Le bâtiment numérique pour s’adapter à nos évolutions de vie

Christelle Aroule, Directrice Stratégie Building & Channels France pour Schneider Electric et Alain Cauchy, Directeur du Patrimoine Groupe pour CDC Habitat.

Le bâtiment connecté prend tous les jours plus d’importance. Electricien+ a voulu donner la parole à Schneider Electric, fabricant et acteur mondial incontournable sur l’électricité et la connectivité, et à CDC Habitat, le plus grand bailleur social français filiale de la Caisse des dépôts et consignation. Christelle Aroule, Directrice Stratégie Building & Channels France pour Schneider Electric et Alain Cauchy, Directeur du Patrimoine Groupe pour CDC Habitat répondent aux questions sur les besoins en transformations des bâtiments.

Qui êtes-vous Alain Cauchy ?

Alain Cauchy  – J’ai rejoint le groupe CDC Habitat en 2004, d’abord en tant qu’ingénieur d’opérations, puis directeur technique et désormais, directeur du patrimoine du Groupe. Ma formation d’ingénieur est technique et mes premières expériences se sont faites au sein du groupe Bouygues en conduite de chantier, puis sur des fonctions de contrôle technique et de sécurité bâtiment au sein du groupe Socotec.

Quel est le principal enjeu patrimonial du logement social ?

A.C. – L’enjeu du groupe CDC Habitat, opérateur global de l’habitat d’intérêt général et filiale du groupe Caisse des Dépôts, est de garantir, sur la durée, l’attractivité et le confort d’usage de ses logements au service des occupants. Pourquoi sur la durée ? Pour deux raisons principales : la première est que nous gérons le patrimoine sur du long terme, 40-50 ans en moyenne ; la deuxième, parce que nous souhaitons que nos constructions, nos acquisitions, nos rénovations soient durables au regard des enjeux environnementaux. Nous prenons en compte notre impact et nous réfléchissons à adapter nos projets en prévision des impacts du changement climatique.

C’est un critère désormais inéluctable. Nous avons pour ambition de qualifier le patrimoine existant et les nouveaux projets au travers d’une grille d’analyse « DPR » (Diagnostic de Performance Résilience, ndlr) développée par le Groupe.

Parlez-nous de votre livre blanc.

A.C. – Sur l’enjeu de la transition démographique, nous le nommons livre bleu. Il analyse les adaptations nécessaires du patrimoine au vieillissement de la population, , car nous y sommes confrontés dès à présent ; cette adaptation est effectuée de manière territoriale. Le Sud-Est, par exemple, « vieillit plus vite » que l’Île-de-France. Les logements sont gérés par chaque entité régionale pour être au plus près des besoins des occupants. Les réponses vont de l’adaptation sur mesure, à la demande – remplacement d’une baignoire par une douche, installation d’un système de préemption, etc. –, jusqu’à la définition de programmes de réhabilitation adaptés comprenant, par exemple, l’installation d’ascenseurs.

Intégrez-vous de nouveaux services ?

A.C. – Nous adaptons les services à la fois aux marchés et aux produits. Nous logeons, par exemple, en Île-de-France, des étudiants, au sein des résidences d’une filiale spécialisée : Studefi. Leurs attentes en matière de logement et bâtiment connecté ne sont pas les mêmes que pour le logement familial.

Notre responsabilité est également d’améliorer les solutions d’aide au maintien à domicile pour les seniors.

Pour ces services, associés à des équipements, nous nous devons d’être particulièrement vigilants quant à la performance technique et à la soutenabilité du coût global : investissement et maintenance.

Vous référez-vous au label R2S ?

A.C. – Nous sommes attentifs à tous les référentiels, car nous travaillons actuellement avec les différentes ressources du Groupe à construire notre propre politique technique. Aujourd’hui, avec le label R2S, nous n’avons pas engagé d’actions généralisées, mais nous sommes engagés dans plusieurs processus de labellisation ou de certification. Nous avons un accord de partenariat avec Cerqual Qualitel Certification, qui vise la certification NF habitat HQE. Cerqual travaille sur le volet numérique de son référentiel.

Nos actions portent aussi sur la collaboration avec les promoteurs en amont des projets ; à ce titre, le recours à la labellisation peut faciliter l’analyse des programmes proposés.

Installez-vous des objets connectés ou de la domotique dans le logement social ?

A.C. – Nous travaillons prioritairement à structurer une architecture « smart building » commune de nos projets. Au niveau « bâtiment connecté » (protocoles immotiques), nous visons, par exemple, le développement d’infrastructure de type LoRaWAN. Au niveau « logement connecté » (protocoles domotiques), nous visons le protocole ZigBee. Pour chaque opération, les choix définitifs seront conditionnés par un diagnostic préalable des infrastructures présentes, par exemple, le raccordement fibre optique des bâtiments.

S’agissant des cas d’usages numériques que nous souhaitons prioriser, et donc des équipements à connecter, compte tenu de nos engagements environnementaux, nous priorisons le suivi des indicateurs de consommation énergétique et de fluides des bâtiments pour en garantir la performance définie à la construction ou lors des réhabilitations. Vient ensuite le thème de la performance technique et, en premier lieu, le suivi de bon fonctionnement des équipements de sécurité incendie.

Pour tous ces développements d’objets connectés, nous serons vigilants au bilan environnemental d’un déploiement numérique important.

Les bureaux et les logements deviennent smart. Quelle est la solution de Schneider pour le bâtiment connecté ?

Christelle Aroule – Notre portefeuille EcostruXure se résume en trois parties : connecter l’infrastructure et recueillir les données grâce à l’Iot (objets connectés), retranscrire ces données via des logiciels (GTB, automates intelligents, etc.) et enfin, fournir des services digitaux adaptés aux usagers.

La finalité est d’agir sur les données et de créer des services nouveaux, adaptés aux besoins du client. Il pourra, par exemple, créer et adapter des scénarios d’éclairage ou de sécurisation d’un logement, ou bien faire de la maintenance prédictive, typiquement sur le plus gros tertiaire.

Est-ce que les usagers (propriétaires et exploitants) savent exprimer leurs besoins ?

C. A. – Très peu d’immeubles sont smart, ce qui ne facilite ni la prise de conscience ni la définition du besoin. Pour nous tous, c’est très motivant, car tout est à construire. C’est pour cela que nous développons des services digitaux. L’usager peut programmer lui-même, car l’outil le permet tant par sa simplicité d’utilisation que par le traitement des données intelligent, pour créer plus de services. Il faut entendre par « usager » les utilisateurs finaux, les chargés de maintenance, les directions des sites, etc. Toujours dans le but d’optimiser les utilisations, de faire gagner du temps et de faire réaliser des économies d’énergies et financières. Ces services, issus de l’exploitation des données de température, présence, consommations d’énergie, sécurité, visualisation, s’adressent à l’occupant, au mainteneur, au gestionnaire ou à la direction de site.

Prenons pour exemple le bâtiment IntenCity : 60 000 données sont collectées toutes les 2 minutes, une matière précieuse à exploiter pour offrir plus de valeur aux habitants de l’immeuble. Pour l’usager, il s’agit d’inventer de nouveaux services ; pour l’électricien/l’installateur/l’intégrateur, il s’agit de multiples possibilités pour lui d’opérer la transformation digitale de son business modèle. Avant, sans matériel communicant, les professionnels répondaient à un cahier des charges. Aujourd’hui et demain, ils ont l’opportunité de créer eux-mêmes des services grâce aux produits connectés qu’ils installent, qui génèrent de la data et qu’il faudra upgrader et exploiter pour continuer à enrichir l’expérience du client. Cette collecte de données doit leur permettre d’agir de manière proactive, d’aller au-devant des besoins de leurs clients et ainsi, satisfaire plus rapidement et plus pertinemment leurs besoins. Nous devons avoir cette « obsession » de la gestion fine de la data pour digitaliser nos métiers et apporter plus de valeur à nos clients.

Schneider peut-il devenir support des petites/moyennes entreprises ?

C. A. – Tous nos services basés sur des plateformes de stockage (comme le cloud) acquièrent des données. Nous, nous travaillons ces données et nous permettons à nos partenaires de développer leur business de services. Nos équipes en interne les accompagnent et les aident au quotidien pour, notamment, faire un bilan deux à trois fois par an et leur permettre de proposer à leurs clients des services complémentaires, des maintenances nécessaires, etc. Nous accompagnons tous les acteurs de la filière dans leur formation et dans le développement de leur activité commerciale dans le cadre du programme de partenariat EcoXpert.

Est-ce que la logique de Schneider est l’interopérabilité ?

C. A. – Nos systèmes et solutions sont complètement ouverts et interopérables. Et tous nos investissements futurs vont dans ce sens. C’est notre philosophie, car nous avons conscience que certaines solutions nécessitent des systèmes tiers importants pour compléter notre offre et ainsi, mieux répondre aux besoins de nos clients.

Un bâtiment se construit pour durer 30, voire 50 ans. Comment faites-vous pour fournir des solutions adaptées ?

C. A. – Heureusement que des normes telles que R2S et WiredScore nous guident et structurent le marché en matière de digitalisation. Cette question est encore plus présente depuis le COVID, car beaucoup de surfaces seront à redistribuer. Qu’en fait-on ? Comment les réaménage-t-on ? Pourquoi ne pas investir dans le digital pour optimiser ? Il faut savoir que la crise sanitaire a donné plus d’ampleur aux discussions autour de la décarbonation, de l’impact environnemental des bâtiments et de la consommation des ressources.

L’impact environnemental est un sujet très présent à n’importe quel niveau de discussion et dans tous les niveaux de la société : tous les acteurs du bâtiment vont devoir y être sensibilisés à un moment et de manière très concrète. Il faut qu’ils se posent des questions comme quel est l’intérêt d’avoir un bâtiment décarboné, la signification, quels sont les sujets connexes comme le recyclage, le traitement des eaux et des matériaux. Loin de leurs activités quotidiennes, c’est certain, mais qui sont inhérentes au bâtiment in fine.

Comment transférer la mobilité d’un bureau professionnel au logement particulier avec l’augmentation du télétravail ?

C. A. – Grâce au digital au sens large, c’est ce qui a permis le télétravail. Nous l’avons vu avec des outils de collaboration comme Teams, Zoom et autres. Pour tous les autres services que nous trouvons au bureau, c’est la même chose. Le « bureau » a changé de définition avec le COVID, ce n’est plus un lieu statique, le travail est dorénavant hybride : chez soi et dans un espace commun.

Cet espace commun a évolué : moins de mètres carrés pour les bureaux, émancipation et accélération des solutions de flex office, besoin de réinventer les usages au bureau. Maintenant, les bureaux sont plutôt vus comme un espace d’échange collaboratif entre collègues, un espace de communication, un lieu de vie. Et le bâtiment doit s’adapter à ce nouveau besoin comme le partage des salles de réunion par une application dédiée, l’utilisation des espaces en temps réel (parking, salle de réunion, etc.). Et le lien dans toutes ces nouvelles solutions, c’est le digital.

Le logement devient le 2e bureau. Est-ce que Schneider Electric a vocation à entrer dans le domicile ?

C. A. – Nous sommes déjà dans cette optique-là via le smartphone de l’usager. Il nous faut lui permettre de déplacer son bureau chez lui. Aujourd’hui, en tant que collaborateur de telle entreprise, de tel bâtiment, l’utilisateur a l’application dédiée du bâtiment, du bureau, sur son téléphone personnel. Il a accès à des données telles que la capacité d’accueil du parking, la présence d’une borne de recharge électrique pour son véhicule, le menu de la cantine, l’occupation des salles de réunion, etc. Le numérique doit permettre de garder le lien avec l’entreprise. Ce sont des solutions que nous proposons dans notre gamme EcoStruxure Building.

On s’aperçoit que le besoin en services est important dans le résidentiel collectif, notamment avec le maintien à domicile. Qu’en pensez-vous ?

C. A. – Tout comme le bureau a changé de définition après le COVID, la résidence collective est aussi en train de se réinventer pour, là encore, intégrer plus de services, dont des sujets qui n’étaient pas d’actualité auparavant.

Différents sujets comme l’intégration des espaces de coworking dans les résidences collectives, de services comme la livraison, l’aide à la personne sont envisagés. Nous ne sommes plus sur des bâtiments mono-usage, ils doivent donc s’adapter et intégrer plus de digital qu’avant pour intégrer davantage de mixité.

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