G2 (à-360 kVA avec modules de 50 kW. © Eaton

 

François Debray, chef de produit Marketing Onduleurs d’Eaton France, le confirme : « Le rendement élevé est un argument fort et l’installateur peut facilement le démontrer au client. Pour notre nouvelle gamme 93PM G2 (50-360 kVA), le rendement en double conversion de 97 % permet de réduire les coûts d’exploitation et de refroidissement. Le remplacement d’un onduleur de l’ancienne génération 93PM permet un retour sur investissement de 2 à 3 ans. De plus, le mode d’économie d’énergie (ESS) d’Eaton améliore le niveau d’efficacité à plus de 99 %. Les modules de puissance échangeables « à chaud » (sous tension) permettent d’augmenter la capacité de l’onduleur à tout moment par simple ajout de modules : des modules de 50 ou 60 kVA peuvent être ajoutés sans interrompre le système ou affecter la charge critique. »

Legrand a élargi son offre avec différentes technologies, conventionnelles ou modulaires. Pour Franck Moulin, Regional Sales Manager Europe de Legrand Data Center Solutions« les points importants sont le rendement et le faible coût d’exploitation (TCO), mais aussi la réduction du MTTR (temps moyen de réparation). Trois points essentiels sur lesquels le Groupe Legrand a investi massivement afin de proposer des solutions toujours plus en adéquation avec les besoins de nos clients ! Aux gammes conventionnelles, comme les onduleurs Keor HPE (60-500 kW) présentant un rendement jusqu’à 96,4 %, sont venus s’ajouter de nouvelles gammes modulaires telles que UPSaver et UPSaver 3VO, modulables jusqu’à 21 MW à partir de modules de 200 kW ou de 333 kW, remplaçables à chaud. Leur rendement peut aller jusqu’à 99,5 % grâce aux 4 modes de fonctionnement. La faible taille des modules de puissance facilite leur maintenance et leur remplacement ».

Onduleur UPSaver de Legrand modulable jusqu’à 21 MW à partir de modules 200 kW ou 333 kW. © Legrand

Pour ses gammes d’onduleurs Galaxy VM-VL et VX de 10 à 1500 kW, Schneider Electric utilise une technologie brevetée d’onduleurs à 4 niveaux. Damien Giroud, National Sales Director Secure Power France de Schneider Electric, explique les avantages de cette technologie. « Pour réduire les coûts d’exploitation, cette technologie 4 niveaux à IGBT entraîne moins de stress des composants, une meilleure fiabilité et une diminution des pertes de commutation. D’où un rendement atteignant 97 % en mode double conversion VFI. Mais en utilisant un convertisseur DC/AC bidirectionnel breveté, nous proposons à nos clients un mode ECOversion. Ce mode combine le meilleur du mode Eco et du mode double conversion ; le convertisseur agit comme un compensateur actif d’harmoniques et assure la recharge de la batterie avec un rendement de 99 %. Toutes ces gammes sont modulaires avec, par exemple pour le Galaxy VS (10 à 150 kW), des modules de 20 et 50 kW. L’ajout d’un module de puissance est automatiquement détecté et tous les réglages sont mis à jour automatiquement. Ces appareils sont compatibles avec tous les modes de stockage d’énergie, plomb VRLA, lithium, Ni-Cd ou flywheel. Tous ces équipements peuvent bien entendu être connectés à EcoStruxure IT Expert, un logiciel de surveillance basé sur le cloud et indépendant de tout fournisseur, pour gérer les alarmes et assurer la continuité de service. »

Onduleur triphasé Galaxy VX 1500 kW de Schneider Electric. © Schneider Electric

Vertiv utilise les dernières technologies permettant une réduction de la consommation énergétique globale grâce à des innovations à tous les niveaux de l’onduleur. Séverine Hanauer explique : « Si on prend l’exemple de la gamme Vertiv Liebert EXM2, on utilise un système de contrôle de la vitesse des ventilateurs à courant continu qui servent à optimiser la ventilation à l’intérieur de l’équipement. Grâce ces innovations, cette dernière génération d’onduleur supporte des températures jusqu’à 40 °C, voire 50 degrés avec un déclassement. De même, les performances du Liebert EXM2 sont augmentées grâce à une mise en parallèle intelligente et trois modes de fonctionnement basés sur l’apprentissage automatique (machine learning) qui réduisent les coûts d’exploitation et la dissipation énergétique. Ainsi, l’onduleur Liebert EXM2 atteint jusqu’à 98,8 % de rendement en mode online dynamique, et 97 % en mode online double conversion.

Vient ensuite la flexibilité de l’installation, qui présente deux intérêts. Premièrement, les clients vont pouvoir acheter uniquement la puissance de secours électrique dont ils ont besoin à l’instant T, et ainsi limiter l’investissement et optimiser le rendement. Deuxièmement, grâce à l’ajout interne de modules de puissance en parallèle ou l’ajout d’un autre onduleur séparé et installé en parallèle, les clients payent en fonction de l’évolution de leurs besoins en puissance ondulée. » 

Vertiv annonce son nouvel onduleur triphasé EXM2 de nouvelle génération avec batterie lithium-ion. © Vertiv

Des solutions qui prennent en compte la facilité d’installation et la maintenabilité
Les dimensions et poids des équipements ont diminué très fortement en quelques années, de nouvelles gammes sont souvent deux fois moins encombrantes que les précédentes. Comme le souligne Séverine Hanauer, « les nouvelles générations d’onduleurs sont toujours plus compactes et occupent donc moins de place au sol, ceci grâce à une conception optimisée et l’utilisation de composants plus petits, mais plus performants et moins lourds. Au-delà du gain d’espace, la souplesse d’implantation dans une salle permet aussi d’optimiser l’espace requis. Ainsi, la dernière gamme d’onduleurs Vertiv Liebert EXM2, sur le point d’être commercialisée, permet un positionnement soit en rangées entre des baies, soit contre un mur ».

Ce gain de place permet de réduire la surface des locaux techniques ou, quelquefois, de regrouper dans la même armoire ou le même local onduleur et batteries. D’où l’optimisation de la gestion et du refroidissement de ces locaux techniques, en particulier avec l’arrivée des batteries lithium, moins encombrantes et acceptant des températures de fonctionnement plus élevées que le plomb.

Des solutions qui, à l’image de MNS-Up d’ABB, peuvent regrouper dans un même tableau un onduleur modulaire Conceptpower DPA 500 (de 100 à 500 kW par module de 100 kW) et l’appareillage basse tension. Ainsi, précise Hatem Bouzidi : « MNS-Up associe ASI modulaire et appareillage BT avec disjoncteurs Emax2 d’ABB pour sécuriser et optimiser l’alimentation d’infrastructures sensibles. Par rapport aux configurations habituelles, la solution permet un gain de place de plus de 10 % pour une installation de 500 kW. Les raccordements entre modules ASI et jeux de barres sont exécutés et testés en usine, évitant ainsi les vicissitudes du câblage sur site. »

Nouvelle solution MNS-Up d’ABB intégrant l’ASI modulaire DPA 500 et les tableaux électriques associés. © ABB

La maintenabilité est un point fort des nouveaux matériels avec l’utilisation de plus en plus courante de modules de puissance facilement interchangeables, quelquefois sous tension sans interrompre la protection de la charge. Les accès à tous les éléments et sous-ensembles des onduleurs par l’avant se généralisent pour des interventions plus courtes, y compris pour accéder au câblage de puissance. Tous ces éléments permettent de réduire le temps de dépannage (MTTR). Les batteries, lorsqu’elles sont montées dans la cellule de l’onduleur ou dans des armoires séparées, doivent être facilement accessibles pour le contrôle des éléments et du câblage.

Des interfaces de communication pour assurer la surveillance et l’aide à la maintenance et au dépannage
Les nouveaux onduleurs sont équipés de cartes de communication permettant de transmettre des données précieuses sur les paramètres de l’équipement et de son environnement pour s’assurer de détecter rapidement et localiser une panne, voire prévoir une maintenance préventive. Cette capacité de surveillance peut se faire à l’aide des suites logicielles des constructeurs. C’est particulièrement important pour des installations dans des sites éloignés ou disposant de peu de personnel technique sur place (Edge Computing, par exemple). Mais cette communication doit se faire en toute sécurité et le souci de cybersécurité doit être pris en compte. Ainsi, explique François Debray : « Pour notre nouvelle gamme 93PM G2, la connectivité au réseau de l’onduleur est assurée par une carte réseau Gigabit, et une carte ModBus pour la gestion technique centralisée qui a reçu les certifications IEC 62443-4-2 et UL 29000-1 assurant une protection contre les menaces de cybersécurité. »

 

Montage de batteries plomb étanche VRLA SLW de Yuasa. © Yuasa

Batteries plomb ou lithium : quelle technologie choisir ?
Les batteries restent un élément clé de la chaîne d’alimentation de sécurité. Les installations de batteries sont peu sollicitées (peu de décharges/recharges comparées à celles d’un véhicule électrique), mais en cas de coupure du réseau, elles doivent prendre instantanément le relais pendant le démarrage des groupes électrogènes, si le site est équipé, sinon, pendant une autonomie allant généralement de 5 à 15 min. Le choix de la batterie est donc primordial, mais aussi sa surveillance ou son contrôle et son remplacement en fin de vie.

 

 

Deux technologies sont aujourd’hui disponibles pour les applications de secours stationnaire : les batteries au plomb à l’expérience très ancienne, mais toujours en évolution technique et les batteries lithium-ion portées par leur développement pour le véhicule électrique ou le stockage d’énergie. La part de marché du lithium reste minoritaire, mais devrait continuer à se développer. Elle serait de 5 à 10 % en France pour les installations neuves.

Modules de batteries Lithium Haute Energie LIM 50E de Yuasa. © Yuasa

Pour Yves Bonnin, General Sales Manager-Reserve & Renewable Power Division de GS Yuasa Battery France, « notre groupe produit aujourd’hui des batteries issues de deux types de technologies. La technologie au plomb, essentiellement étanche VRLA pour les applications UPS, est une technologie mature ; pour les gammes utilisées dans les datacenters, elle offre des durées de vie de 10 à 12 ans (selon la classification Eurobat et les tests normalisés). Ce sont des batteries fiables pour lesquelles nous avons beaucoup de recul, avec peu de risques de défaillance brutale. Toutefois, comme pour toute batterie, nous préconisons des contrôles périodiques pour détecter un éventuel élément faible ou défaillant qui pourrait fragiliser le système. Autre point à noter, une batterie au plomb est entièrement recyclable dans une filière très maîtrisée qui permet une valorisation des produits en fin de vie. Les batteries au plomb sont probablement l’un des moyens de stocker l’énergie les plus respectueux pour l’environnement avec 99,9 % de ses composants recyclés. Le lithium-ion, qui reste plus coûteux que le plomb à l’investissement, offre cependant certains avantages : il permet un nombre de cycles charge/décharge important avec des temps de recharge plus courts. Ces deux caractéristiques, qui ont permis à cette technologie de s’imposer pour les applications véhicules électriques ou stockage d’énergie, ne sont toutefois pas très utiles pour une application secours dans un datacenter. Reste cependant une densité d’énergie plus élevée ; d’où un gain de volume et de surface au sol qui peut être intéressant pour certaines installations. Pour les batteries lithium-ion, chaque élément se doit d’être contrôlé en permanence par un système de surveillance électronique, le BMS (Battery Monitoring System), qui offre une scrutation en temps réel de tous les éléments, mais, en contrepartie, introduit une source potentielle de défaillance complémentaire dans le temps liée à l’électronique (batteries et contrôles ne pouvant être dissociés). Enfin, ces batteries sont moins sensibles que le plomb aux températures de fonctionnement plus élevées ».

Jean-Paul Beaudet

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