GTB – CEE : ne pas confondre baisse de forfait et perte de pertinence

Florence Lievyn, responsable des Affaires publiques chez Sonergia et présidente du Groupement professionnel des certificats d’économies d’énergie (GPCEE)

La baisse récente des forfaits CEE sur la fiche BAT-TH-116 pourrait laisser croire que la gestion technique du bâtiment (GTB) a perdu de son intérêt. Florence Lievyn, responsable des Affaires publiques chez Sonergia et présidente du GPCEE, va à l’encontre de cette idée reçue et rappelle que, bien au-delà de l’incitation financière, la GTB constitue un levier structurant pour optimiser les consommations, répondre aux obligations du décret tertiaire et valoriser la performance énergétique, à condition de l’inscrire au cœur d’une stratégie globale. Plus qu’un simple système technique, elle devient une véritable infrastructure au service de l’efficacité, de la conformité réglementaire et de la trajectoire carbone.

Dans un contexte où les professionnels du bâtiment tertiaire maîtrisent désormais parfaitement les fondamentaux de la fiche BAT-TH-116, il serait tentant de tirer un trait sur ce levier, au motif que les forfaits CEE ont récemment baissé. Ce serait une erreur d’analyse.

Car s’il est vrai que l’incitation économique a été revue à la baisse, la pertinence technico-économique d’un projet de gestion technique du bâtiment (GTB), elle, n’a jamais été aussi évidente. Le dispositif CEE continue d’offrir une assise financière précieuse pour massifier ces opérations, à condition de les inscrire dans une logique de performance pilotée, et non comme un simple équipement de plus.

La réalité énergétique des bâtiments tertiaires nous le rappelle : à usages constants, les déperditions et surconsommations sont encore nombreuses, souvent invisibles, mais structurelles. Le Gimelec le souligne régulièrement : 20 à 30 % d’économies sont accessibles sans travaux lourds, uniquement par l’optimisation du fonctionnement des équipements existants, à condition d’y adosser un système GTB interopérable, intelligent et évolutif.

C’est là que réside l’intérêt de maintenir le recours aux CEE, même sans bonification. Ils permettent d’amortir l’effort initial, d’autant plus dans les projets multisites ou dans les patrimoines publics contraints par le décret tertiaire. Le lien entre BAT-TH-116 et obligations réglementaires est direct : la GTB est l’outil pivot pour anticiper les prochaines échéances et notamment celles du décret écoénergie tertiaire en 2030, structurer la remontée de données, objectiver la trajectoire, et sécuriser la gouvernance énergétique.

La sophistication croissante des systèmes GTB – multi-usage, intégrant pilotage, supervision, datavisualisation et alerte – donne une nouvelle valeur d’usage aux projets, au-delà du seul ROI énergétique. La GTB devient une infrastructure au service de l’efficience technique, de la conformité réglementaire et, bientôt, de la valorisation extrafinancière dans les bilans carbone ou les notations ESG.

Il est donc essentiel de ne pas réduire l’analyse des projets à un pur ratio kWh cumac/euro. La valeur réelle de la fiche BAT-TH-116 réside dans son pouvoir de déclenchement. Elle facilite le passage à l’acte pour des exploitants ou des maîtres d’ouvrage encore hésitants, et elle ancre la logique d’optimisation continue dans les pratiques.

Ce rôle d’accélérateur va d’ailleurs prendre une nouvelle dimension dans le cadre de la bonification CEE de la rénovation globale tertiaire, attendue d’ici la fin de l’année. Cette future fiche permettra de récompenser les projets d’ensemble, dans lequel nous espérons que la GTB sera un composant structurant du bouquet de travaux. L’intégration de cette couche intelligente au cœur des rénovations globales donnerait tout son sens au pilotage actif : un vecteur d’efficacité, de cohérence et de garantie de performance dans le temps.

Dans cette logique, le pilotage énergétique tertiaire, même avec des primes diminuées, reste une solution incontournable pour qui veut allier intelligence technique et rationalité économique. La filière électrique en est un moteur. À nous de continuer à en faire la démonstration, preuve à l’appui.

Par Florence Lievyn, responsable des Affaires publiques chez Sonergia et présidente du Groupement professionnel des certificats d’économies d’énergie (GPCEE)