Réduire l’empreinte environnementale du refroidissement des datacenters

Installation de refroidisseurs Carrier 30XF à condensation par air et vis à vitesse variable. © Carrier ©foto_xaviergranet

Les systèmes de refroidissement restent les plus gros contributeurs au PUE des datacenters et avec l’augmentation du coût de l’énergie et de l’eau, mais aussi la responsabilité sociétale des entreprises, des ressources ont été déployées par les industriels pour réduire fortement leur impact environnemental. Des nouveaux systèmes de free cooling au développement du liquid cooling, les objectifs sont les mêmes : avoir des solutions plus efficaces et plus économes en énergie.

En octobre 2022, les entreprises du numérique ont signé un « Engagement sobriété » pour accélérer leur transition énergétique et réduire leur consommation électrique qui représente près de 10 % de la consommation française.

À la suite de l’étude confiée à l’ADEME et à l’Arcep sur l’évaluation de l’impact environnemental du numérique en France, des points avaient été listés en 2022 pour contribuer à l’objectif de réduction de la consommation d’énergie de 10 % d’ici la fin 2023.

Pour les datacenters, on notera trois recommandations :

  • Couper les serveurs non utilisés et retirer les composants non nécessaires.
  • Améliorer les systèmes technologiques de refroidissement des serveurs.
  • Évaluer la possibilité après étude technique d’augmenter la température des espaces d’hébergement si celle-ci est en dessous de 23°.
Les équipements de refroidissement des datacenters sont indispensables à leur fonctionnement. © Vertiv

Toute la filière, des exploitants aux concepteurs et fournisseurs d’équipements, est mobilisée, comme le note France Datacenter, l’association qui représente l’ensemble des acteurs de l’écosystème des datacenters en France : « Depuis de nombreuses années, les acteurs du secteur datacenter agissent pour réduire leurs consommations énergétiques, dans un monde où les usages numériques explosent via les nombreuses innovations technologiques (internet des objets, télétravail, etc.). Alors même que la consommation de données a été multipliée par 5 en dix ans, les consommations énergétiques des centres de données n’ont augmenté parallèlement que de 6 %. De même, le Power Usage Effectiveness (PUE, indicateur d’efficacité énergétique) des nouveaux datacenters a drastiquement chuté et avoisine maintenant les 1,3. »

Cette mobilisation touche tous les équipements et fonctions du datacenter, depuis le refroidissement/climatisation, l’alimentation électrique sécurisée jusqu’aux nombreux équipements de mesure et de surveillance des consommations d’énergie ou d’eau.

Les datacenters veulent réduire leur impact environnemental
« De plus en plus d’entreprises prennent des mesures pour réduire leur impact sur le climat en réduisant les émissions de carbone de leurs activités, confirme Séverine Hanauer, directrice Segments Stratégiques Telco & Déploiement Edge, Europe du Sud chez Vertiv. Il y a plusieurs bonnes raisons à cela : outre le respect des exigences réglementaires, les organisations peuvent avoir besoin de satisfaire les demandes de leurs clients en matière d’activités écologiques et ont souvent leurs propres objectifs ambitieux en matière de climat. Le secteur des datacenters, par exemple, s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2030, et aura déjà atteint 75 % de cet objectif en 2025. L’augmentation de l’utilisation des énergies renouvelables, telles que les éoliennes, les panneaux photovoltaïques et les piles à combustible, et la réduction de la dépendance à l’égard des sources d’énergie fossiles, telles que les groupes électrogènes diesel, sont des moyens de réduire l’impact sur le climat. Les énergies renouvelables ont beaucoup progressé ces dernières années et les technologies telles que les éoliennes et les panneaux photovoltaïques sont aujourd’hui au point, efficaces et compétitives.

Les écosystèmes hybrides offrent plusieurs moyens de réduire l’impact sur le climat pour les entreprises et les organisations qui s’efforcent d’améliorer leur empreinte carbone. Bien que l’énergie hybride ne soit pas en soi une technologie verte, elle peut être utilisée pour réduire les émissions de carbone et réaliser des opérations vertes dans un écosystème et atteindre simultanément différents objectifs opérationnels. Les systèmes de stockage d’énergie par batterie et la gestion intelligente de l’énergie sont deux facteurs clés dans la conception et l’exploitation d’un écosystème hybride fiable et à même de faire face à l’avenir. 

Les différents équipement de refroidissement d’un datacenter. © Vertiv

La consommation d’eau des datacenters s’invite également au cœur des débats. En fonction des technologies de refroidissement utilisées, la consommation d’eau peut être importante et également impactée par les changements de conditions climatiques. Il existe cependant des systèmes de refroidissement à eau qui fonctionnent en boucle fermée, évitant ainsi une utilisation à eau perdue. En outre, les nouveaux systèmes de refroidissement utilisant des réfrigérants à faible PRG (potentiel de réchauffement global) contribuent également à réduire l’empreinte carbone et les émissions de CO2.

Mur de refroidissement à eau glacée Liebert CWA de Vertiv. © Vertiv

Avec l’augmentation des densités informatiques dans un même volume, de nouvelles solutions de refroidissement ont été développées pour être installées au plus près des équipements émetteurs de chaleur. La technologie de refroidissement liquide s’appuie sur les excellentes propriétés de transfert thermique des liquides par rapport à l’air. Il existe aussi le refroidissement par immersion, même s’il n’est pas applicable à tous les équipements informatiques, limitant aussi la consommation d’eau. Plus globalement, ces systèmes sont également favorables à une consommation énergétique des datacenters plus mesurée et peuvent même être utilisés pour recycler la chaleur résiduelle afin de soutenir l’économie circulaire. »

Avoir des systèmes de refroidissement efficaces et de plus en plus économes
L’énergie électrique consommée par tous les équipements informatiques et d’infrastructure électrique (onduleurs, transformateurs, moteurs, éclairage…) est presque intégralement convertie en chaleur. Évacuer cette chaleur des équipements et de la salle représente encore le plus gros poste de consommation d’énergie du datacenter. Trouver des solutions adaptées à chaque implantation, à chaque configuration de salle, mais aussi à l’augmentation de puissance moyenne des serveurs et baies est la préoccupation de tous les constructeurs d’équipements.

Pour améliorer le refroidissement des datacenters, plusieurs nouvelles technologies peuvent être utilisées afin de réduire le PUE et d’optimiser l’efficacité énergétique.

Groupe de production d’air réfrigéré à eau glacée Uniflair de Schneider Electric. © Schneider Electric

Pierre-Antoine Louvot, Business Development & Offer Manager Secure Power chez Schneider Electric, livre les différentes solutions utilisées pour un refroidissement efficace et adapté à chaque type de centre de données :

  • Refroidissement liquide (liquid cooling) : le refroidissement par liquide, tel que l’utilisation de refroidissement à immersion ou de refroidissement direct, permet de dissiper la chaleur plus efficacement que les méthodes de refroidissement traditionnelles par air. Cette technologie réduit les coûts énergétiques et optimise l’utilisation de l’espace dans les datacenters.
  • Free cooling : le free cooling utilise les conditions climatiques extérieures favorables pour refroidir les équipements informatiques. En utilisant des échangeurs de chaleur ou des tours de refroidissement, il est possible de réduire la dépendance aux systèmes de climatisation mécanique, ce qui entraîne des économies d’énergie significatives. 
  • Gestion dynamique de l’air : les solutions de gestion dynamique de l’air, comme les systèmes de plancher surélevé et les rideaux d’air, permettent de diriger l’air froid directement vers les équipements qui en ont besoin, optimisant ainsi l’efficacité du refroidissement. Cela évite également les mélanges d’air chaud et froid, réduisant les pertes énergétiques.
  • Modélisation et simulation : les outils de modélisation et de simulation permettent de créer des modèles virtuels du datacenter afin de tester différentes configurations et stratégies de refroidissement. Indispensable pour optimiser la conception du datacenter et prévoir les performances thermiques avant sa construction ou sa mise à niveau.
  • Intelligence artificielle et IoT : l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) et de l’internet des objets (IoT) dans les datacenters assure une surveillance et une gestion plus précises de la température, de l’humidité et de la consommation énergétique. Ces technologies peuvent aider à détecter les anomalies, à optimiser les opérations de refroidissement et à prendre des décisions en temps réel pour améliorer l’efficacité énergétique.
Refroidissement monobloc à eau réfrigérée InRow pour datacenters de taille moyenne. © Schneider Electric

Il est important de noter que les besoins en matière de refroidissement peuvent varier en fonction de la taille et de la localisation du datacenter, ainsi que des charges de travail spécifiques. Une approche personnalisée et une évaluation approfondie des différentes options sont essentielles pour choisir les technologies les plus adaptées à chaque situation. 

Pour le spécialiste du traitement de l’air Carrier, « l’augmentation des températures d’exploitation des serveurs permet de bénéficier d’une part importante de free cooling. La scalabilité de ces solutions est une des clés pour permettre d’accompagner nos clients sur l’ensemble de leur projet du Edge à des datacenters hyperscale. Carrier propose une gamme de refroidisseurs à vis à condensation par air AquaForce® 30XF-Z avec compresseurs à vis à vitesse variable, fluide frigorigène R-1234ze et capacités de refroidissement allant de 300 kW à 1 800 kW, des refroidisseurs Scroll à condensation par air AquaSnap® 30RBP avec plusieurs compresseurs Scroll, fluide frigorigène R-32 et capacités de refroidissement allant de 170 kW à 950 kW avec option free-cooling intégrée pour le refroidissement des datacenters de petite à moyenne tailles, des armoires à détente directe avec débit d’air vertical et unité extérieure de condensation à air : 50CJ-X pour les datacenters à petite ou faible densités ; des armoires de précision à eau réfrigérée avec débit d’air vertical : 50CJ-W, 50CO-W et des unités personnalisées, et des solutions intégrées de refroidissement en couloir technique (Fanwall). 

Installation de refroidissement d’un datacenter. © Carrier ©foto_xaviergranet

Le besoin initial des équipements HVAC en datacenter est le maintien des conditions de température (et d’hygrométrie). Pour cela, la gestion globale du système HVAC doit permettre de délivrer à tout moment la quantité suffisante d’énergie en garantissant la performance la plus optimisée et le niveau de redondance optimal. C’est en mutualisant l’ensemble des informations du site qu’il est possible d’optimiser les moyens mis en jeu en intégrant les trends de comportement ainsi que les variations climatiques externes ». 

Le refroidissement liquide se développe pour des puissances de plus en plus importantes
Le liquid cooling, ou refroidissement liquide, est une technologie qui vise à dissiper la chaleur générée par les équipements électroniques en utilisant un liquide de refroidissement. Les développements récents dans ce domaine incluent l’utilisation de liquides à haute conductivité thermique, l’amélioration des systèmes de distribution de liquide et l’intégration de technologies de contrôle intelligent.

Ce refroidissement liquide devrait se développer avec l’augmentation de la puissance installée dans les racks ou armoires des datacenters.

Car comme le note Séverine Hanauer, « il n’est plus rare de trouver aujourd’hui des puissances de plus de 20 kW, et le marché se dirige vers des puissances de plus de 50 kW. Individuellement, et en réponse aux besoins digitaux croissants et autres applications IA, les serveurs concentrent également des puissances CPU et GPU toujours plus importantes, avec un dégagement de chaleur croissant.

Unité de refroidissement liquide Liebert XDU 450W avec boucle d’eau fermée. © Vertiv

Dans ce contexte de racks haute densité, les systèmes de refroidissement doivent évoluer pour répondre à de nouvelles exigences et poussent les opérateurs de datacenters à adopter des technologies de refroidissement hybrides. On observe plusieurs cas de figure. Tout d’abord, les nouveaux datacenters conçus pour s’appuyer exclusivement sur le refroidissement liquide, créant ainsi des datacenters plus petits et plus efficaces dotés de capacités de calcul massives. Ensuite, des datacenters conçus avec un refroidissement à air, mais qui incluent également une infrastructure de refroidissement liquide pour simplifier la transition future. Puis, et de loin le plus courant, celui des opérateurs de datacenters qui intègrent le refroidissement liquide dans des installations existantes refroidies à l’air, en transférant souvent une partie de la capacité des systèmes à air vers le liquide. 

Pour satisfaire les quantités de données nécessaires à la portée de l’utilisateur, il faut également augmenter la densité de puissance dans les datacenters Edge avec des systèmes de refroidissement adaptés à la haute densité. Et c’est précisément pour cette raison que Vertiv a développé une gamme complète de solutions de refroidissement pour datacenters à haute densité. Ainsi, qu’il s’agisse de modules de refroidissement à base de réfrigérant ou à pompage de réfrigérant, de groupes de production d’eau glacée, de systèmes de refroidissement périphériques, montés au plafond ou entre les racks informatiques, nous sommes en mesure d’aider nos clients à préserver la température de leurs équipements informatiques à des niveaux optimaux ».

Installation de refroidissement liquide Schneider Electric. © Schneider Electric

Pour Pierre-Antoine Louvot, les avantages du liquid cooling sont nombreux. « Tout d’abord, il permet une dissipation de chaleur plus efficace par rapport aux méthodes de refroidissement traditionnelles telles que l’air cooling. Cela peut réduire les risques de surchauffe des équipements et améliorer leur fiabilité. De plus, le liquid cooling permet une densité de puissance plus élevée, ce qui signifie que les équipements peuvent être plus compacts tout en offrant des performances élevées. Cela peut être particulièrement avantageux dans les datacenters où l’espace est souvent limité.

Enfin, le liquid cooling peut également contribuer à des économies d’énergie. En refroidissant plus efficacement les équipements, il réduit la consommation d’énergie liée au refroidissement, ce qui peut avoir un impact positif sur les coûts d’exploitation.

En résumé, le liquid cooling offre une meilleure dissipation de chaleur, une densité de puissance plus élevée et des économies d’énergie potentielles. Cependant, il est important de noter que sa mise en œuvre nécessite une planification et une gestion adéquates pour assurer son bon fonctionnement. Des technologies supplémentaires, telles que l’utilisation de liquides non conducteurs d’électricité, sont également nécessaires pour garantir la sécurité des équipements et des opérateurs. »

Utiliser des fluides de refroidissement moins polluants
Les climatiseurs ont besoin de fluides frigorigènes pour fonctionner. Certains de ces fluides utilisés depuis de nombreuses années sont particulièrement polluants pour l’environnement, leurs fuites pouvant détériorer la couche d’ozone et participer à l’augmentation de l’effet de serre.
La réglementation européenne F-Gas II fixe un objectif de réduction de 80 % de l’utilisation de gaz HFC à fort PRG (pouvoir de réchauffement global) d’ici 2030.

Ces fluides se retrouvent dans les installations de refroidissement des datacenters, et les constructeurs doivent passer à des solutions non concernées par la directive.

Carrier utilise ainsi le réfrigérant R1231ze pour l’ensemble de son offre de compresseurs à vis : « Ce réfrigérant présente des caractéristiques physico-chimiques permettant son utilisation sur les applications HVAC en substitution des anciens HFC. Le R1234ze présente un PRG < 7 ce qui en fait un bon candidat pour réduire l’impact carbone des réfrigérants. En termes d’exploitation enfin, le R1234ze est un fluide pur, ce qui simplifie les opérations de maintenance et de manipulation.

Impact comparé des gaz à effet de serre des refroidisseurs sur le réchauffement climatique. © Carrier/Giec
Contrôle du fonctionnement des installations de refroidissement. © Carrier

Carrier travaille sur une large gamme de réfrigérants et continue d’innover afin de proposer les solutions permettant d’allier performance et durabilité. Le contexte réglementaire et technologique nous pousse à trouver pour chaque application le meilleur compromis. Nous solutions allient les fluides HFO de dernières générations et les réfrigérants naturels quand cela est possible. Il peut remplacer le R-134a ou le R-513a sur les groupes à vis anciennes générations avec cependant une baisse de puissance frigorifique de 15 à 20 %. »   

Valoriser la chaleur fatale des datacenters
Valoriser les pertes de chaleur des datacenters à travers un réseau de chaleur ou de froid est une solution intéressante, mais les datacenters représentent un gros gisement de chaleur fatale encore peu exploité. Cela devrait changer avec la directive européenne révisée relative à l’efficacité énergétique publiée en septembre dernier, qui introduit de nouvelles exigences. Par exemple, les datacenters de puissance > 1 MW seront dans l’obligation d’utiliser la chaleur fatale, sauf impossibilité technique ou économique, avec une mise en conformité avant octobre 2025.

Pour Carrier, « les pompes à chaleur sont un élément clé du développement des datacenters dans les années à venir. Elles permettent l’intégration des datacenters dans le maillage énergétique urbain. Elles sont ainsi une des clés de l’acceptabilité des futurs DC au plus près des lieux de consommation. On constate actuellement une augmentation importante des études portant sur l’intégration de PAC dans les projets de datacenters ».

Jean-Paul Beaudet

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